LUTZEN ET BAUTZEN. -
nt.\I
'1815.
Nous vcrrons dans quclqucs jours sur quclle
route seroat les vaiocus et les vainqucurs. -
Quatre jours apres, en effet, on apprit que les
soi-disant vaincus étaient aux portes de Dresde,
et les soi-disant vaiaqueurs au dela de l'Elbe. La
confusion en fut d'autant plus grande. Dans les
salons de Vienne, on se déchaina contre !'incapa–
cité mililaire des deux souverains alliés, mais,
au licu d'etre plus porté vers nous, on insista
davantage sur Ja nécessité pour l'Autrichc de
eourir
a
leur secours, et de s'unir
a
eux afin de
sauver J'Europe d'un joug intolérable.
l\f.
de l\1etlernich se transporta tout de suite
chez
l\L
de Narbonne, et, avec une assurance qui
n'était pas sans sincérité, Jui dit que les victoires
de Napoléon ne l'étonnaient point, car il avait
basé sur ces victoires tous ses calculs pacifiques;
que pour rendre Ja paix acceptable, il
fallait
{aire tomber les deux tiers au moins
des propo–
sitions russes, aoglaises , prussiennes; que la
victoire de Lutzen servirait
a
cela, qu'il y avait
compté, et qu'il eut été trompé daos ses espé–
rances s'il en avait été autremcnt (assertion qui
était vraie, quoiqu'elle pt1t paraitre singulicre);
mais qu'il restait un tiers de ces propositions
dont il était impossible de méconnailre la raison,
Ja justice, la sagesse, et qu'il fallait les admettre;
qu'il était temps pour le cahinet de Vienne de
se saisir enfin de son róle de médiateur, pris
a
J'instigation de Ja France, et avec
Je
consenlc–
ment des autres puissances belligérantes; que
bientót
il
serait trop tard, au train dont mar–
chaient les aífaires, pour exercer ce róle utile–
ment; qu'il allait done expédier immédiatemcnt
deux plénipotentiaires, !'un pour le quartier gé–
uéral frarn;ais, l'autre pour le quartier général
russe; qu'il fallait, pour ctre écouté, choisir des
porteurs de paroles agréables a ceux auxquels
on les adressait, que le général comte de Bubna
ayant paru plaire
a
Napoléon (nous avons dit qu'il
était militaire et homme d'esprit), on Je lui ren–
voyait; que M. de Stadion, célebre jadis dans le
parti antifranc;ais, avait plus de chances qu'un
autre d'etre bien accucilli au quartier général
des coalisés, et qu'on allait J'y acheminer; que
loin d'etre un ennemi dangereux pour la France,
il
lui serait plus utile qu'un ami, car
il
mcttrait
d'autant plus de hardiesse
a
dire aux Russes et
aux Prussiens les vérités qu'il importait de leur
faire entendre; que d'accord aujourd'hui avec
l'empereur et M. de l\Ietternich sur les couditions
de la médiation et de Ja paix,
il
était seul capa–
ble, en s'appuyant sur les victoires de Napoléon ,
de faire agréer ces conditions aux puissances
belligérantes. -En toutes ces choscs
l\f.
de
i\fot–
ternich avaitraison, et
il
était doublementhabilc,
car, outr-e qu'il choisissait dans
l\L
de Stadion
un négociateur qui, par cela meme qu'il nous
était
hostile~
obticndrait plus de crédit chez les
coalisés, il occupait et compromeltait un rival,
un antagoniste, le chef en un mot du partí anti–
franc;ais, du partí qui voulait le plus tot possible
la guerre avec nous. Otcr un te! chef
a
ce partí,
c'éLait pour soi et pour nous la meilleure des
conduites.
On annon<;a done qu'on allait dépechcr MM. de
Bubna et de Stadion pour proposer un armistice
1
et provoqucr une prcmiere explication sur les
condilions de la paix future. Sans prétenJre les
imposer
a
Napoléon, on déclara cependant qu'on
prendrait la liberté de lui indiquer celles qu'on
j ugrait acccptables par, toutes les partics bclligé–
rantes, et, ne voulant pas en faire mystere
l1
l\I.
de Nurbonne,
l\L
de l\fotternich, qui les lui
avait déja clairrment indiquées en plus d'une cir–
constance, les lui énooc;a ceLte fois !'une apres
l'aut1·e, avec la plus extreme précision. C'était ce
que nous avons exposé si souvent, la suppression
du grand-duché de Varsovie et sa rétrocession
a
la Prussc, sauf quelques portions revenant de
droit
a
Ja Russie et
a
l'Autriche; c'était la recon–
stitution de la Prusse au moyen du grand-duché,
et de territoires
a
trouver en Allemagne; c'était
l'abandon de la Confédération du Rhin, et enfin
la renoneiation aux départements hanséatiques,
c'est-a-<lire aux villes de Breme, Hambourg et
Lubeck. On devait ne rien dirc de Ja Hollande,
de l'ltalie, de J'Espagoe, pour nelas soulever des
difficultés insolubles, et on ajournerait au besoin
la paix maritime, s'il n'y avait pas moyen de
s'entcndre avec l'Angletcrre, afiu de conclure
tout de suite la paix continen tale, qui était la plus
urgente. Telles étaient, indépendammcnt de Ja
reslitution des provinces illyricnnes que nous
avions a peu pres promise
a
l'Autriche, ces con–
ditions qui nous laissaicnt _la Westphalie, la
Lombardie et Naples comme royaumes vassaux,
la Hollandc, Ja Belgique, les provinces rhénanes,
le Piémont, la Toscane, l'État romain, comme
départements franc;ais
!
Telle était la France
qu'on nous offrait, et dont nous regardions l'offrc
comme un outrage
!
Quant
a
l'Espagne, on était
certain qu'il en faudrait faire le sacrifice pour
avoir la puix avec l'Angleterre, mais que ce sacri–
fice suffirait. M. de Metternich avait eu, disait–
iJ, plus d'une occasion de s'en assurer. On a vu