Table of Contents Table of Contents
Previous Page  592 / 616 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 592 / 616 Next Page
Page Background

l82

LIVRE CINQUANTE-'I ROISIEME.

L'Autriche s'était batée de la lui offrir, moins

pour former des liens avec la Fl'ancc, que pour

rompre les Jiens de la France avec la Russie, et

il

l'avait acceptée, parce qu'on luí avait fait at·

tcndre la princesse

russ~,

parce que la princessc

autrichienne était de plus noble extraction ,

parce qu'elle lui procurait un mariage commc

les Bourhons en eontractaient jadis. A partir de

ce jour, l'alliancc avec la Russie, alliance fausse,

mensongerQ, mais spécieuse, et par cela momen–

tanément uti1e, était brisée. Napoléon était seul

dans le monde avec son orgueil et son ªrmée,

armée admirable, mais éparpillée de Cadix

a

Kowno.

Ainsi le résultat de ses vues pacifiques ala suite

de Wagram était celui-ci : Réunion

a

l'Empirc

de la Hollande, des villes hanséatiques,du duché.

d'Oldenb_Qurg, de la Toscane, de Romc; capti–

vité du Pape ; rigucurs intolérables et infractions

inexplicables dans l'exécution clu blocus conti–

ncn tal; prclongation indéfinic de la guerrc d'Es–

pagne; rupture de l'alliance russc, saos avoir

acquis l'allianee de la cour d'Autriche, avec

laquellc on avait contracté un mariage de va–

nité

!

Telle élait la situation de Napoléon en 181

t,

apres

d~ze

années d'une rcgne absolu, soit

commc Premier Consul, soit comme Empereur.

11 fallait une solution. Se lassant de la chercher

dans la Péninsule, depuis que l\fosséna avait été

arreté devant les lignes de Torres-Védras, Napo–

léon s'occupa de la trouver ailleurs. L'Autriche ,

la Prusse, profondémcnt soumises en apparence,

le creur ulcéré mais la tete basse, ne proféraient

pas une parole qui ne fUt une parole de défé–

rcnce, et faisaient entendrc tout au plus une

priere si elles avaient quelque intéret trop souf–

frant

a

défendre. La Russic, un peu moins hum–

ble, osait scule discutcr avec le mailre du conti–

nent, muis du ton le plus doux. On voyait

qu'ellc n'avait pas ccssé de compler sur son éloi–

gnement géographique, bien qu'a Fricdland elle

cut sentí qu'a la distance de la Scine au Niémen

les coups de Napoléon étaient encore

bien

rudes.

Elle se plaignait modérémcnt de ce qu'on avail

dépouillé son parcnt le duc d'Oldcnbourg. Elle

demandait que par une convention secrole on Ja

rassurat sur !'avenir réscrvé au grand.duché de

Varsovie, que Napoléon avait agrandi aprcs

Wagram, et qui n'était ríen,

ou

devait étre la

Pologne. Enfin, cl ic résistait

a

Ja nouvelle forme

donnée au blocus continental. EUe <lisait que

chacun dcvait ctre libre d'établir cbcz soi les lois

commercialcs qu'il jugeait les meilleures; qu'cllc

avait promis de fermer les rivages russes au

commerce britannique, et qu'elle tenait parole;

qu'il enlrait sans doute quelques batimcnts an–

glais sous

le

pavillon américain , mais qu'ils

étaient infiniment peu nombreux, et qu'elle ne

pouvait l'empécber sans révolter ses peuples.

Tout cela, on s'en souvient, était dit avec une

modération infinie, et appuyé de raisonnements

tres-solides. Quant

a

l'outrage fait

a

la princesse

russe, Ja Russic se taisait, mais de maniere

a

prouver qu'elle l'avait viYement senti.

Ces objections indignerent Napoléon. Lui avoir

résisté, méme sans bruit, meme sans que le

monde en sut rien, c'était

a

ses yeux avoir donné

le signa} de la révolte. De ce que qnelqu'un ,

quelquc part, opposait une objcction

a

ses vo–

lontés arbitraires,

il

se tenait pour bravé..A la

colere de l'orgucil se joignit chez luí un calcul.

Achevcr In guerre d'Espagnc en Espagne sem–

blant difficilc, et surtout long, les effets du blo–

cus continental se faisant altcndre, l'expédition

deBonlogne étant depuis longtemps abandonnée,

il

crut qu'il fallait allcr lout lermincr sur les

bords de la Dwina et du Dniépcr. 11 se figura

que lorsque de Cadix a 1U0scou

il

n'y

aurait plus

une ombrc de résistance, et que la Russie serait

réduitc

a

l'état de la Prusse ou de l'Aulrichc, il

aurait résolu la question europécnne, que l'An–

gleterre

a

boul de conslance se rcndrait, que

l'Empire franc;ais s'étcndant de Rome

a

Amster–

dam, d'Amstcrdam

a

Lubeck, serait foodé, avec

les royaumcs d'Espagne, de Naples, d'Italic, de

Westphalic, pour royaumes vassaux

!

Ainsi co–

lere d'orgueil, calcul de finir au Nord ce qui ne

finissait pas au Midi, tclles furent les véritables

et seules causes de la guerre de Russic.

Cctte funcstc entreprise fut tentée avcc des

moyens formidables, et commenc;a

a

Dresde par

un spectaclc inoul de puissancc d'un coté, de

dépendance de l'autre, donné par Napoléon et

les souverains du contincnt pendant un mois

lout entier. Ccux-ci, plus ulcérés et plus hum–

blcs que jamais, se présenlercnt devant leur

ma.itres l'humililé sur le front, la haine daos Je

creur. Bien que Napoléon, Join d'avoir perdu de

ses facultésr?omme capitaine, possédat au con–

traire ce que la plus grande expérience pouvait

ajouter au plus grand génie, ccpendant l'art de

Ja guerrc Jui·meme avait pcrdu quel<JUC . chosc

sous l'influence de l'immensité et de la précipi–

lation des cntrepriscs. Daos lous les arls en cífet,

il

arriye souvent qu'on fait mal en faisant trop .