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LIVRE CINQUANTE-TROISJEME.
sion.
E¡11
Sujsse,
il
opéra ún,e seconde pa.cification
de la Venµée, au moyen d.e l'acte de médiatioo,
qui, en changeal)t de nom, est resté Ja
cons~itu-
.
tion définitive de la Suisse.
JI
reconstilu a l'Alle–
wagne bouleve,rsée par la gucrre en inde1¡p.nisant
les prjuces dépossédés avec fos biens d'Églisc,
et
cp
rétablissanl .entr,e les coufédérés u n juste
éqrUilibre. Te111mt ainsi d'uiie main équitable et
fer.mela balance des intérets allemand s, et Ja
faisant lég,erement pcq.cher vers la Prussc sans
ré-velt(!r l'Autrjche,
il
prépara l'alliancc prus–
sienne, sc.ple possible alors, et en memc tcmps
s_uffisanle. .Apres avoir ainsi , au dedans commc
,au dehors, opéré Je -bien praticable et désirablc,
~dmiré
du mo,pd,e, ad,oré de la France,
il
ne lui
re~tait
qu'a s'cndormir au sein de celtc gioirc si
pure, et
ir
permcJtve au monde fatig ué de s'en–
dor.r:pir avcc lui.
Vain rcvc ! .cet hornme qui avait si bien jugé,
si bicn..téprimé les pa_ssions d'putrui, ne sut pas
se contenir des qh'on eut blcssé les siennes.
Des émigrés réfugiés
h
Londres l'ínsultcr ent :
l'Anglclerre les laissa dirc, parce que, d'apres ses
lois, elle ne pouvait les en cmpechcr, et de plus
elle les
écou.ta,parce qu'ils flattai cnt sa jalousic.
Quel miracle qu'il en
fUt
ainsi, et quelle r aison
de s'en étonner, de s'en irriter surtout ! :Mais ce
héros, ce sage, que
Le
monde admirai t, ne se pos–
sédai,t d 'ja plus. 11 demanda vengeance, e.t ne
l'obtenant pas au gré de sa colerc,
il
outrngea
l'ambassadeur de la Grande-Bretagne. Tandis
qu'il n'aurait fallu que patienter quelq ues jours
pour que l'Anglcterre éva,cuat .l\'Ialtc, il rompit
la· paix d'Ami.ens, .et mit ainsi Malte pour jamais
dans les m_ains britanniques. Les émigrés qui
I'avaient injurié conspirerent contre sa vie, aya nt
malheureusement des
-p~inccs
pour confidents ou
pour complices. Dans l'impuissange d'atteindre
.lrs uns et les aulres,
il
alla sur le-tt:rritoire neutre
saisir un 1prince qui peut-etre n'igoorait pas ces
complot.s, mais qui n'y avait point trempé, et
j,J
le
fit
fusiller impiloyablement. L'Europc, r évoltée
de cettc violation de ter.ritoirc, récluma ; il insulta
l'Eu;ope. Hélas
!
dans son ame bouleversée, les
passions avai.ent vaincu la raison, et les révo1 u-
- Lions de cette ame puissante devenant celles du
monde, la poli tique forte et contenue du Consulat
fit place.a la politiquc aveugle et dés.ordonnéc de
l'Empire. Ce fut la premiere des grandes fauLes du
Premier ConsuJ, et la plus décisive, car elle de–
vint
la
source de loutes les autres.
Aux prises avcc la Grande-Brelagne , le P1·e–
mier .consul voulut la saisir corps
a
corps en
traver_sant le détroit. .l\Iais pour passer la mer
avec sécurité
il
aurait fallu apaiscr le continen_t,
et il prit Genes ! Alors le. cpn tinent éclata, et la
g uerre , de maritime de;vint
continenta~e,
ce qui
n'était pas a regretter, car on lui fournit ainsi
l'occasion de battre l'Angleterre dans la per-sonne
de ses alliés, et de résoudre la question sur terre
au licu de la
résoud1:~
sur mer. Apres avoir
écrasé l'Autriche a Ulm et a Aust.e;11litz,
il
ren–
voya chez elle la Russie bat.tue et confuse, et
coqvrit de ridícule la Prusse accourue pour lui
faire la loi . .C'était le cas de revenir a la rafaon,
ét de se replacer dans la paix de Lunéville et
d'Amiens consolidée et agrandie. En ne faisant
subir
a
l'Autriche que les pertes inévitable.s, en
la dédommageant meme au besoin ; en consolant
la Prusse de ]'embarras de sa position par des
égards, par des dons qui ne la couvrissent pas
de honte, en ne demandant rien
a
la Russie que
de se lenir hors d'une querelle qui luí était
étrangere , Napoléon aurait isolé l'Angleterre,
l'aurait contrajnte de traiter aux eonditions
qu'il voulait, et
il
serait rentré .dans la politique
consulaire avec son litre impérial universelle–
~ent
reconnu, avec quclques acquisitions de
plus, inutiles sans doute, mais brillantes. l\fal–
heureusement au lieu de faire de ses triomphes
d'Ulm et d'Austerlitz ce qu'ils étaicnt, ce qu'ils
devaient etre, le moyen de vaincre l'Angleterrc
par terre ,
il
'Y
chercha l'occasion 9.e la monar–
chie universelle. Ce fut
la
seconde de ses grandes
fautes et celle qui définitivement dcvait l'enga–
ger da:ns la voie de la poli tique follement conqué–
rante. Alors on le vit coup sur coup prendre
Naples pour son frere Joseph, la Lombardic
pour son fils a<loptif Eugene, la Hollande pour
son frere Louis, destinés tous les trois
a
devenir
rois vassaux du grand empire d'Occident, briser–
l'Allemagne qu'il avait reconstituée
~l
qui _était
l'un de ses plus glorieux ouvrages, oréer une
Allemagne frarn;aisc sous le titre de Confédération
du Rhin, une Allemagne dont la Prusse et l'Au–
tr iche étaient exclues, mettre la couronne des
Césars sur .sa tete , humilier la Prusse par le
don du Hanovre ! et cepcndant,
il
était si puis–
sant
a
cclte époque, qu'il n'avait pas encore
r endu la paix impossible par ces cxces, tant on la
désira' avec luí pour ainsi dire
a
tout prix. La
Rnssie lui avait envoyé M. d'Oubril, l'Angleterre
lord Lauderdale, et elles ne demandaient d'autre
satisfaction , aprcs tant d'entreprises exorbi-
. tan tes, que la Sicile pour la maison de Bourbon,
la Sardaigne pour la maison de Savoie. Napo-