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LIVRE
QUAHANTE-HUlTIEl\1E.
puyés par de l'infanterie légere et de l'artillerie
attelée. Ils
re~urent
les premiers boulets sans
s'étonner. Des tirailleurs choisis traverserent ce
terrain ondulé, et forcerent les tirailleurs ennc–
mis
a
reculer. On les suivit, on descendit dans
l'enfoncement du sol, on remonta sur le coté op–
posé, puis on déboucha en plusieurs carrés dans
la plaine, et on
fit
sur l'ennemi un feu tres-vif
d'artillerie. Apres quelques volées de canon, la
division de cavalerie Landskoy s'élarn;a au galop
sur nos carrés. C'était le moment critique. Le
vieux et intrépide Souham, l'héro'ique Ney, le
généraux de brigade, se placerent chacun dans
un carré pour soutenir Jeur infanterie qui n'était
pas habituée
a
ce spectacle. Au signal donné, un
fcu de mousqueterie exécuté
a
propos accueillit
la cavalerie ennemie, et l'arreta court. Nos jeunes
sol'dats, étonnés que ce
fUt
si pcu, attendircnt un
nouvel assaut, le rei;urent mieux encore, et jon–
cherent la tcrre des cavaliers de Landskoy. Puis
Ney rompant les carrés, et les formant en colon–
ncs, poussa l'ennemi devant lui. 11 félicita ses
braves conscrits, qui remplirent l'air des cris
mille fois répétés de Vive l'Empereur
!
A partir
de ce moment, on pouvait tout cspérer d'eux .
lis entrerent
a
la suite des Russes dans Weissen–
fels, les en expulserent, et
a
la chute d u jour
furent maitres de ce point décisif. Ney, qui de–
puis sa jeunesse n'avait jamais combatlu avcc des
soldats aussi novices, se bata d'écrire
a
Napoléon
pour lui exprimer sa joie et sa confiance. -
Ces enfanLs, lui écrivit-il, sont des héros; je
ferai avec eux Lout ce que vous voudrez. -
Au merne insLant l\facdonald, formant Ja tele
de colonne du prince Eugene, était entré dans
l\fersebourg, et avait melé ses avant-postcs avec
ceux du maréchal Ney. Le général Lauriston, qui
le suivait, avait trouvé les ponts. de Halle forte–
ment occupés par le général prussien Kleist. Ces
ponts, comme on doit s'en souvenir en se repor–
tant
a
l'un des acles héro!ques de l'inforLuné gé–
néral Dupont dans Ja campagne de
1806,
s'étcn–
dent sur plusieurs bras de la Saale, et sont
impossibles
a
enlever,
a
moins qu'ilsnesoient au x
mains d'une troupe démoralisée. Ce n'était plus
l'état d'esprit des Prussiens, qu'un noble patrio–
tisme, une sorte de désespoir national enflam–
maient. lis occupaient les ponts de Halle avec de
l'infanlerie et une nombreuse artillerie. Le géné–
ral Lauriston n'insista pas pour forcer une posi–
tion qu'on allait faire tomber le lendemain en la
tournant.
Napoléon, en lisant les ·réc·its de ses généraux,
partagea leur joie et écrivit
a
Munieh,
a
Stutt–
gardt,
tt
Carlsruhe,
a
París, pour raconter les
prouesses de sesjeunes soldats. Il quilta le lende–
main
50
Eckartsberg, et alla coucher
a
·wei sen –
fe ls.
Sa jonction avcc le prince Eugene élaot opé–
rée sur la basse Saale, il songea naturellemerit
a
tirer de cette jonction le parti qu'il s'en était pro–
mis, celui de déboucher en ma-sse dans les
fa–
meuses plaines de Lutzen, de courir sur Leipzig
en une forte colonne, de passer l'Elster
i1
Leipzig
meme, et puis exécutant un mouvement de con–
version, Ja gauchc en avant, de marchc1· sur les
coalisés, et de les pousser contre les montagnes
de la Boheme. (Voir la carte n° 58.) N'ayant pas
assez de cavalerie pour s'éclairer, car celle qu'il
avait rcstait forcément clouéc
a
l'infanterie de
peur d'elre écrasée,
il
n'entrevoya it que fort in–
complétement les projets de l'ennemi. l\Jais plu–
sieurs rcconnaissances, plusicurs rapports intcr–
prétés avec sa faculté ordinairc de divination,
lui avaient appris que les Russes et les Prussiens
afiluaient sur sa droite, qu'ils se trouvaient par
conséquent entre lui
et
les montagnes, sur le
haut Elster, qui était le cours d'eau que nous
devions rencontrer flpres avoir franchi la Saale.
Le plan de Napoléon ofi'rait done encore les plus
grandes chances de succes, et il résoluL de s'avfln–
cer de 'Veissenfels sur Lutzen, pour de
la
se por–
ter sur Leipzig en masse serrée, et
y
passer
l'Elster. Toutefois ue pouvant marcher avcc pres
de deux cent mille hommes sur une seule voie,
il dirigea pfir la grande route de Lutzen
a
Leipzig,
le maréchal Ney, la garde et le maréchal Mar–
mont: Pour flanquer
a
droite cette coloooe qui
était Ja principale, il ordonna au général Bertrand
et au maréchal Oudinot, restés sur la haute Saalc,
de déboucher de Naumbourg sur Slossen. Pour la
flaoquer
a
gauche,
il
ordcinna au prince Eugeoe
de déboucher de l\'Iersebourg, et de se porter avec
toutes ses forces sur Leipzig par la route de
l'tlackranstaedt. Ces divers corps partant ainsi de
la Saale,
a
trois ou quatre lieues les uns des
aulres, convergeaient tous vers le point commun
de Leipzig. Ces dispositions arretées pour eLre
exécutées Je lendemain
1•r
mai,
il
s'occupa, ce
qui luí arrivait souvent pendant cette marche,
de l'organisation de ses troupes, et en particu–
lier de celle de la garde impériale. Le prince
Eugene lui amenait quatre bataillons de vieille
garde, deux de jeune, plus une certaine portion
d'artillerie et de cavalerie appartenant
a
ce corps
d'élite. C'était tout ce qu'on avait pu recueiJlir