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LIVRE QUARANTE-HUITIEJUE.
Caulaincourt devait s'adresser a
1\1.
de Stadion,
représentant de la puissance médiatrice. Cette
réponse signée de l\L de Nessclrode, et accom–
pagnée d'aiUeursdes témoignages les plus flatteurs)
pour M. de Caulaincourt, fut renfermée dans une
Jettre de l\L de Stadion au prince Rerthier, et
expédiée
a
ce dernier. Elle disait que, d'apres Je
rcnvoi qui venait <le Jui etre fait, l\L de Stadion
était pret a s'aboucher avec l\'1. de Caulaincourt,
et avec des commissaires tant russes que prus–
siens, pour procéder sur-Je-champ a la conclusion
d'un armistice.
Cette double réponse, différée jusqu'au .Jen–
<lcmain de Ja hataille, fut envoyée Je 22 mai,
et remise aux avant-postes fran i;ais. Napoléon ,
l'ayant rei;ue, et voyant quel accueil on faisait
a
ses ouvertures, n'avait pas cru devoir se presser
avec des gens qui se montraient si fi crs, et répon–
<lit que lorsque les commissaires se présenteraient
:rnx avant-postes, on les admettrait. 11 avait en–
suite continué sa marche, et
i1
était, comme on
vient de Je voir, arrivé a Licgnitz,
a
une
Oll
deux
marches de Breslau.
Dans ce moment une vive agitation régnait
parmi les coalisés. Malgré un fol orgueil, prove–
nant chcz eux de ce qu'ils nous résistaient un peu
mieux qu'autrefois, ils commeni;aient a sentir
les conséquences de deux grandes défaites. Les
officiers prussiens, presque tous membres du
Tugenclbund,
avaient une ardeur de sectaires,
sectaires d'ailleurs de Ja plus noble des causes,
celle de leur pal.rie; mais les troupes, dans Jes–
quellcs les jeunes soldats se trouvaient en assez
forte proportion, se rcssentaient <les batailles
perdues etdesretraitcs rapi<les. Les Russes é.taient
bea ucoup plus ébranlés que les Prussiens. La
guerre, <le patriotique qu'elle avait été pour eux,
étant devenuc purement politique depuis qu'ils
avaient franchi l::i Pologne, ils en supporlaient les
souifrances avec impatience. En outre l'empereur
Alexandre n'ayant pu refuser plus longtemps Je
commandement a Barclay de Tolly, seul homme
capable de l'exercer quoique impopulaire parmi
les soldats, celui-ci , avec l'ordinaire exactitude
de son esprit, avait cherché a r emettre l'or<lre
daos son armée, et n'y avait gucre réussi au
milieu <le la confusion d'unc retraite. Il pensait
et disait, avec sa rudessc accoutumée, que l'armée
russe allait se dissoudre si on ne la ramenait en
Pologne pour s'y refaire pendant deux mois der–
ri ere la Vistule, et non-seulement il le disait, mais
il
voulait agir en conséquence. Aussi avait-il fallu
la volonté for mellcment exprimée d'Alexandre
pour lui faire ahandonner la route de Breslau,
celle qui menait directement en Pologne, et l'obli–
ger a prendre celle de Schweidnitz. C'est la qu'on
espérait s'arreter, dans le fameux camp deBunzel–
witz, si longtemps oecupé par Fréderic Je Grand,
et dans Je voisinage de l'Autriche, voisinage tou–
jours fortement recommandé par les diplomates
de Ja coalition. Barclay de Tolly avait obéi, en
déclarant toutefois cette conduite politique peut–
etre, mais tres-peu militaire, et laissant craindrc
une opposition opiniatre
a
des ordres de la meme
nature, fussent-ils donnés par l'empereur.
Les Allemands, et Alexandre lui-meme, tou–
jours infatué de son role de libérateur de l'Europe,
avaientenvoyéaBarclay de Tolly M. deMuffiing,
qui avait quelques titres a ses yeux, pour avoir
défendu sa conduite dans la journée du 21 mai
et mis en grande évidence ses dangers et ses scr–
vices. M. de l\Iuffiíng avait taché de l'ébranler
dans ses résolutions, mais n'avait rien gagné sur
l'inflexibilité de son caractere: et pour réussir a
le convaincre l'avait conduit au camp de Bunzcl–
witz, afin de·lu\ en montrer les avantages. l\fais
on avait trouvé la place de Schweidnitz, qui était
l'appui de ce camp, détruite par les Frani;ais
en 1807, et point relevée encore par les Prussiens
en 1815; en outre, la position de Bunzelwitz
insignifiantc comparativement aux moycns dont
disposaient les armées modernes. Barclay de
Tolly avait soutenu, et avec raison, que les ar–
mées coalisées ne tiendraient pas quelques heures
dans une position pareille, et qu'elles sortiraient
presque anéanties <l'une nouvelle rencontre avec
Napoléon. Cette visite n'avait done cu d'autre
résultat que de confirmer le général russe dans
sa r ésolution de laisscr les Prussiens en Silésie",
et d'aller rcfaire son armée en Polognc, sauf a
revenir dans deux mois sur l'Oder. Mais pendant
ce temps la coalition pouvait etre dissoute.
On rcconnut bientót, apres toutes ces confé–
rences, qu'il n'y avait d'autre ressource que de
donner suite a l'idée d'un armistice, déja mise en
avant par Ja díplomatie des puissances belligé–
rantcs. On se réunit chez les deux monarques
alliés
a
Schweidnitz, et on tomba d'accord sur la
néecssité d'une suspension d'armes, comme uni–
que moyen d'échapper aux difficultés de la situa–
tion. Par malheur pour les coalisés, les mencurs
prussiens n'en voulaient pas. Le général Gnei–
sena u , membre du
Tugendúund,
homme de
creur et d'csprit, mais ardent et irréfléchi,
rempli des passions de ses compatriotes, succcs–
seur du général Scharnhorst dans les fonctions