_26
LIVRE QUARAN'l'E-HUITIEl\JE.
firma dans la pensée de se porter en masse sur
Leipzig, de se rabattre ensuite dans le
fl~nc
de
l'ennemi, et afin de réaliser cette pensée, il régla
ses mouvements avec une profondeur de pru–
dence qui, at'..t milieu des incertitudes ou
il
était
faute de cavalerie, lui procura le plus éclatant,
le plus mérité des triomphes. Le prince Eugene,
arrivé
a
l\fackranstaed t da ns la journée' nvai t le
pas sur le corps de bataille, et Napoléon le luí
lnissa pour qu'il put se porter immédiatemcnt
sur Leipzig. Il lui ordonna d'envoyer le corps de
Laurislon directement sur Leipzig, puis de diri–
ger l\Iacdonald
a
droite sur Zwenkau, point ou
devaient se rencontrcr les détachements les plus
avancés de l'ennemi, et lui recomrnanda de se
tenir de sa personne entre Lauriston et Macdo–
naid, avec la division Durulte, la cavalerie de
LaLour-1\faubourg et une forte réserve d'artille–
rie, afio d'aller au secours de celui des deux qui
aurait de trop fortes affaires sur le? bras. Napo–
léon s'appreta a le suivre avec la garde, pour
aider celui d'eux tous qui en aurait besoio. l\fais
avcc une prévoyance dont il était seul capablc,
se doutant que les coalisés pourraient bien, pen–
dant ce mouvement sur Leipzig, se réunir en
masse sur sa droite, car
il
était poss1ble qu'ils
eussent remonté l'Elster pour
le
prendre lui–
meme en flanc,
il
retint Ney avec ses cinq divi–
sions aux environs de J,utzen, et l'établit
a
un
groupe de cinq villages , dont le principal s'appe–
lait Kaja. Ce village était situé
a
une licue au–
dessus de Lulzen, au bord du
E loss-Graben,
canal d'irrigation qui traversait toute la pJainc
entre la Saale et l'Elstcr. Ney, placé sur ce point
avec ses cinq divisions, devait y forme1· le pivot
solide autour duque! nous allions opérer notre
mouvement de conversion. Restaient l\farmont,
Bertrand, Oudinot, marchr nt
a
la suite de
l'armée, et se trouvant, l\'.larmont au bord du
Rippach, Bertrand un pcu plus en arriere, Oudi–
not sur la Saale mcme. Napoléon ordónna
a
Mar–
mont et a Oudinot de franchir successivemeut
le
Rippach, et de venir se ranger sur la droite de
Ney pour -le secourir, ou en etre secourus s'ils
étaient brusquement abordés par l'cnnemi, et de
se porter ensuite tous cnsernble sur l'EJster ,
entre Zwenkau et Pegau, dans le cas ou ils n'au–
raient rencontré personnc. Ncy était done le
point solide autour duque! une moitié de l'armée
allait pivoter, pendant que l'autre moitié, se por–
tant
en
avant, entrerait dans Leipzig,
et
opérerait
le mouvement de conversion qui devait nous
placer dans le flanc de l'ennemi. Ave'c de telles
précautions, dont on va bientot apprécier la pro–
fonde sagesse, il n'y avait presque pas de danger
sérieux a craindre, en exécutant' devant une
armée de plus de cent mille hommes une opéra–
tion extremement délicate, mais nécessaire si on
voulait arrivcr
a
des résultats considérables.
Amis et cnoemis, nous présentions a peu pres
500 millc combattants' a quatre ou cinq lieues
les uns des autres.
Ces dispositions ordonnées avec indícation
précise
a
cbaque cbef de corps du but qu'on
vo.ulait atteindre, et de la conduite
a
tenir dans
loutes les éventualités, Napoléon se mita dictcr
.des Jet tres Je reste de la ma tinée, né voulant
monter
a
chcval qu'a neuf ou dix heures, parce
que c'était alors seulement que chacun devait
etre en pleine marche vers sa destination. Il
écrivit au vieux duc de Valmy sur la composi–
tion de certains bataillons, au géoéral Lemarois,
gouverneur du grand-duché de Berg, sur les
dépóts de cavalerie qui étaient dans son arron–
dissement, au prince Poniatowski sur la jonction
des deux armées de l'Elbe et du Main, et sur
leur marche ultérieure, au major général sur la
mise en jugement du gouverneur de Spandau
qui avait capitulé, a plusieurs autrcs person–
nages enfin sur une multitude d'objets, et entre
aut1;es au duc de Rovigo sur la maniere de parler
des événemen ls militaires daos un moment oú
l'opinion défiant"e accueillait moins facilement
l{Ue jamais les assertions du gouvcrnement, et
terminait
ses
observations par ces mots remar–
quables :
Vérité, si1nplicité,
voila ce qu'il faut
aujourd'hui.
Apres avoir ainsi dicté une quantité de lettres
avec une parfaitc liberté d'esprit, il partit
a
dix
heures, et suivi d'un escadron de la garde il
courot vers Lei pzig, dont
il
était
a
quatre lieues
seulement. Au nombre des officiers de haut
grade qui l'accompagnaient se trouvait le maré–
chal Ncy, venu pour voir de quel cóté se porte–
r ait la tempete qui semblait s'amasser autour de
nous . Une derni-heure suffisait au maréchal pour
r ejoindre son corps au galop, si elle se dirigeait
vers les villages que
ses
cinq divisions étaient
hargées de garder. En
ce
moment le maréchal
l\focdonald coupant devant nous, de gauchc
~1
droite , la route de Leipzig, s'avanc;ait sur Zwen–
kau;
a
g¡rnche, le général Lauriston s'avanc;ait
de Mackranstaedt sur Leipzig. Le prince Eugene,
avec la réserve que Napoléon lui avait composée,
et qui consistait, avons-nous dit, dans la division
Durutte et la cavalerie de Latour-1\faubourg,