LUTZEN
ET BAUTZBN. -
AVRIL
181.3.
trait, soit de selle. Quant aux officiers, dont
il
avait été appelé un grand nombre d'Espagne, et
qui arrivaient par les voitures publiques, Napo–
l(fon les employait sur-le-champ. Lorsque cette
source était insuffisante'
iI
se faisait désigner '
da ns les revues qu'il passait en perso nne, les
individus capables de rernplir les grades vacants,
leur délivrait des brevets saos attendre Je travail
des bureaux de la guerre, et les faisait recon–
naitre Je jour meme dans les r égiments. I1 avait
dit qu'il ne serait plus l'empereur Napoléon,
mais le général Bonaparte, et il tenait parole. 11
avait réduit ses propres équipages au plus strict
nécessaire, et exigé que tous les généraux suivis–
sent son exempfe. - ll faut que
nous soyons
légers,
disait-il, car nous aurons bcaucoup d'en–
nemis a battre, et nous ne le pourrons qu'en
nous multipliant, c'est-a-dire en marchant vite.
Animant ainsi tout de sa présence, des qu'un
régin11ent avait ce qu'iJ Jui fallait, sous le double
rapport du matériel et Ju personnel, il l'en–
voyait rejoindre ou Je maréchal Ney a Wurz–
bourg, ou le maréchal Marmont
a
Hanau, ou la
garde impériale a Francfort. La garde en parti–
culier exigeait les plus grands soins, car la partie
valide était sur l'Elbe avec le prince Eugene, les
débris a réorganiser étaient répandus entre
Fulde et Francfo1't, et tout ce qui était de nou–
velle Ievée couvrait les routes de París
a
Mayence.
Les cavaliers
amen~ient,
outre le cheval qu'ils
montaient, deux chevaux de main pour leurs
camarades revenus démontés de Russie. Napoléon
s'occupa de réunir ces éléments, et, grace a lui'
l'organisation de ces divers corps d'arrnée fut
singul ierement accélérée. Le corps du général
Lauriston, exclusivement composé de cohortes ,
avait déja rejoint le prince Eugene sur l'Elbe.
Ceux des maréchaux Ney et Marmont étaient
prets
a
entrer en campagne. Le corps du général
Bertrand débouchait sur Augsbourg, et y trou–
vait l'artiJJerie, que Napoléon lui avait envoyée
pour Je dispenser de la trainer a travers les
Alpes, de !'argent pour acheter en Baviere deux
mille chevaux de trait, et les trois mille recrues
destinées d'abord aux cadres revenus de Russie,
mais définitivement attribuées au corps arrivant
d'Italie. Tout s'accomplissait si vite', jusqu'a
l'éducation des hommes, qu'on faisait chaque
jour arreter les troupes en marche, pour répéter
les manreuvres que Napoléon avait spécialement
recommandées, et qui consistaient a former le
bataillon en carré,
a
le déployer en ligne, pu is
a
le repJoyer en colonne d'attaque.
CONSULAT.
5.
Ce n'est pas ainsi assurément qu'on peut créer
de bonnes armées. l\fais quand, par suite d'une
politique sans mesure, on s'est condamné
a
tout
faire vite,
il
est au moins heureux de savoir ap–
porter
a
l'exécution des choses cette prodi–
gieuse rapidité.
D'ailleurs, il faut Je dire, par son génie
particulier la nation fran<;aise se pretait merveil–
leuscment aux fautes de Napoléon, et était mcme
une séduction pour l'entrainer
a
les commettre.
Cette nation prompte, intelligente et héro!que ,
qui, depuis les premiers temps de son histoire,
n'a cessé d'etre en guerre avec l'Europe, qui
pendant vingt-deux ans de r évolution, de
1792
a
18'1
ñ,
ne s'est pas rcposée un jour, tandis que les
nations avec
lesqu~lles
elle éta it successivement
aux prises, se reposaient tour
a
tour, est la seule
peut-etre au monde dont on puisse en trois·
mois convertir les enfants en soldats. En
1815,
Ja chose était plus facile que jamais. Napoléon
possédait des sous-officiers, des officiers et des
généraux consommés , qui avaient pratiqué
vingt ans la guerre, qui avaient en eux-memes
et en Jui une confiance sans bornes , qui ,
tout en lui gardant rancunc du désastre de
Moscou, voulaient réparer ce désastre, et il ne
leur fallait pas beaucoup de temps pour s'empa–
rer de cette jeunesse franr;aise, et la reipplir de
tous les sentiments doot ils éta ient animés. Avec
de tels éléments on pouvait encore accomplir
des prodiges. 11 ne restait qu'un vreu a former,
c'est que tout ce sang généreux ne fUt pas versé
uniquement pour ajouter un nouvel éclat
a
une
gloire déja bien assez éclatante, et qu'il servit
aussi
a
sauver notre grandeur, non pas cette
folle grnndeur qui se piquait d'avoir des préfets
a Rome et
a
Hambourg, mais cette grandeur
raisonnable, qui consistait
a
nous asseoir défini –
tivement dans les limites que la nature nous a tra–
cées, et que notre révolution de
1789,
joignant
a
la promulgation de príncipes immortels l'ache–
vement de notre territoire national, nous avait
glorieusement conquises ! Suivons ces tristes
événements, et on vcrra
a
quelles épreuves nous
étions encore réservés.
Napoléon avait calculé qu'en laissant environ
50 mille hommes
a
Dantzig et
a
Thorn, 50 mille
a
Stcttin, Custrin, Glogau, Spandau, ce qui fai–
sait 60 mille hommes pour les places de la Vistule
et de l'Oder, le
p~'ince
Eugcne, r enforcé par le
corps du général Lauriston qui lui avait été en–
voyé en mars, pourrait réunir 80 mille combat–
tants sur l'Elbe. Il espérait débouchcr avec
2