LUTZEN ET BAUTZEN. -
llIAt
1815.
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La plus grande discipline fut prescrite aux
troupes, et observée par elles. Napoléon cepe11-
dant voulait franchir l'Elbe pour faire évacuer
aux Russes Ja ville neuve, afio d'éviter les com–
bats d'une rive
a
l'autre, qui ne pouvaient qu'en–
dommager cette belle capilale. 11 ne voulait pas
meme attendre que le général Lauriston eut
exécuté son passage
a
l\feissen, cette opération
n'étant pas certaine, et dépendaot des obstacles
et des moyeos que ce général i·encontrerait. A
peine avait-il donné une heure aux premieres
dispositions que réclamait Je paisible établisse–
mcnt de l'armée, qu'il remonta a cheval pour
opérer une reconnaissance des bords de l'Elhe.
Au pont de pierre qui est au milieu meme de
la ville, les arches en bois avaieot été inceodiécs,
et bien que le passage fut facile a rétablir, il
était impossible de le faire sans provoquer une
canonnade, et saos la rendre, ce que Napoléon
cherchait a éviter. Les Russes Iogés daos les
maisons qui bordaieot Ja rive droite de l'Elbe
lui tirereot quelques coups de fusil dont
il
ne
tint compte, et
il
sortit de la ville pour aller re–
connaitre les passages au-dessus et au-dessous.
Au-dessus le passage n'était pas praticable,
parce que la rive droite, sur laquelle il fallait
aborder, dominait Ja rive gauche, de Jaquelle on
dcvait partir. Napoléon descendit au galop au–
dessous de Dresde, et suivant Je cours de l'Elbe,
qui
a
une petite licue fait un détour au midi,
il
trouva a Priesnitz un terrain propre a un pas–
sage de vive force. En cet endroit Ja rive que
nous occupions dominait celle qu'occupaient les
Russes, et on
y
pouvait établir de J'artillerie pour
protéger les opérations de l'armée. Napoléon
disposa toutes choses pour le lendemain meme,
9 mai. Quclques bateaux, restes du pont étabJi
au-dessus de Ja ville, quelques embarcations ra–
massées par Ja cavalerie le long du fleuve,
avaient été réuuis et mis a l'abri des cntreprises
de l'ennemi pour etre employés le jour suivant.
Le lendemain en effet Napoléon, a cheval des
Ja pointe du jour, descendit
a
Priesnitz avec une
· forte colonne d'infanterie et toute l'artillerie de
la garde, et
lit
commencer Je passage sous ses
yeux. Les Russes étaient rangés sur l'autre rive,
et pabissaient résolus a la défendre. Napoléon
ordonna l'établissement d'une forte batterie sur
les hauteurs de Priesnitz, afin de balayer la plage
située vis-a-vis, et
fit
monter sur-le-champ les
voltigeurs daos les embareations qu'on s'était
procurées. Trois cents passerent a la fois, et
chasserent les tirailleurs russes, t.andis que par
un va-et-vient continuel d'autres allerent les re–
joindrc et les renforcer.
Sur-le~champ
ils com–
menccrent un fossépour secouvrir, pendant que
la canonnades'établissait au-dessus deleurs tetes.
Les Russes amenerent de l'artillerie, Napoléon
en amena davantage, et bientót ce fut sous le feu
de cinquante pieces de canon russes, et de qualre–
vingts fran<;aises, que le travail du pont fut con–
tinué. Les boulets tombaient de tout coté, et l'un
de ces boulets venant heurler un magasin de
planches pres duque! Napoléon était placé, luí
Jan<;a
a
la tete un éclat de bois, qui l'atteignit
sans le blesser. - Quelques Jtaliens rangés en
cet endroit céderent
a
un mouvement de peur,
pour lui plus que pour eux. -
Non fa malc,
]eur dit-il, en les qualifiant de quelques expres–
sions plaisantes, et provoquant parmi eux de
grands écfats de rire,
il
les
fit ,
a son exemple,
rester gaiement sous u ne grele de projectiles.
La place n'étant plus tenable pour les Russes
sous les quatre-vingts bouches a feudes Fran<;ais,
ils se retirerent, et cesserent d'opposer des ob–
stacles au travail du pont, qui ne devait etre
achevé que le lcndemain 10. Heureusement les
Russes avaient aussi évacué
la
ville neuve, et la
le passage pouvait etre rétabli sur-le-champ saos
µrovoquer de canonnade. Des madriers furent
jetéssur les piliers en pierre des arches détruites,
et on put communiqucr entre les deux parties
de la ville. Nos troupes allerent occuper le fau–
bourg de Neustadt, ou ville neuve. Ce menie
jour le général Berlrand et le maréchal Oudinot
arriverent. Napoléon les répartit entre Dresd e
et Pirna.
11
apprit que le général Lauriston avait
rencontré a Meissen la queue des Prussiens, et
qu'il avait réussi a franchir l'Elbc sans grande
difficulté. Nous étions done sur tous les points
maitres du cours de ce fleuve, et en possession
tranquille de la capitalc de la Saxe. La promesse
de Napoléon, qui avait dit qu'il rcnvcrrait le
coalisés plus vite qu'ils n'étaient venus, se trou–
vait accomplie, car, entré en
ca~pagnele
1°rmai,
il était le 10 possesseur de la Saxe, et avait re–
jeté les coalisés au dela de l'Elbe.
Avant de les suivre plus loin, Napoléon résolut
de s'arreter quelques jours a Dresde, pour rallicr
ses troupes et les faire reposer, pour recueillir
les .divers corps de cavalerie qui s'appretaient a
le rejoindre, pour rappeler le roi de Saxe dans
ses États, et adapter en fin ses
combinai~ns
militaires
a
celles des coalisés. Les projets des
Prussiens et des Russes n'étaient pas encore par–
faitement clairs, et on en re<;:evait des rapports