CONCLUSION.
1'58i
trois mois
il
n'y aurait plus d'Aulriche, vola
comme l'éclair
a
Paris, de Paris
a
Ratisbonne,
et avcc un tiers de vieux soldals rcstés sur le
Danubc, et deux tiers de conscrits levés
a
Ja bate ,
opéra des prodiges
a
Ratisbonne, entra cncorc
en vainqueur
a
Vienne, et contint toutes les in–
surrections allemandes pretes
a
éclater.
Pourtant
a
la maniere dont la victoire fut dis–
putée
a
EssJing d'abord ,
a
Wagram ensuite, au
frémissemcnt de l'Allemagne et de l'Europe,
Napoléon sentit quelqucs lueurs de véri té péné–
trcr dans son ame. Il comprit que Je monde avait
besoin de repos, et que s'il ne lui en donnait
pas,
il
s'cxposerait
a
un soulevement général des
peuples. 11 prit done eertaincs résolutions qui
étaient le résultat de cette sagesse passagcre. II
projeta de retirer ses troupes de l'Allcmagne (des
territoires du moins qui ne lui appartenaient
pas), afin de diminuer l'exaspération générale;
il résolut de lerminer, en y mettaut de la suite,
les affaircs d'Espagne qui offraient
a
l'Aogle–
tcrrc un prétextc et un moycn de perpétuer la
guerre ; il s'occupa de ·contraindrc cctte puis–
sance
a
céder par l'interdiction absolue du com–
merce, et systématisa dans cette vue le blocus
~ontinental.
Enfin il songea a seremarier, comme
si, en s'assurant des hériticrs, il avait assuré
l'héritagc, comme si la félicité impériale avait
du elre la
f
élicité des peuplcs !
Pourtant, si ces r ésolutions prises sous une
sage inspiralion eussent été sérieuscment exécu–
tées,
il
est possiblc que l'ordrc de choses exorbi–
tant que Napoléon prétendait établir, eut acquis
de la consistance, peut-etre meme de la durée,
du moins en lout ce qui ne contrariait pas in–
vinciblement les sentimenls et les intérets des
peuples. S'il cut réellemcnt évacué l'Allemagne,
ernployé en Espagnc des rnoyens proportionnés
a
la difficullé de l'c:euvre ' et persévéré sans
violence dans le blocus continental,
il
aurait
prohablemcnt obtenu la raix maritimc, ce qui
eut fait cesser les principales souffrances des
populations européenncs, supprimé une grave
cause de collision avec les États soumis au blocus
continental, et enfin s'il eut couronné le tout
d'un mariage qui cut été une véritable alliance,
il aurait vraisemblablement consolidé un état de
-choses cxcessif, et l'eut perpétué dans ce qu'il
n'avait pas d'absolument impossiblc. l\'Iais le ca–
raclere, les habitudes prises conduisirent bientót
Napoléon
a
des résultats diamétralement con–
traires a ses velléités passagerement pacifiques.
Ainsi, en évacuant quelques parties de l'Alle-
magne, il nccumula ses troupes de Breme a
Hambourg, de Hambourg
a
Dantzig, sous le
prétexte du blocus continental. 11 fit niieux :
pour plus de simplicité,
il
réunit
a
l'Empire la
Hollandc, Bremc, Hambourg, Lubeck, et le duché
d'Oldenbourg qui appartenait
a
la famille impé–
riale russe. En meme tcmps
iI
réunit la Toscane
et Romc
a
l'Empire. Le Pape luí avait résisté,
il
le fit enlever, conduire
a
Savone, puis
a
Fontai–
nebleau, ou il le détint respeclueusement. Il
fit
cxécuter, depuis Séville jusqu'a Dantzig, des sai–
sics dc marchandises, qui,sansojouter beaucoup
a
l'cfficacité Ju blocuscontinental ,ajoutercntcrucl–
Jcment
a
l'irritation des peuplcs contrc cesysteme.
Tandis qu'il était si :i·igoureux dans l'exécution
du blocus, surtout
a
l'égard de ccux que le blocus
n'intéressait point,
il
y
commettait lui-meme les
plus étranges infractions en pcrmeltant au com–
merce
fran~ais
de trafiquer avec l'Angleterre au
moyen des licences, ce qui donnait au systeme
un aspect intolérable, car la France semblait ne
pas vouloir endurer les peines d'un régimc ima–
giné pour elle seule. Quant
a
l'Espagnc, dont
i1
importait tant de terminer la guerre, Napoléon,
s'abusant sur la difficulté, eut le tort ou de n'y
pas envoyer des forces plus consi<lérables, ou de
n'y pas aller lui-meme, car sa présence cut
au moins permis de faire concourir les forces
existantes
a
un r ésultat décisif. La guerre d'Es–
pagne s'éternisa, aux dépens de l'armée fran–
~aise
qui s'y épuisai t,
a
la plus grande gloirc des
Anglais qui paraissaient seuls tenir le grand
Empire
en
échec. Enfin, le mariage de Napo–
léon , qui aurait pu etre comme un signa! de
paix, comme une cspérancc de repos pour l'Eu–
rope épuisée, au lieu de procurer une solide
alliance, futau conlraire une occasion de rompre
l'alliance russe, sur laquelle on avait fait reposcr
toute la politique impériale depuis Tilsit. C'était
une princesse russe que Napoléon devait épou–
ser, d'apres ce qu'on s'était promis
a
Erfurt.
l\fois
Alexandre qui,
en
se jetant dans notre al–
liance, s'y était jeté tout seul, car sa cour, sa
nation, moins mobiles et moins rusées que lui,
ne voyaient pas que s'il était inconséquent, il
gagnait
a
son inconséquence la Finlandc et la
Bessarabic , Alexandre , pour disposer de sa
sceur, avait besoin de quclques ménagements
envers sa mere, et des lors de quclques délais .
Napoléon, ne souffrant pas qu'on le
fit
atten<lre,
abandonna brusquement cette négociation
a
peine commencée, et sal}S prendre la peine de
se dégager , épousa une princcsse autrichiene.
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