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LUTZEN ET SAUTZEN. -
MAi
18!3.
tion de la cavalerie prussi"enne, se débande. Mar–
mont, accouru avcc son état-major, est lui-meme
emporté dims la déroute. Desccndu de chcval,
marchanta pied le bras en écharpe,
il
cst ramené
avec les soldats fugitifs du 57e, Mais les divisions
Bonnet et Compans, formécs
a
temps, résistcnt
a
tous les emportements de Blucher. l\falheureu–
sement, au milicu de l'obscurité, tirant indis–
tinctement sur tout ce qui venait vers elles, elles
tuent quelques soldats du 57c, plusieurs meme
des officiers de l\farmont, notamment celui qu'il
avait euvoyé aupres de Napoléon apres la bataille
de Salamanque, le colonel Jardet.
Ce trouble passager est bientót apaisé, et nous
nous couchorrs en fin sur ce champ de bataille, cou–
vert de ruines, inondé de sang, que les coalisés
sont obligés de nous abandonner npres nous
l'nvoirdisputé si longtemps. l\1ais
~ous
ne possé–
•lion.s plus la belle cavalerie que nous avions autre–
fois pour courir
a
lasuite des vaincus, et ramasser
par milliers les prisonniers et les canons. D'ail–
leurs devant un ennemi se battant avec un pareil
acharnement, il y avait lieu d'etre circonspect,
et il fallait renoncer
a
recueillir tous les trophées
de la victoire.
Napoléon voulut qu'on restat en place: il savait
bien que de Kaja, commed'un roe inébranlable, il
avait arreté la fougue de ses ennemis, follcment
enivrés de leurs succes, et qu'ils ne fcraient pas
un pas de plus. II était vrai en effet qu'a partir
de ce moment sa fortune devait se rétablir, a
une condition toutefois, c'est que sa rahon se
rétablirait elle-meme. 11 coucha sur Je champ de
bataille, attendant le lendemain pour recueillir
ce qu'il pourrait des trophées de sa victoire,
mais appréciaut déja tres-bien quelle en serait la
portée.
Le lendemnin 3 mai, il était
a
cheval des la
pointc du jour pour faire rclever les blessés,
remettre l'ordre dans ses troupes, et poursuivre
l'cnncmi. II traversa au galop cet enfoncement
de tcrrain , ou les villages de Rahna, de Klein–
Gorschcn et de Gross-Gorschen brúlaient encore,
remonta vers la posjtion que les deux souverai ns
alliés avaient occupée pcndant la bataille, et vit
plus clairement ce qu'on avait voulu essayer
contre luí, c'est-a -dire le tourner, tandis qu'il
tournait les autres. Mais sa rare prévoyance, en
se ménageant
a
Kaja un pivot
~olide
autour
duque! il pouvait manoouvrer en ·sureté, avait
complétement déjoué le plan de ses ennemis.
Avec
Ja
cavalerie perdue en Russie il les aurait
pris par rnilliers. Dans l'état des choses, il ne put
CO\\'SUJ.A
T.
5.
ramasser que des blcssés et <les canons démontés,
et de ces trophées
il
en recueillit un grand nom–
bre. Sur les 9,2 mille hommcs de l'armée eonlisée,
6!) mille a peu pres avaient été engagés, mais
avec acliarnement.
De
notre cóté il n'y en avait
pas eu beaucoup plus, car quatre divisions de
Ney, deux de l\farmont, une de la garde, deux
de Macdonald avait seules participé
a
l'action.
Sur ces corps, Ja perte était grande des deux
cótés. Les Prussiens et les Russes , surtout les
Prussiens, nvaient perdu au moins vingtmillehom–
mes, et nous dix-sept ou dix-huit mille. Nous en
avions meme perdu plus que l'ennemi, jusqu'au
moment ou la formidable artillerie de la garde
avait fait peocher en notre faveur la balance du
carnage. Les Prussieos s'étaient conduits héro!–
quement; les Russes, sans passion, mais brave–
ment. Les uns et les autres avaient n1ontré dans
leurs conseils la confusión d'une coalition. Notre
infanterie s'était comportée avec le courage im–
pétueux de la jeunesse, et avait eu l'avantagc
d'etre dirigée par Napoléon lui-meme. Celui-ci
n'avait jamais plus exposé sa vie, plus déployé
son génie, montré a un plus haut degré les
ta]ents, non-seu]ement d'un général a grandes
vues qui prépare savamment ses opérations, mais
du général de bataille qui, sur Je terrain et selon
la chance des événements, change ses plans, bou–
lcverse ses conceptions, pour adopter celle que
la circonstance exige. C'était le cas d'etre satisfait,
quoique les résultats matériels ne fussent pas
aussi considérables qu'ils l'avaient été jadis quand
nous avions toutes les armes
a
leur état de per–
fcction, et que nous combattions contre des adver–
snires qui n'avaient pas encore la résolution du
désespoir; c'était, disons-nous, le cas d'etre satis–
fait, et pour Napoléon de remereier cette géné–
reuse nation qui lui avait encore une fois prodigué
son sang le plus pur, et d'etre sage, au moins
pour elle! Nflpoléon allait-il accueillir cette faveur
du ciel dans J'esprit ou il aurait fallu la désirer
et la recevoir, dnns resprit avec Jeque! Ja nation
l'avait atlendue et payée de son sang, et n'allait–
il pas revenir
a
tous ]es
I'CVCS
de son insatiahlc
ambition? C'est ce que les événements devaient
bientót décider.
Pour le moment, il n'y avait qu'a profiter de la
victoire, et dans l'art d'en profiter, Napoléon
n'avait pas plus d'égal que dans cclui de la p1·é–
p:irer. Aprcs nvoir passé lajournée du 5 mai su.
le cliamp de bataille' et l'avoir employée a ra–
massct' ses blessés,
a
remet tr·e ensemble ses corps
ébranlés par un cl1oc si rudc,
a
recueillir surlout
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