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LIVRE QUAHANTE- I-IUlTJEME.
14
mars
1812,
par le mariuge de i\Iarie-Louíse,
par le danger d'unc guerre avcc la France, par
l'inachhement des préparatifs de l'Autriche, et
manifeslait, quand il le pouva it en sureté, de.,;
préférences de cccur pour la coalition. Qu'il en
fUt aínsi, et meme plus,
011
devait, sans avoir lu
u11e seule des dépcches de la diplornati-e étran–
gere, en etre convaincu, ne pas s'en étonner,
ne pas s'en émouvoir, et accepter comme vrai
tout ce que disait M. de Metternícli, qui disaít
vrai en effet lorsqu'il affirrnait qu'a certaines
conditions
il
se rangerait de
not~e
cóté.
11
fall ait
comprendre que
1\1.
de Mettcrních étant Alle–
mand, ne pouvait et ne devait pas nous aimer,
et que s'il nous ménageaít c'étail par politique,
et uniquement pour ne pas compromettre étour–
diment son pays avec nous;
il
fallait profiter de
sa prudence meme pour en tirer tout le partí
possible, mais rien que le parti possible. A la
vérité nous raisonnons iei comme la politiquc,
don! l'art consiste
a
comprendre toutcs les situa–
tions,
a
les ménager et
a
s'en servir, et Nnpo–
léou raisonnait comme raisonnent l'orgueil, la
victoire et le despotísrne. Ces soudaines révé–
lations l'irriterent, comme si avec son esprit,
•iui était tout lumie1·e daos le calme des pas–
sions, lout flamme et fumée da ns l'emportemcnt
de ces passions funestes,
il
n'avait pasdu les pré–
rnir. Un détail notammeut l'exaspéra plus que
lout le reste. Daos le moruent ou l'on attendait
avec impatiencc
a
Vienne des nouvellcs de la
Lataille prévue mais non connue du 2 mai,
M. de l\leLternich, duus ses eífusions pour les
Russes, avait écrit
a
l\L de Stackelberg que s'il
recevait des dépeches meme pcndant la nuit, il le
fcrait éveiller pour les lui communiquer. C'é–
taíent de bien grandes allentions pour la Russie,
et de la part surtout d'un ministre qui se dísait
l'allié pcrsévérant de la France l Pu is on avait
trouvé une lettre du roí de Saxe
~u
général
Thielmann, laquclle, supposaot commc vraisem–
blablcl'arrivée des Fran<;ais victorieux sur l'Elbe,
luí enjoignait, en tenant la place de Torgau fer–
mée pour les Russes, de la tenír
~mcore
plus
fermée pour les Frant;ais. Napoléon ne voulut
pas voir daos ces instructious si prévoyantes le
bon et imprévoyant monarque saxon, mais le
renard de Vienne qu'il prétcndait reconnaitre
a
sa finesse. Tout cela rapproché, exagéré, apprécié
parla colcre, parut une trahison complete, tandis
qne ce n'élait que le labeur d'unc prudence em–
barrassée cherchant
a
passer
a
travcrs mille
écueils. Encore une fois, il fallait profiter des
conseils que l\L de Mctternich nous donnait
a
nous-memes, et de la crainte que nous n'avions
pas cessé de luí inspircr, pour sortír de cctte
situation en faisant le moins de sacrifices pos–
sible; et comme
il
ne s'agissait de sacrifier que
ce qui touchait
a
la vaoité, et ríen de ce qui
appartenait
a
la puissance réelle, il fallait se
soumettre, de bonne ou mauvaise grace, mais se
soumcttre :
il
fallait bieá apres tout payer de
quelque chosc le désastre de Moscou
!
Trop heu–
reux de ne pas le payer de l'existence elle–
meme
!
Qu'on nous pardonne la répétition de
ces inutiles réflexions, cinquante ansapres l'évé–
nement, qu'on les pardonnc au chagrín que
nous inspire la vue directe et continue des fatales
résolutions qui ont perdu non pas Napoléon seule–
ment (pcu importe le sort d'un homme quel qu'il
puisse ctrc), mais la grandeur de notrc patrie!
Quoi qu'il en soit, Napoléon revint brusque–
ment
a
la politique qui avait été proposée dans le
conseil tenu aux Tuileries en janvier derníer, et
fortement appuyée par MM. de Caulaincourt, !fe
Tallcyrand et de Cambacéres, celle qui consistaít
a
laisser l'Autriche de coté, sans la heurter toute–
foís, pour cherchcr a s'entcndre dfrectement avec
la Russie. Cctte politique, avons-nous dit, sage
en ce qu'elle tendait
a
ne pas trop meler l'Au–
triche aux événements actuels,
a
ne pas lui attri–
buer un role dont elle abuserait contre nous,
ava it néanmoins un inconvéoient pratique des
plus graves , c'était la difficulté de s'aboucher
avec l'empereur Alexandre. Cette diffieulté, déja
grande en janvier, avait du s'accroitrc encore
par les derniers événements milítaires, par l'es–
pérance dont les Allemands bert;aient Alexandre,
de faire de lui le libérateur de l'Europe et le
premier des monarques régnants.
11
est vrai que
la bataille de Lutzen, puis apres cette bataille
une nouvelle victoire
a
laquelle
il
était permis de
s'attendre, pom'aient dissiper les fumées dont
Alexandre ét.ait enivré, et faciliter l'abouchement
avec lui. Napoléon l'espéra avec celte force d'es–
pérer qui est propre aux esprits puissants, et
qui chez eux se converLit en force <l'agir, et il fit
tou tes ses dispositions en conséquencc.
11
résolut de continuer cette campagne sans
re!ache, de frapper le plus prochainement possi–
ble quelque coup décisif, d'en profiLer pour con–
clure la paix, ruais en s'cntendaot avec la Russie,
meme avec l'Angleterre, plutót qu'avec les puis–
sances allema ndcs, d'accorder
a
l'Angleterre le
sacrifico de tout ou partie de cette Espagoe dont
il
était dégouté, doot le monde surtout ne serait