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(

LUTZEN ET BAUTZEN. -

HAl

1815.

'25

des débris de Moscou. Le prince Eugene avait cu

soin de les faire reposer et équiper. Napoléon

réunit les quatre bataillons c;le la vieille garde

a

deux qu'il avait avec fui, ce qui lui en

fit

six. Il

réunit les deux de jeune garde aux quatorze de

la division Dumoutier, qui fut élevée de la sorte

a

seize. 11 agit de méme pour les autres armes, et

parvint ainsi

a

porter la garde a 17 ou 18 mille

hommes, sans compter les autres divisions qui

achevaient de s'organiser sur les derrieres.

11

laissa au prince Eugene les quatre mille cavaliers

remontés que le général Latour-Manbourg était

allé prendre

d~ns

le Hanovre, et qui form aient

avec ]a cavalerie de la garde la seale troupe a

eheval capable d'exécuter une attaque en ligne.

Le lendemain

1er

mai, il monta de bonne hcure

a

cheval, ayant

a

ses cótés les marécbaux Ney,

Mortier, Bessieres , Soult, Duroc , et l\f. de Cau–

laincourt. 11 voulait jouir par ses propres yeux

du spectacle qui avait tant cbarmé le maréchal

Ney l'avant-veille, celui de nos jeunes soldats

supportant gaiement et solidement les assauts de

la cavalerie ennemie.

Cette vaste plaine de Lutzen , quoique fort

unie, présentait cependant, comme toute plaine,

ses accidents de terrain. En sortant de Weissen–

fels on rencontrait un ravin dont le cours était

assez long, le lit assez profond, et appclé le Rip–

pach, du nom d'un village qu'il traversait. Des

le matin les troupes du maréchal Ney y marche–

rent avec confiance, disposées en carrés entre les–

quels se trouvait l'artillerie, et préeédées de

nombreux tirailleurs. Parvenues au bord du

ravin elles rompirent les carrés pour le passer,

franchirent l'obstacle, reformerent les carrés, et

s'avancerent en tirant du canon. C'était toujours

la division Souham qui marchait la premiere, et

avec une excellente attitude. Au moment oú elle

se déployait, le rnaréchal Bessieres qui comman–

dait ordinairement la cavalerie de la garde, et

qui par ce motif n'aurait pas da etre· la, mais qui

avait voulu suivre Napoléon ,

se

porta un peu a

droite, afin de mieux observer le mouvement de

I'ennemi. Tout

a

coup un boulet lui fracassant le

poignet avec lequel

il

tenait la bride de son che–

val, l'atteignit en pleine poitrine, et le renversa.

ll

avait passé en un instant de la vie

a

la rnort

!

C'était la seconde fois, hélas! queeebravehomme

était frappé

a

cóté de Napoléon

!

Une premiere

fois

a

Wagram, il avait été atteint par un houlet,

, mais en avait été quitte pour une contusion; cetle

fois il était tué sur le coup ! Était-ce notre bon–

heur qui s'évanoui'ssait? était-ce la fortune qui,

apres nous avoir avertis en 1809, ·nous frappait

enfio en 1815? l\falgré Ja confiance générale

qu'inspirait l'entrain des troupes, ce pénible sen–

timent pénétra plus d'un crear. Bessieres, com–

mandant de la cavalerie de la garde, fait par

Napoléon rnaréchal et d uc d'Istrie, était un vail–

lant homme , vif commc les Gascons ses compa–

triotes, et comme eux chercbant

a

se fairc valoir;

mais spirituel , sensé, ayant souvent le courage

de dire

a

Napoléon des vérités utiles, non pasen

forme de boutades passageres, mais avec assez

de sérieux et

1

de sui te. Napoléon l'aimait, l'esti–

mait, lui donna un r egret sincere, puis apres

avoir prononcé ces mots:

La mort s'approche de

nous,

il poussa son cheval en avant, pour voir

marchersesjeunes soldats, pendantqu'on empor–

tait Be sieres dans un manteau. 11 éprouva

Ja

meme satisfaction que Ney deux jours aupara–

vant. Il vit ses conscrits assaillis par des char–

ges réitéréesdecavalerie, les r epoussant avec une

imperturbable bonne humeur et abattant devant

Ieurs rangs trois ou quatre cents cavaliers enne–

mis. On finit cette journée

a

Lutzen, content de

ce que l'on avait vu faire

a

nos soldats, triste

plus qu'on ne le disait de la mort de Bessieres,

daos laquelle ueaucoup de gens s'obstinaient

a

découvrir un présage. Pourtant le temps était

beau , les troupes étaient tres-animécs; tout

sernblait sourire de nouvcau , la nature et la for–

tuoe

!

Napoléon alla visiter le monument de Gus–

tave-Adolphe, frappé dans cette plaine, commc

Épaminondas, au sein de la victoire, et ordonoa

qu'on éleva t aussi un monument au duc d'Istrie,

tué dans les mcmes lieux. U lui consacra quel–

c¡ues belles paroles dans le bulletin de la journée,

et écrivit

a

sa vcuve une lettre faite pour enor–

gueillir une famillc, et la consoler autant que Ja

gloire console.

Le lendemain 2 mai, journée mémorable, l'une

des dernieres faveurs accordécs par la fortune

a

nos armes, Napoléon se leva des trois heures du

matin pour donner ses ordres, et dicter une mul–

titud e de lettres..on n'ava!t plus que quatre licues

a

parcourir pour etre

a

Leipzig, et pour avoir

passé l'Elstcr. Les rapports d'espions, plns expli–

citesque ceux desjours précédents, disaient que les

Russes et les Prussiens continuaient leur mouve–

ment sur ·notre droite, que de Leipzig ils étaient

remontés, en cheminant derrierc l'Elster, sur

Zwenkau et Pegau, apparemment pour nous

chercher ou nous n'étions pas, c'est-a-dire sur

une route plus rapprochée des rnontagnes. (Voir

la

c~rte

nº 58.) Napoléon

a

eette nouvelle se con-