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LIVRE QUARANTE-HUITJEME.
lité. Souham pouvait done etre débordé de ce
coté. l\fais en ce moment le rnaréchal .Marmont,
ayant franchi le Rippach, déboucbait de Star–
sicdel en face de Wintzingerode. Ce marécbal ,
marchant le bras en écharpe
a
la tete de ses sol–
dats, rangea d'un coté Ja division Bonnet, de
l'autre la division Compans, et les disposa toutes
deux en plusieurs carrés, de mriniere
a
couvrir
la droite de Soubam et
a
protéger le ralliemen t
de la division Girard. Winlzingerode n'osantabor–
der ces fantassins, qui paraissaient solides comme
des murailles, les cribla de boulets sans les
ébranler. A l'abri de cet appui, la division Gírard
se forma, et vint s'établir a Ja droite de Souham,
sur le prolongement de Rahna et de Klein–
Gorschen.
A ce spcctacle, Blucher et les deux souvcrains
s'aper<:urent que l'armée fran<:aise était moins
surprise qu'ils ne l'avaient espéré, et que ce ne
serait pas une tache aisée que de luí enlever
ces villages auxquels elle paraissait si fortement
attachée. Ne connaissant pas d'obstacJes, ayant
dans le creur, outre son courage, toutes les pas–
sions germaniques, Blucber se saisit de sa se–
conde division, celle de Ziethen, et Ja conduisit
avec tant d'énergie sur Klein-Gorschen et Rahna,
oú s'était transportée Ja lutte, qu'il parvint
a
éhranler les divisions Souham et Girard . On se
hattit corps a corps daos les jardins et les larges
places de ces deux villages, et enfin les Prus–
siens, animés d'une sorte de ra ge, expulserent
nos jcunes soldats, et les rcjetcrcnt vers Kaja
d'un cóté, vcrs Starsiedel de l'autre. M:-iis Kaja
n'était pas facile a enlever, et Starsiedel était
couvcrt par les carrés des divisions Bonnet et
Compans. Pourtant Bluchcr, emporté par son
héro1que ardeur, s
'avang:i.it, résolu ii surmonter
tous les obstaclcs, Jorsque de nouvelles forces
survinrent de notre cóté.
C'était l'instant oú le maréchnl Ney, dépecbé
par Napoléon, arrivait de Leipzig au ga1op, ame–
nant au pas de eourse celles de ses divisions qui
étaient en arriere de Kaja. Blucber allait enfin
rencontrer une éoergie capab]e de contenir
Ja
sienne. Ney, chemin faisant, avait fait prendre
les armes aux divisions qui n'étaient pas encore
engagées.
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avait dirigé celle de l\farchand,
compo ée de Allemands des petits princes, au
dela du
Floss-Graben,
sur Eisdorf, par la route
que suivait l\lacdonald pour déborder l'ennemi.
IJ
avait ordonné
a
la division Ricar<l, placée entre
Lutzcn et Kaja, de Je rejoindre le plus prompte–
ment possible
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et, trouvant cclle <le Brenier
a
Kaja meme,
iI
s'était mis
a
sa tete pour marcher
a
l'appui de Souham et de Girard, rcpoussés de
Klein-Gorschen et de Ralma.
L'action était en ce moment d'une extreme
violence. A l'aspect de ce visage énergique de
Ney, aux yeux ardents, au ncz relevé, dominant
un corps carré d'une force athlétique, nos jeurics
soldats reprcnnent confiance. Ney les rallie der–
riere Ja division Brenier, et, comme invulné–
rnblc sous un feu continu d'artillerie, foit toutes
ses disposi tions pour reconquérir les villages
abandonnés. On y marche en effet, bai'onneLtc
Laissée. On trouve les Prussiens qui les dépas–
saient déFi, et qui n'entendaient pas abandonner
leur conquete. Pourtant, si pour les Prussicns il
s'agit de rétablir la grandeur de Jeur patrie,
il s'agit pour nos généraux, pour nos officiers,
de conscrver la grandeur de la nótre, et, rem–
plissant nos conscrits du feu qui les anime, ils
les poussent en avant, et re11trent dans Klcin–
Gorschen d'un cóM, dans Rahna de l'autre.
Li1,
le combat dcvient
furieux.Onlutte corps
a
corps
au milieu des ruines de ces villages. Souham,
Girard, revenus dans Klein·Gorscben et Ralrna
a
la suite de Brenier, y établissent de nouveau
leurs soldats, qui n'avaient jamais vu le feu, et
qui , assistant pour leur début
a
l'une des plus
cruelles boucheries de cette époque, étaient
comme enivrés par la poudre et la nouveauté du
spectacle. lis restent maitres des deux villages,
et repoussent les Prussieos jusq ue sur Gross–
Gorschen, leur premiere conquete.
Napoléon arrive sur ces cnLrefailes , p:ircou–
rant les files des blessés, qui, les membres
brisés, criaient Vive l'Ernpereur
!
Il voit Ncy,
qui se soutient au centre, Eugene, qui avec
l\facdonald marche
a
ga uche pnr dela le
Floss–
Graben,
pour déhorder l'e11nemi vers Eisdorf,
et l\'Jarmont, qui formé
~ur
la droite en plusieurs
carrés se maintient ii Starsiedel.
JI
n'apcr<;oit pas
encorc Bertrand qui cheminc au loin , mais
il
compte sur son arrivée, et il sait que Ja garde
accourt
a
perle d'haleine.
11
est tranquille et
laissc con tinucr la bataille.
l\'.lais Bl ucher, qui a encore Ja garde royale et
les réscrves, et qui n'a besoin de consultcr
personne pour disposcr de tout ce qui est Prus–
sien, s'en saisit, et Jcs porte en avant avec une
sorte de fureur patriotique. A droite,
il
jette un
ou deux bataillons au dela du
Floss-Graben,
pour conserver Eisdorf ou il voit ·marchcr une
colonne de Frangaís;
a
gauche,
il
Jance la garde
royale
a
cheval sur les divisions Bonnet et Com-