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LIVRE
CINQUANTE-TROISJEl\'IE.
alors
Ja
famille d'Espagne, on pouvait compter
sa docilité cnvcrs Napoléon. Le bon Charles IV
avait pour le héros du sieclc une admiration, un
dévouement sans bornes. La nation elle-meme,
enthousiaste du Premier Consul devenu Empe–
rcur, sembluit dcmander ses conseils pour les
sui vre. Comment
a
de tclles gens r épondre par
Ja guerre? De plus
il
y
avait en Espagne un
pcuple ardent, fier, neuf, et capable d'une ré–
sistancc
irn~révue,
qui pourrait bien n'etre pas
aisée
11
domptcr. Sous l'impu issance apparente
de la cour d'Espagne se cachaient done des diffi–
cultés graves. Peut-etre en sachant attendre, on
eut trouvé la solution dans la corruption meme
de la cour d'Aranjuez. Un roí honnete, mais
d'une foiblesse, d'une incapacité extremes, et
telles qu'on les voit seulcmcnt
a
l'extinction des
races, une reine impudique, un favori effronte
déshonora nt son maitre, un mauvais fils vou–
lant profitcr de ces désordres pour hater l.'ouver–
ture de la succession, et une nation indignée
prete
a
tout pour se délivrcr de ce spectaclc
odieux, o:ffraient des chances
a
un voisin ambi–
tieux et tout-puissant . 11 était possible que la
com· d'Espagne s'abimat dans sa proprc corrup–
tion) et demandat un roi
a
Napoléon. Déja on
lui avait demandé une reine pour etre l'épouse
de Ferdinand, et ce moyen moins dircct de rat–
tacher l'Espagne au grand Empire avait été mis
a
sa disposition. Mais Napoléon ne voulait rien
d'indirect ni de différé. 11 voulait tout entiere
et tout de suite la couronne d'Espagne.
Jl
ima–
gina une séric de moyens qui aboutirent
a
une
révolte universelle.
Il avaiL déja envahi Je Portugal sous prétexte
de le fermer
a
l'Angleterre, et la famillc de Bra–
gance avait fui au Brésil. Ce fut pour lui un
trait de lumiere. 11 imagina en accumulant les
troupes sur la route de Lisbonne, avec tendance
a
prcndre la route de l\Iadrid , d'cífrayer les
Bourbons, de les faire fuir, et puis de les arre–
tcr
a
Cadix. Grace a cctte machination , la cour
d'Espagne illlait s'enfuir, et le complot réussir,
quand le peuple espagnol indigné courut
a
Aran–
juez, empecha le départ, faillit égorger Godoy,
et proclama Ferdinand VII qui accepta la cou–
ronne arrachée
a
son pere. Napoléon, dans cet
actc dénaturé, lrouvant un nouveau theme, en
place de celui que le peuplc d'Aranjuez venait
de lui cnlever, atLira le pere et le fils
a
Bayonne,
et les mit aux prises. Le pere leva sa ca one pour
battre son fils devant Napoléon, qui poussa des
cris d'indignation, prétendit qu'on lui avait
•
manqué de respect,
fit
abdiqucr le pere pour.
incapacité, le fils pour indignité, et eñ présence
de l'Europe révoltée de ce speetacle, de l'Espagne
confondue et furieusc, osa metlre la couronne
de Philippe V stir la tete
de
son frerc Joscph, et
transporta celle de Naples sur la tete faible et
ambitieuse ·du pauvre Mural. Ainsi
commcn~a
cette fatale g uerre d'Espagne, qui consuma, pen–
dant six ans enliers, les plus belles armées de la
France, et prépara aux Anglais un champ deba–
taille inexpugnable.
Cette derniere faute commise, les conséquen–
ces se précipitercnt. Napoléon avait cru que
quatre-vingt mille conscrits avec quclques offi–
ciers tirés des dépóts suffirai.ent pour mettre
a
la raison les Espagnols. Mais sous un tel climat,
en présencc d'une insurrection populaire qu'on
ne pouvait pas vaincre avec des masses habilc–
mcnt maniées, et qu'on ne pouvait soumettre
qu'avec des comLats opiniatrcs et quotidiens, ce
n'étaient pas des conscrits qu'il aurait fallu.
Baylen fut la
premi~re
punition d'une grave er–
reur militaire et d'un coupable attentat poli–
tique. Ce prernicr acte de r ésis.tance au grand
J~mpire
émut l'Europe, et rendit l'espérance
a
des crours que la Irni ne dévorai t. Napoléon, frappé
du mouvement qui s'étaít manifesté dans les
espríts depuisSéville jusqu'a KamigsLcrg, appela
son allié Alexandre
a
Erfurt pour s'entendre
avcc lui, et fut obligé alors de sortir du vague
de ses promcsses magnifiques. Il en sortit en
accordant les , provinces danubiennes. C'était
trop, mille fois trop, car c'était mettre les Russcs
aux portes de Constantinople. Alexandre, qui
avait
r«~vé
Constantinople, feiguit d'etre satis–
fait, parce qu'il voulait achever la conquétc de
la Finlande, et qu'il trouvait bon ·de prendre au
moins les bords du Danube en attendant miet,tx.
Napoléon et luí se quittcre!1t en s'embrassant, en
se promettant de devenir beaux-frercs, mais
a
moilié déscnchantés de leur menteuse alliance.
Uassuré par l'entrevuc d'Erfurt, Napoléon mena
en Espagne ses mcilleurcs armées, celles devant
lesquelles le contincnt avait succombé. C'était le
momen t attcndu par I'Aulriche et par tous les
r essentiments allemands. Alors eut licu une nou–
vclle levée deh<rucliers européenne, celle de
1809.
Napoléon, apres avoir chassé <levant Jui, mais
non dompté les Espagnols qui fuyaicnt sans cesse,
allait détruire l'armée anglaise de Moore qui ne
savait pas fui r aussi vite, quand
l'
A
utriche, en
passant l'Inn, lerappela au nord.
II
quiLla Valla–
dolid
a
franc étricr ,
Cll
promettant que dans