LUTZEN ET :BAUTZEN. -
JUAI
18i5.
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haut sur l'Elster, le long des montagnes ou l'on
avait supposé d'abord que Napoléon pourrait se
présenter. C'était une masse d'environ 92 mille
combattants de la premiere qualité, animés pour
la plupart, surtout les Prussi<rns, d'un ardcnt
patriotisme. Les mouvements qui leur étaient
prescr~ts
avaient pris du temps. A dix heures du
matin ils défilaicnt encore, et s'applaudissaient
de voir l'armée fran<;aisc en marche sur Leipzig,
dans l'espérance de la surprendre. Quant au corps
de Ney, hlotti dans les villages,
il
ne laissait
apercevoir que quelques feux, et n'avait l'appa–
rence que de détachements placés la par pré–
caution. AJexandre et Frédéric - Guillaume,
abandonnant le commandement
a
"Wittgenstein
qui commandait
a
peine, puisqu'un autre pen–
sait pour lui, parcouraient
a
cbeval les rangs de
leurs soldats, recueillaient leurs acclamations, et
contribuaient ainsi
a
augmenter une perte de
temps déja beaucoup trop grande.
Les coalisés ayant franchi le
Floss-Graben
au-dessus de nous pour se porter
a
Lutzen, tan–
dis que nous l'aviol).s franchi au-dessous, et en
sens contraire, pour nous porter vers Leipzig,
appuyaient leur droite au
Floss-Graben,
leur
gauche au ravin du Rippach, et avaient en foce
les cinq villages qui allaient etre si violemment
disputés. Le village de Gross-Gorschen s'offrait
d'abord
a
eux; ensuite venait celui de Rahna
a
leur gauche, celui de Klein-Gorschen
a
leqr
droite. Quoiqu'on
füt
en plaine, ces trois villages
ét11ient au fond d'une dépression de terrain assez
peu sensible, dans laquelJe se réunissaient de
petits ruisseaux bordés d'arbres, formant des
mares pour l'usage du bétail, et allant dégorger
leurs eaux dans le
Floss-Graben.
Du point ou ils
étaient les coalisés apercevaient distinctement
ces trois villages de Gross-Gorschen en premicre
ligne, de Rahna et de Klein-Gorschen en seconde
ligne; puis en regardant au dela, ils voyaient le
terrain se relever graduellement, et au-dessus
apparaitre le village de Kaja
a
droite; contre le
Floss-Graben,
le village de Starsiedel
a
gauche,
pres du Rippach, et enfin l>eaucoup plus loin le
clocher pointu de Lutzen et la route de Leipzig.
Il fut convenu que Blucher attaquerait d'abord
les trois premiers villages, que Wittgenstein et
d'York l'appuieraient, que Wintzingerode, placé
a
gauche avec toute sa cavalerie, serait pret
a
fondre sur les
Fran~ais
des qu'on les croirait
ébranlés, qu'enfin la garde et les réserves russes,
inranterie et cavalerie' rangées
a
droite, le long
du
Floss-Graben,
seraient pretes
a
se porter
a
l'appui de ceux qui fléchiraient. On ne désespé–
rait pas de voir arriver Miloradovich
a
temps
pour prendre part
a
la bataille. Sans lui on était
encore 80,000 hommes, bien concentrés et par–
faitement résolus.
Apres avoir donné une beure de repos aux
troupes, les Prussiens de Blucher attaquerent les
premiers, sous les yeux des deux souverains, qui,
placés
a
quelque distance sur une légere émi–
nence, pouvaient assister aux acles de dévoue–
ment de leurs soldats. Vers midi, Blucher, pré–
sent malgré ses soixanle et douze ans
a
toutes les
attaques, et digne adversaire du marécbal Ney
qu'il allait combattre dans cette journée, s'avan<;a
a
la tete de la division de Kleist sur Gross-Gor–
schen. La division Souham, du corps de Ney,
avertie par ces longs préparatifs, avait pu se
mettre sous les armes. Quatre bataillons étaient
en dehors du village avec du canon. Le général
Blucher, précédé de trois batteries, exécuta sur
les quatre bataillons de Souham un feu violent
et bien dirigé. Les jeunes soldats de Souham
firent bonne contenance, mais deux ou trois de
leurs pieces ayant été démontées, et l'infanterie
de la division de Kleist les abordant avec une
extreme v_igueur, ils furent rejetés dans Gross–
Gorschen, puis débordés de droite et de gauche,
et culbutés sur Rahna et Klein- Gorschen for–
mant la seconde position. La joie fut vive sur le
terrain du haut duquel Alexandre et Frédéric–
Guillaume observaient Ja bataille; et l'espérance
d'une grande victoire surgit au creur de tous.
A gauche de cette action fort chaude, en face de
Starsiedel, Wintzingerode avec ses troupes
a
cheval s'approclia des villages attaqués , dans
l'intention de les déborder et de saisir l'occasion
d'une charge décisive. M:;iis le combat commen–
~ait
a
peine, et bien des vicissitudes pouvaient
en changer la face avant la fin de la journée.
Repliés sur Klein-Gorschen et Rahna, les sol–
dats de Souham n'étaient plus aussi faciles
a
déloger" Les fossés, les clótures, les mares d'eau
qui se trouvaient entre ces villages, offraient de
nombreux moyens de résistance. La division Sou -
ham, forte de 12 mille hommes, et ralliée tout
entiere sous son vieux général qui joignait
a
une
rare intrépidité une expéricnce de vingt années,
se défendait avec vigueur. Malheureusement la
division Girard, qui était un peu
a
droite, dans
la direction de Starsiedel, ne s'attendant pas
a
cette attaque, était cncore dans le désordre du
bivac, et l'envoi de ses chevaux au fourrage con–
damnait son artillerie
a
une complete immobi-