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LIVRE QUARANTE-HUITIE.l\JE.
contradictoires. ll semblait cependant qu'ils nous
livraient Berlin, et qu'ils mettaicnt au-dessus de
l'intérct bien grand sans doute de défendre cette
capitule , l'intéret plus grand encore de rester
réunis, et surtout de se tenir toujours appuyés
a
l'
Autriche, ce qui rendait la conduite des affaircs
<liplomatiques aussi importante
a
cctte h eure
que celle des affaires militaircs. Napoléon, apres
avoir de nouveau assigné au corps de Ney la di–
rection de Torgau, ce qui lui laissait la liberté
de l'acheminer sur Berlín ou de le ramener sur
Dresde, apres avoir renouvelé et précisé davan–
tage les ordres qui devaient porter ce corps
a
80 mille hommes, s'occupa sur-le-champ des
affaires diplomaliques, qui réclamaient en eífet
toute son attention.
Le roi de Saxe avait fui non-seulement ses
États, mais la Daviere, au moment meme ou
Napoléon arrivait, et cela pour aller
a
Praguese
jeter dans les bras de l'Autrichc, dont il avait
évidemment adopté la politique. 11 y avait de
quoi lui en vouloir; mais déclarer ce prince déchu,
c'eut été proclarner nous-memes une défection
de plus, donner raison aux Allemands qui
<l
isaient
que nos alliés étaient traités en esclavcs, se
meltre en outre un grand embarras sur les hras,
car qu'eut-on fait de la Saxe si on ne la luí avait
rendue? C'était enfin déclarer trop crtlment
a
l'Autriche comment on considérait et comment
on se proposait de traiter celte politique de la
médiation, qui ét.ait la sienne, et n'était devenue
celle du roi de Saxe qu'a son insLigaLion. Napo–
léon ne contcnait jamais son ambition, mais
il
contenait quelqucfois sa colere, et
il
donna cette
fois un cxemple d'empire sur lui-meme, trop rarc
dans sa vie. Il feignit de n'avoir pas compris la
conduite du roí de Saxe, de l'attribuer
a
de faux
conseils, et de ne voir dans ce monarque qu'un
prince troublé mais loyal. 11 lui adressa done
l'un de ses aides de camp
a
Prague, avec la som–
mation formclle, sous peine de déchéance, de
revenir immédiatement
a
Drcsde, d'y amener sa
cavalerie, son artillerie, sa cour, tout ce qui
l'avait suivi, et de rendrc au général Reynier la
place de Torgau avec les dix mille Saxons qui
I'occupaient. M. de Serra, notre ministre aupres
de la courde Saxe, qui avait accompagné
a
Prague
le roi Frédéric-Auguste, avait ordre de se trans–
porter aupres de lui
a
l'instant meme, et d'exiger
une réponse immédiate.
Les déterminations
a
l'égard de J'Autriche
irnportaient bien davantage, et étaient devenues
encorc plus délicates qu'auparavant, par suite de
L
ce qui s'était passé
a
Vienne pendant que Napo–
léon livrait la bataille de Lutzen et marchait sur
Dresde. M. de Narbonne, fort inquiet de ce qui
pourrait survenir
a
Cracovie entre les Russes, les
AuLrichiens, les Polonais,
a
la réception .de!!
ordres de Napoléon qui enjoignaient aux Polo–
nais de ne pas se laisser désarmer, n'avait ccssé
d'insister aupres de M. de l\fotternich pour qu'il
prit
a
ce sujet une résolution satisfaisante. De
son cóté M. de Metternich, engagé avec les Russes
par Ja convention secrete que nous avons fait
connaitre, avait toujours éludé, et persisté
a
dire
qu'il luí était impossible d'etre
a
Ja fois média–
teur et belligérant. Enfin M.
de
Narbonne rece–
vant de París par M. de Bassano, de Mayence par
M. de Caulaincourt, des instructions plus for–
melles encore de l'Empereur, qui ne voulait qu'a
aucun prix les Polonais déposassent les ármes,
qui prétendait meme continuer
a
donner des
ordres au corps auxiliaire autrichien, crut devoir
employer les grands moyens pour amener M.
de
l\felternich
a
sortir des ambigu'ités dans lesquelles
il se renfermflit. M. de Narbonne ignorait que
dans les archives de I'ambassade se trouvait
l'interdiction de présenter aucune note écrite,
qui ne partit du cabinet meme.- En conséquence
iJ
se rendit chez
M.
de Metternich, et lui
annon~a
qu'il allait lui remettre une note, avec sommation
de s'expliquer catégoriquement sur le traité d'al–
liance dont il refusait en ce moment l'exécution
littérale. - Jusqu'ici, dit-il, j'ai pris patience, et
écouté comme acceptables toutes les excuses au
moyen desquelles vous cherchez
a
éluder vos
cngagements, et
a
dissimuler l'étendue de vos .
préparatifs, que vous nous avoueriez s'ils étaient
faits pour nous. Mais je suis forcé par les événe–
ments de Gallicie de provoquer une explication
catégorique, et de vous demander si vous eles
ou si vous n'etcs plus notre allié, si vous cnten–
dez enfin manquer au traité d'alliance du 14 mars
1812? Si vous n'y voulez pas manquer,
il
faut
absolument faire agir le corps autrichien auxi–
liaire, en vous conformant aux ordres de l'empe–
reur Napoléon, et par-dessus tout ne pas songer
a
désarmer nos alliés. - On ne pouvait placer
M. de Metternich dans une position plus embar–
r'assante, et se mettre soi-meme envers lui dans
une position plus périlleuse. S'il eut été libre, il
aurait cédé peut-etre, et ordonné quelques hos·
tilítés simulées dont
il
se serait ensuite excusé
aupres des Russes par l'intermédiaire de M. de
Lebzeltern. Malheureusement
il
avait promis de
ne pas renouveler les hostilités, par un engagc-