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LIVnE
QUARANTE-HUITIEIUE.
truire beaucoup d'autres chargées de bagages.
On )es poursuivit le 6 et Je 7 sans reJachc ,
Napoléon voulant arriver
a
Drcsde le 8 mai au
plus tard. Les Prussiens avaient pris la route de
Meissen , les Russes celle de Dresde, saos qu'on
put encore conclurc de cette double direction
qu'ils se sépareraient, les u ns pour couvrir Berlin,
les autres pour couvrir Breslau. Napoléon ayant
dirigé le corps de Lauriston par Wurtzen sur
Meissen, le pressa de hatersa marche vers l'Elbe,
afin de surprendre, s'il était possible, le passage
de ce fleuve, ce qui était d'un grand intéret,
car nous avions des pontonniers
et
pas de pon–
tons' ce matériel lourd
a
porler étant fort en
arriere. Napoléon avait une autre raison de
pousser vivemcnt le général Lauriston sur l\feis–
sen pour y fran chir l'Elbe, c'était Je désir de
faire- tomber ainsi la résistance qu'on cssayerait
peut-étre de nous opposcr
a
Dresde meme. On
ne pouvait en effet tenter un passage de vive
force aupres de cette ville, qu'en s'exposant
a
la
détruire, et c'était déja bien assez d'avoir fait
sauter deux arches
de
son pont de pierre, aeei–
dent de guerre auquel elle avait été infiniment
sensible, saos endommager eneore les beaux édi–
fiees dont ses électeurs l'avaient décorée.
Le 7 on se por ta sur Nossen et Wilsdruff. Le
vice-l'oi trouva l\Iiloradovich arreté dans une
bonne position qu'il semblait résolu
a
défendre.
On la fui enleva brusquement, et on luí fit payer
par quelques centaines d'hommes cette inutile
bravade. Le !endemain 8 mai on pa1·ut sur cet
amphitbéatre de eollines, du h¡rnt duque! on
aperc;oit Ja belle ville de Dresde, assise sur les
deux bords de l'Elbe et au pied des montagnes
de Boheme, comme Florence sur les deux bords
de l'Arno et au pied de l'Apennin . Le temps
était superbe, la campagne émaillée des fl eurs du
printemps présentait l'aspeet Je plus riant, et
c'était le creur serré qu'on regardait ce riche
Jiassin , exposé, si l'ennemi résistait,
a
devenir
en quelques heures la proie
des
flammes. On des–
cendit les gradins de cet amphithéatre en autant
de colonnes qu'il y avait de routes rayonnan t
vers Dresde, et l'on vil avec joie les noires eo–
lonnes de l'armée russe, renonc;ant
a
combattre,
s'enfoncer dans les
r!l~s
de la ville, et repasser
l'Elbe dont elles brulerent les ponts. Depuis la
rupture du pont de picrre, on avait, pour Je ser–
vice des armées eoalisées, établi trois passages,
un avec des bateaux au-dessus de Ja ville , un
-au-dessous avec des radeaux, un dans la ville
meme, en rempla9ant par deux arches en char-
pente les dcux arches de pierre que le maréchal
Davoust avait fait sauter. On aperc;ut tous ces
ponts en flammes, ce qui annonc;ait que les Rus–
ses cherchaient un asile dcrricre l'Elbe. Nous
entrames done dans la ville principale, c'est-a–
dire dans la vieille ville, Jaquelle est situécsur la
gauche du fleuve, et les Russes resterent dans la
villc neuvc, située sur la rive droite.
A peine nos colonnes entraient-elles dans
Dresde, qu'une députation municipale vint
a
la
rencontrc du prince vice-roí, afin d'implorer sa
clémence. La ville en cffet, au souvenir de la
conduite qu'elle avait tenue depuis un mois, étaít
fort alarmée. Elle avait voulu assaillir
les
Fran–
c;ais, qui ne s'étaient sauvés que par leur honne
attitude; elle avait rec;u les 'souverains étrangers
sous des ares de triomphe, et jonché de fleurs la
route qu'ils parcouraient. Elle avait adressé des
inst.ances et mcme
des
menaces
a
son roí, pour
qu'il suivit l'exemple du roí de Prusse, et, il
faut le dire, ce qui était fort légitime de la part
des Prussiens, l'était un peu moins de la part
des Saxons, que nous avions relevés au licu de
les abaisser. Les babitants attendaient done avec
une sorte d'eífroí ce que Napoléon décíderait_
a
leur égard. Il était aceomu effectivcment, et
était arrivé aux portes de
la
ville un peu apres
le více-roi, qui, avcc sa modcstie accoutumée,
avait renvoyé
a
son pere la députatíon muni–
cipale.
Napoléon rec;ut
a
cheval les clefs de Dresde,
en disant avec hauteUl'
a
CCllX
qui ]es lui pré–
scntaient qu'il voulait bien accepter les clefs de
Jeur vme; mais pour les remeLtre
a
leur souve–
rain; qu'il leur pardonnait lcurs manvais trai–
tements envers les Fran9ais , mais qu'ils n'en
devaicnt de reconnaissance qu'au roi Frédéric–
Auguste; que c'était en considératíon des ver–
tus , de I'agc, de la loyauté de ce prince, qu'il
les qispcnsail de l'!!pplication des lois de la guerre;
qu'ils se préparassent done
a
l'accueillir avec les
r espccts qu'ils lui devaient,
a
relever, mais pour
lui seul , les ares de triomphe qu'ils avaient si
imprudemment dressés
a
l'empereur Alexandre,
et qu'ils le remerciassent bien en le revoyant, de
la clémence avec laquelle iJs étaient traités en
ce moment, car sans lui l'armée fran<¡aise les eut
foulés aux pieds comme une ville conquise; que
toutcfois ils y prissent gardc, et ne fissent ríen
pour favoriser l'ennemi, car Je moindre acte de
trahison serait immédiatement suivi de chati–
ments terribles. Cela dit, Napoléon Jeur ordonna
de préparer du pain pour ses colonnes en marche.