CONCLUSION.
l'Yonnc, conserve au centre une force suffisante
pour courir au poiQ.t le plus menacé, et la,
comme le tigre
a
l'affut, attmd une chance qu'il
a cntrevue dans les profondeurs de son génie,
c'est que l'ennemi se divise entre les rivicres qui
coulent vcrs Paris. Cette prévision se trouvant
justifiée, il court a Bluchcr séparé de Schwar–
zenberg, l'accablc en quatrc jours, revient en–
suite sur Schwarzenberg séparé de Blucher, le
met en fuitc,
le
ramene des portes de Paris a
cclles de Troyes, voit alors l'ennemi lui offrir
une derniere fois la paix, c'est-a-dire la cou–
ronne, rcfusc l'offre parce qu'elle
ne
comprend
pas les limites naturellcs, court de nouveau sur
Blucher, l'enfermc entre la l\farne et l'Aisne, va
le
détruirc pour jamais, et relever miraculeusc–
mcnt sa fortunc, quand Soissons ouvre ses
portes! Nullement troublé par ce changement
soudain de fortune,
il
luttc
a
Craonne,
a
Laon,
avec une ténacité indomptable, est pres de res–
saisir la victoire que l\farmont lui fait perd1·c
par une fautc, se retire
a
demi vaincu saos etre
ébranlé, ne désespere pas encore, bien que la
manreuvre de courir de Blucher
a
Schwarzen–
berg ne soit plus possiblc, parce qu'clle est trop
prévue, parce qu'il n'a pas vaincu Blucher, parce
qu'enfin on est trop pres les uns des autres
!
Toujours inépuisable en rcssourccs,
il
imagine
alors de se portcr sur les places pour y rallier
les garnisons et s'établir sur les dcrrieres de
l'cnnemi avec
100
millc hommcs. Avant d'cxé–
cuter cctle marche audacieuse, il donne a
Arcis-sur-Aube un coup daos
le
flan e de Schwar–
zenberg afin de l'attirer
a
lui, court ensuite vers
Nancy, lorsque l'ennemi, se décidant a marcher
sur París, parvient
a
en forcer les portes. Na–
poléon y revienten toule hate, trouvc l'cnnemi
dispersé sur les deux rives de la Seinc, s'apprete
a
l'accabler, quand ses licutenants luí arrachent
son épéc, le punissant ainsi trop tard d'cn avoir
abusé, et lui, l'homme des guerrcs heureuses,
termine sa carriere apres ª''oir déployé toutes
les ressourccs du caractcre et du génie dans une
guerre désespérée, oú
il
ajoute
a
l'éclat,
a
l'au–
dacc,
a
la fécondité de ses premieres campagnes,
une qualité qui luí restait
a
déployer, et qu'il
déploie jusqu'au prodigc, la constance inébran–
Iable dans le malbeur
!
Telle fut la carriere de Napoléon de son eom–
menccmcnt
a
sa "fin. Nous l'avons résumée en
quelques pagcs pour la mieux faire saisir; résu–
mons ce résumé pour en tirer les le'}ons pro–
fondes qu'il contient.
A? milieu de la France épuisée de sang, ré–
voltee du spectacle auquel elle avait assisté pen–
dant dix années, le général Bonaparte s'empara
de la dictature au
18
brumaire, et ce ne
fu
t la
quoi qu'on en dise, ni une faute ni un
attentat~
La dictature n'était pas alors une invention de
la servilité, mais une nécessité sociale. La li–
berté, pour qu'elle soit possible, exige qtie,
gouvernements, partís, individus, se laissent
tout dire avec une patie.ncc inaltérable. C'est
a
peine s'ils en sont capables lorsquc n'ayant ríen
de sérieux
a
se rcprochcr' ils n'ont
a
s'adresser
que des calomnies. Mais lorsque les hommes du
tcmps pouvaient j ustement s'accuser d'avoir tué,
spolié, trahi, pactisé avec l'ennemi extéricur,
les inrnginer en face les uns des autres, discutant
paisiblement les affaires publiques, est une pure
illusion. Ce n'est done pas d'avoir pris la dicta–
turc qu'il faut demander compte au général Bo–
naparte, mais d'en avoir usé comme
il
le
fit
de
rnoo a
180.
Lorsque en préscnce des affreux désordrcs
d'une longue révolution , son génie, sensé autant
qu'il ét.ait gránd, s'appliquait
a
réparcr les fautes
d'aulrui, il ne laissa ríen
a
désircr. 11 avait trouvé
les Fran'}ais acharnés les uns contre les autres,
et il pacifia la Vendée, rappcla les émigrés, leur
r endit meme une partie de lcurs bicns. II avait
trouvé le schisme établi et troublant toutes les
ames :
il
n'eut pas la prétentíon de le faire cesscr
avec son épée; il s'adressa rcspectueusement au
chef spirituel de l'u.nivers catholique qu'il avait
rétabli sur son lróne, le reinplit de sa raison,
l'amena
a
reconnaltre les légitimes résultats de
la Rérolution fran'}aise, obtint <le lui notamment
la consécration de la vente des biens d'Église, la
déposition de l'ancien clergé et l'institution d'un
clergé orthodoxe et nouveau, l'absolution des
pretres assermcntés ou so1·Lis des ordres, et
apres
une
négociation de. pres d'une année,
cbef-d'reuvre d'adresse autant que de paLience,
composa de toas les rapports de l'État avec
l'Église une admirable constitut.ion, la seule de
nos constitutions qui ait duré, le Concordat.
La Révolution avait commencé nos lois .civiles
sous l'inspiration des passions les plus folles; il
les reprit et les acheva sous
l'inspi~ation
du bon
sens et de l'expérience des sieclcs. Il rétaLlit les
impots néccssaires, abolís
pa~·
les complaisants
de la multitudc, organisa une comptabilité infail–
lible,
1
créa une administration active, forte et
probe. Au debors ficr, résolu, mais contenu , il
sut se servir
de
la force en y joignant la persua-