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CONCLUSION.

!)89

piter ce résultat, court en Russie, ne précipite

que sa propre fin; pourrait , apres Lutzen et

Bautzen, sauver de sa grandeur plus qu'il n'est

désirable d'en sauver, et pour n'avoir pas ac–

cepté

a

Prague cette transaction avec

Ja

fortune,

tombe pour ne plus se relever

!

Tel est le regnc

en quelques mots.

Si, pour trouvcr le vrai sens de ce spectacle

extraordinaire, nous reculons d'un pas en ar–

riere, comme oo fait devant un objet trop grand

pour etre jugé de pres, si nous remontons

a

la

Révolution frarn;aise elle-meme, alors tout s'ex–

plique, et nous voyons que c'est une des phases

de celte immense révolution, phase tragique et

prodigieuse comme les autres, et nous le recon–

naissons

a

ce caractere essentiel du regne impé–

rial : l'intempérance. De 1789

a

1800, nous

assistons au premier emportement de la Révolu–

tion fran'(aise; de

1800

a

18'14,

DOUS assistons

U

sa réaction sur elle-méme, réaction dont l'Empire

est la souveraine expression, et, dans l'un comme

daos l'autre, le .délire des passions est le trait

essentiel. La Révolution fran'(aise se lance daos

le champ des réformes sociales avec,.le ereur

plein de sentiments généreux, avce !'esprit plein

d'idées grandes et fécondes, elle rencontre des

obstacles, s'en étonne, s'en irrite, comme si le

char de l'humanité en roulant sur ceLte terre ne

devait pas

y

trouver de frotte rnent, s'emporte,

devient ivre et furieuse, verse en abondance le

saog humaio sur l'échafaud, révolte le monde,

cst elle-meme révoltée de ses propres exces, et

de ce sentiment nait un homme, grand comme

elle, comme elle voulant le bien , Je voulant ar–

demment, précipitamment, par tous les moyens,

et le bien alors c'est de Ja faire reculer elle–

meme, de lui infliger démentis sur démentis,

le'(ons sur le'(ons. Ah! quand

il

ne faut que don–

ner des

le~ons

a

la Révolution fran'(aise, Napo–

léon les lui donne admirables! 11 condamne le

régicide, la guerre civile, le schisme, la captivité

du Pape, la république universelle, la fureur de

la guerre, et rappelle les émigrés, remet le Pape

a Rome, conclut le Concordat, accorde

a

l'Eu–

rope Ja paix de Lunéville et d'Amiens. Mais le

monde n'est qu'obstaclcs, da ns quelque sens

qu'on marche, en avant ou en arriere. Au pre–

mier tort de ses adversaires, digne fils de sa

mere, intempérant comme elle, n'admettant ni

une resistance ni un délai, Je sage ConsuJ s'em–

porte, commet Je régicide

a

Vincennes, rouvre

Je sehisme, déLicnt le Pape

a

FontainebJeau, re–

tombe dans la guerre, eette fois générale et

continue,

a

la république universelle substitue

Ja monarchie universelle, et, phénomene de pas–

sion inou'i, de meme que la Révolution dont il

n'est que le continuateur, Je représentant, ou le

fils, comme on voudra l'appeler, Jaisse apres lui

d'immenses calamités, de grands principes et

une gloire éblouissante. Les calamités et la gloire

sont pour la Franee, les principes pour le monde

entier.

Si, apres l'élonnement, l'admiration, l'effroi,

qu'on éprouve devant ce spectacle, on vcut en

tirer une le'(Oll profonde, une le'(On

a

ne jamais

oublier,

il

faut se dire que, fUt-on la plus belle,

la plus généreuse des révolutions, füt-o n le plus

grand des hommes, se contenir cst le premier

devoir. Le((OD banale, dira-t-on ! Oui, banalc

dans son énoncé, mais toujours neuve,

a

voir

comment en profitent les générations en se suc–

cédant; le'(on qu'il faut répéter saos eesse, et qui

est,

a

elle seule, Je résumé de la sagesse privée

ou publique. En effet, l'élan ne manque jamaís

ni aux individus ni aux nations, surtout aux

grandes nations et aux grands individus. Ce qui

leur manque, c'est la rctenue, la raison, le gou–

vernement d'eux-memes. Pour les hommes ;

privés ou publics, ordinaires ou extraordinaires,

pour les nations, pour les révolutions surtout;

qui ne sont Je plus souvent qu'un élan irréfléchi

vers le bien, se contenir est le secret pour etre

honnete, pour etre hahile, pour etre heureux,

pour réussir en un mot. Si on ne sait se conte–

nir, e'est-a-dire se gouverner, on perd Ja cause

que dans l'exces de son amour on a voulu fairc

triompher par la violence ou la précipitation

1

Ayous toujours trois exemples mémorables sous

les yeux : la Convention a perdu Ja liberté, Na–

poléon Ja grandeur franc:aise, la maison de

Bour~

bon la légitimité, c'est-a-dire ce qu'ils étaient

spécialement chargés de faire triomphcr

!

l\lais

nous disons trop quand nous disons perdu, car

les nobles choses ne sont jamais perdues en ce

monde, elles ne sont que eompromises.

Apres avoir jugé le regne de Napoléon

il

res–

terait

a

juger l'homme Jui-meme, eomme mili–

taire, politique, administrateur, législateur, pen

seur, écrivain, et

a

Jui assigner sa place dans

cette glorieuse famill e ou l'on compte Alexandre,

Annibal, César, Charlemagnc, Frédéric Je Grand.

Mais pour que le jugement fUt complet,

il

fau–

drait que la carriere de l'homme füt terminée.

Or elle ne l'est pas

a

l'ile d'Elbe. La Providence

réservait encore

a

Napoléon dcux épreuves: elle

devait le remettre en présence des puissances de