LUTZEN ET BAUTZEN. -
llIAI
i8i5.
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ment secret, mais formel et écrit, que les Russes
auraient été autorisésa publiersi on l'avait violé.
Il n'y avait done pas moyen de se plier aux exi–
gences rle M. de Narbonnc, et M. de Metternich
fut obligé de luí résister, tres-doucement daos la
forme, mais tres-opiniatrément dans le fond. -
Oui,je suis votre allié, répondit-il a M. de Nar–
bon·ne ; je le suis, je vcux continuer
a
l'etre; mais
je suis médiateur aussi, et tan t que mon róle de
médiateur nesera pas épuisé par le refus de con–
ditions raisonnables, je ne puis pas redevenir
belligérant. - M. de Mettemich reproduisit
ensuite tout ce systeme d'argumentation adroite
et subtile, que l'on connait déja, et dont nous
n'avions pas intéret
a
le fairc sortir, tant que
nous ne voulions pas en arriver a un éclat avec
l'Autriche, et
a
la guerre avee cette puissance.
Puis abandonnant les subtilités, et abordant les
considéra.tions de bon seos,
1\1.
de Metternich
supplia M. de Narbonne de ne pas insisler davan–
tage, de ne pas le mettre daos une fausse posi–
tioo, en lui demandant ce qu'il ne pouvait pas
aceorder, c'est-a-dire la reprise des hostilités
contre les Russes. - Si je vous refuse trente
mille hommes aujourd'hui, répéla-t-il, c'est pour
vous en donner cent cinquante mille plus lard,
lorsque noJis serons d'accord sur une paix pro–
posable et acceptablc par l'Europe. - Ces paroles
fort sages ramcuaient la seule, la grande ques–
tion du moment, celle des conditions de la paix,
s11r laquelle nous avions complétement tort, et
qui devait entrainer notre ruine. M. deNarbonne
revenant encore
i:i.
la charge,
.M.
de l\fotternich
alla jusqu'a luí dire que c'était une
fa
ute d'insis–
ter a ce point, car il croyait savoir que Napoléon
_ne voulait pas qu'on poussat a bout la
CO Ul'
d'Au–
triche. En effet,
l\L
de Bubna revenant de París
fort touché des soins dont
il
avait été l'objet.,
affirmait que Napoléon désirait marcher d'accord
avec son beau-pere, et que , si on s'y prenait
bien, on amenerait bientót un arrangement rai–
sonnable des affaires européeones.
1\1.
de Bubna
courut effectrvement chez M. de Narbonne, le
pressa de ne pas troubler l'intimité prete a re–
O'aitre entre le gendre et le beau-pere,
le
supplia
de prendre patience, lui disant que, moyennant
qu'on
füt
tant soit peu taisonna:ble, Fes coalisés
le seraien:t si peu, que de gré ou de force la cour
d'Autriche reviendrait
3'
Napoléon, et qu'alors ce
n'étaient pus trente mi!JFeAutrichiens qu'on aurait,
mais deux cent mille.
Ce langage était fort sensé, mais M. de Nar–
boone, tout plein desdépeches qu'il avait rei;ues,
alar-mé de ce qui pourrait arriver si les ordres
de Napoléon parvenant
a
Cracovie a M. de Fri–
mont n'y 1·encontraient que la désobéissance, si
le prince Poniatowski rcfusant de se laisset' désar–
mer,
il
éclatait une collision entre les Polonais
et les Autrichiens, cédant aussi
a
l'impulsion de
son role, qu'il s'était attaché a entendre tout
autrement que son prédécesseur
1\1.
Otto, crut
bien faire en remettant une note formelle par
laquelle, invocyuantle traité d'alliance du
14
mars
1812,
rappelant la confirmation que les Autri–
chiens lui en avaient plusieurs donnée,
il
som–
mait la cour de Vienne ou d'exécuter ce lraité,
ou de déclarer qu'il n'existait plus. Craignarit
néanmoins apres cette démarche la réponse qui
pourrait lui etre adressée, et voulant la prévenir,
il demanda une enlrevue
a
l'empereur Frnnc;ois,
et admis tout de suite aupres de ce monarque,
le conjura de ne pas rejeter l'Autriche et la
France, l'une a l
'éga.rdde l'autre, d:ins un état
d'hostilité qui jusqu'ici n'ava it amené que des
mal heurs, et pouvait en entr11iner de plus grands
encore. L'cmpereur accueillit M. de Narbonne
avec beaucoup de politesse et de calme, lui
répéta !out ce que luí avait dit M. de Metternich,
ajouta meme nssez finement que s'il ava it voulu
s'assurer de l'accord qui existait entre le souve–
rain et le ministre dirigeant, il allait se retirer
édifié; que pour luí , il désirait r ester l'allié de
son gendre, mais saos abandonner un róle qui
éta it le seul que le peuple autrichien lui vit
adopter avec plaisir, celui de médiateur ; qu'il
y
persisterait jusqu'au bout, et ne! s'en départirait
que lorsqu'il aura it perdu toute espérance d'opé–
rer un rapprochement entre les puissances belli–
géranles.
11
finit, comme
l\f.
de Melternich, par
d ire qu'il était porté
a
croire que M. de Narbonne,
sans doute pour dégagcr sa responsabilité per–
sonnelle, en faisait trop, et allait au dela des
vraies intcntions de son maitre.
M. de Narbonne insista de nouveau sur les
graves conséquences que pourrait avoir un éclat
public a Cracovie, sur la nécessité de le prévenir,
et refusa de tetirer sa note.
M. de Melternich, obligé enfin d'y répondre,
avait un moyen tout simple de sortÍ'r d'embarras,
c'était de recóurir
a
la déclaration qu'il avait
faite le
12
avril, quand on lui avait proposé
d'entrer dans les événemcnts par une action des
plus vives. Il avait pris acle alors de ce qu'on lui
proposait pour avouer le role demé<liateur a.:.-mé,
pour annoncer des armements considérables mis
~u
service de la médiation, et pour établir que