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LIVRE QUARANTE- HUITIEME.

moins il ne se pressait guere de remplir ses en–

gagements, et songeait avant tout a envoyer ses

troupes en Norwégc pour se saisir du prix pro–

mis asa défection. On cherchait a l'en dissuader,

surtout par ménagement pour le Danemark,

qu'on espérait amener a la coalition en luí ofirant

un dédommagement soit en Poméranie, soit dans

les territoires hanséatiques. Le prince royal de

Sucde n'écoutait gucre ces remontrances, et per–

sistait

a

ne s'occuper que de la Norwége. Aussi la

coalition était-elle pleine de défiances

a

son égard,

défiances assez concevables, car, meme en ce

moment, de nombreux émissaires se succédan t

a

París affirmaient que le partí de l'ancien maré–

chal Bernadotte n'était pas pris,

e~

que, moyen–

nant quelques avantages, on pourrait le ramr.ner

a

de meilleurs sentiments envers la France.

Privés de ce secours, privés de celui de l'Au–

triche, qui ne s'était pas encore jointe

a

eux,

parce qu'elle voulait épuiser auparavant toutes

les chances d'une solution pacifique, et parce

que d'ailleurs elle n'était pas prete, les coalisés

avaient formé la résolution de recevoir avec

Ieurs

112

mille hommes le choc de Napoléo'n,

de faire meme mieux, et d'aller se heurter a luí.

D'abord ils avaient douté, ou fait semblant de

douter de l'étendue de ses forces, puis, quand

il n'avait plus été possible de les contester, ils en

avaient niéla qualité, soutenant que c'étaient des

enfants menés par des vieillards, et que les meil–

leurs soldats de la Russie et de la Prnsse, animés

<lu plus ardent patriotisme, n'avaient pasa s'in–

quiéter de Ieur nombre. De plus on était en

plaine, et ces jeunes fantassins ne résisteraient

pas au choc d'une cavalerie qui était la plus

nombreuse et la plus belle de l'Europe. Apres

lant de vanteries, rcpasser l'Elbe a l'approche de

Napoléon eút- été difficile, et meme fort dange–

r eux. On aurait ainsi profondément découragé

les esprits en Allemagne, apres les avoir prodi–

gieusemcnt excités; on aurait surtout, en s'éloi–

gnant, rendu l'Aulriche

a

Napoléon . I1 falla it

done combattre oú l'on était, et pourtant, dans

l'impatience de s'avancer afi n d'al:francbÍl' de

nouvelles parties de l'Allemagne, on s'était porté

au dela de l'Elbe, qu'on avait passé

a

gauche,

c'est-a-dire a Dresde, ne pouvant le passer a

droíte

a

cause de i\Iagdebourg, et on s'était ainsi

engagé dans un véritable coupe-gorgc. On était

en cffet entre Je prince Eugene d'un coté, les

montagnes de la Boheme de l'autre, Napoléon

en face, exposé a recevoir une for te attaque de

front , tandis qu'on recevrait un coup mortel dans

L

L

le flanc. Le prudent Kutusof, devenu depuis ses

lriompbes une sorte d'oracle, n'aimant pas les

Allemands et leurs démonstrations patriotiques,

persistait a <lire qu'il fallait s'en tenir a ce qu'on

-avait fait, garder le grand-duché de Varsovie,

conelure

a

ce prix la paix avcc la France, et ¡en–

trer chez soi. A.lexandre, arreté daos son role de

libérateur de l'Allemagne, qui le séduisait alors

autant que l'avait séduit apres Tilsit eelui de con–

qu érant de Constantinople, était singulierement

contrarié par cette opposition, qu'il n'osait pas

négliger au point de passer outre.

A

ussi, tandis

que W int:llingerode, marchant avec l'ardent Blu–

cher, avait traversé l'Elbe des le commencement

d'avril, le corps de bataille russe était demeuré

en arriei·e, et n'était entré que le 26 a DPesde,

jour meme oú Napoléon arrivait

a

Erfurt. Mais

tout a coup, Kulusof, épuisé par la derniere cam–

pagne, et cxpiranb en quelque sorte au milieu

de son triomphe, était mort a Bunzlau. A partir

de cet instant, les considérations de la prudence

perdaient le seul chef qui fUt assez accrédité pour

les faire valoir, et Alexandre, entouré des enthou–

siastes allemands, ne devait plus songer qu'a

prendre l'offensive la plus prompte. Livrer ba–

taille tout de suite, n'importe ou, n'importe corn–

ment, n'était plus chose mise en question, pourvu

que ce füt dans les pJaines de la Saxe, oú la cava–

lerie des coalisés devait avoir tan t <l'avanlagcs

contre les

Fran~ais,

qui n'avaien t qu'une jeu11e

infanterie sans cavalerie.

On continua done

a

s'avancer les 27, 28, 29

avril , entre le prince Eugene qui était au con–

fluent de la Saale et de l'Elbc, et Napoléon qui

venait de la foret de Thuringe. Il

y

aurait eu

certaincment un moyen<le conjurer le danger de

cctle position , c'cút été de se portcr en toute

bate sur Leipzig, Lutzen, Weissenfels, Naurn–

bourg, avec les 100 mille hommes dont on dis–

posait (défalcation faite du corps de Sacken, Iaissé

en Pologne), de couper Ja ligne <le la Saale, et

de s'interposer entre Napoléon et le prince Eu–

genc pour empecher leur jonction. (Voir Ja carte

1>8.)

Cetle opération naturellemcnt indiquée

était fort praticable, car on était des le 28 entre

la Pleiss et l'Elster a Ja hauteur <le Leipzig. l\fais

il aurait fallu que quelqu'un commandat, et

Kutusof étant mort, Alexandre, qui était resté la

scule autorité militairc, écou tant tous les avis

sans savoir en adopter aucun , on s'avan<;ait avec

le désir et la crainte tout

a

la fois de rencontrer

Napoléon. Il était convenu qu'a cause de l'impor–

tance de leur role les Russes auraient le comman-