LUTZEN ET BAUTZEN. -
AVl\IL
·1815.
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champ de bataille d'Awerstaedt. II avait com–
mandé parlout d'immenses approvisionnements,
a
Wurzbourg qui appartenait au frere de l'em–
pereur
Fran~ois,
a
Erfurt qui appartenait a la
France,
a
Weimar,
a
Naumbourg qui appartc–
naient aux maisons de Saxe. 11 avait vaincu
a
force d'argent le patriotisme germanique, un peu
moins ardent dans ces contrées que dans les au–
tres. Il pouvait done espérer que ses soldats vi–
vraient sans etre réduits
a
commettrc de trop
grands désordres. Son opération délicate en ce
moment, c'était ce double mouvement le long de
la Saale, consistant pour lui a la descendre, pour
le prince Eugene a la remonter, et dont le ré–
sultat devait etre de réunir en une seule masse
les
212
mille hommes dont
il
disposait. l\fais les
coalisés, quoique placés bien pres de lui, n'étaient
ni assez avisés, ni assez alertes pour deviner sa
manreuvre et la déjouer. lis étaient pourtant bien
proches, et d'un seul pas auraient pu l'interrompre
et la faire échouer.
J
usque-la ils avaient fait de leur mieux pour
employer le temps utilement, mais n'y avaient
pas aussi bien réussi que Napoléon. L'armée
russe, comme on l'a vú, avait presque autant
souffert que nous pendant la retraite de l\foscou,
et ne comptait pas plus de 100 mille bommes,
qu'elle avait eu
a
peine le loisir de recruter, et
qui étaicnt dispersés depuis Cracovie jusqu'a
Dantzig. Vingt mille Russes environ sous les
généraux Sackcn et Doctoroff étaient opposés
aux Polonais et aux Autrichiens autour de Cra–
covie ;
20
mille était restés devant Thorn et
Dantzig ; 8 a 9 mille couraient sur le bas Elbe
vers Hambourg et Lubeck, sous Tettenborn et
Czernicheff; 1
O
mille avaient suivi Wittgenstein
au dela de Berlin, et, avec le corps prussien
d'York, observaient Magdebourg;
12
mille, dont
la plus grande partie en cavalerie, avaient, sous
Wintzingerode, passé l'Elbe
a
Dresde ;
50
mille
enfin, composant le corps principal et consistant
da ns la garde, les grenadiers et le reste de l'armée
de Kutusof, étaient demeurés sur l'Ocler avec le
quartier général.
Les Prussiens avaient reconstitué leur armée
avec une promptitude qui tenait
a
'une organisa–
tion secretement et long·uement préparée. Les
traités qui les liaient
a
Napoléon les obligeaient
a
n'avoir sous les armes que 42 mille hommes,
dont ils avaient dú nous donner
20
mille pour
faire avec nous la derniere campagne, et sur ces
20
mille plus d'un tiers avaient péri. l\1ais ils
avaient entrctenu des cadres nombreux, et laissé
en congé dans les villes et les campagnes des
soldats tout formés, qui n'attendaient qu'un si–
gna} pour revenir sous les drapeaux. Ils avaient
pu par ce moyen
et
par les levées spontanées de
la jeunesse prussienne, réunir
120
mille hom–
mes, dont 60 mille de troupes actives, parfaite–
ment instruites, environ 40 mille hommes de
troupes en formation destinées
a
rejoindre les
premieres, et environ
20
mille dans les places.
lls espéraient porter cet armement
a 150
mille
hommes, dont 100 mille en ligne,
a
condition
de recevoir bientot des subsides anglais. La jcu–
nesse des éeoles et du commerce remplissait les
bataillons de chasseurs
a
pied, anne ·és aux régi–
ments d'infanterie; la jeunesse noble ou riche en–
trait dans les chasseurs
a
cheval, annexés a cha–
que régiment de eavalerie.
Pour l'instant, en défalquant ce qu'il avait
fallu laisscr
Slll'
les derrieres, ou employer au
blocus des places, ou envoyer en courses loin–
taines vers les extrémités de leur ligne, les eoa–
lisés avaient a présenter sur le champ de bataille,
a leur droite le corps prussien d'York, qui dc –
puis sa défeetion n'avait pas quitté le corps russe
de Wittgenstein, et réuni a ce dernier formait
une masse de
50
mille hommes;
a
leur centre le
corps de Wintzingerode de 12
a
15 mille hom–
mes de cavalerie et d'infanterie légeres, mar–
ehant
a
l'avant-garde; en seconde lignc et
toujours
a
leur centre, Blucher avec 26 mille
Prussicns, Kutusof avec
50
mille Russes; a leur
gauche enfio, mais hors de portée, 1
O
ou 12 milie
hommes sous le général Sacken, e'est-a-dire un
total de
110a112
mille combattants. Ce n'était
pas beaucoup pour tant de .hardiesse, de pré–
somption, de promesses magnifiques répnndues
daos toute l'Europe pour la soulever contre
nous.
Les coalisés avaient compté sur un secours qui
se faisait encore attendre, c'élait celui du prince
Bernadotte. Daos l'entrevue d'Abo, le futur roi
de Suede était convenu avec Alexandre de con–
courir
m1x
efforts de la coalition au moycn d'un
corps de
ZO
mille Suédois, auxquels s'adjoin–
draient 15 ou
20
mille Russes dont
il
aurait le
comrnandement. Les Anglais, pour faciliter la
composition de cette armée, avaient accordé un
subside de
25
millions de francs. Le prix de la
guerre faite
a
la France était, comme on l'a vu,
la Norwége. Les Anglais, pour enchainer le prince
Bernadotte au moyen d'uo pacte pour ainsi dire
infernal, voulaient ajouter
a
la Norwége la Gua–
deloupe, l'une des dépouilles de la France. Néan,.