CONCLUSJON.
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protégeaientla Russie, commc le détroit de Calais
protégeait l'Angleterre, avaient été surmontées.
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ne restait nulle part une résistance imaginable
sur le continent. De la hauteur de sa toute-puis–
sance Napoléon pouvait relever la Prusse comme
si elle n'avait pas été vaincue, en lui rendant la
totalité de ses États moins le Hanovre consacré
a
payer la paix maritime. A ce prix il eut conquis
tous les creurs prussiens, meme celui de Ja reine,
meme eelui de Blucher, et la Prusse eut été des
lors une solide alliée, car, apres la
Ie~on
d'Iéna,
apres l'acte de générosité qui l'aurait suivie,
il
n'y avait pas une suggestion anglaise, russe ou
autrichienne qui put pénétrer dans ses oreilles ou
dans son creur. Napoléon, dans eette hypothese,
n'aurait rien demandé
a
Alexandre, si ce n'est
de souffrir pour punition de sa défaite que les
provinces danubiennes passassent
a
l'Autriche.
Celle-ci, dédommagée, eut été a demi calmée.
Enfin, s'il avait voulu pousser la sagesse au
comble, Napoléon aurait pu reconstituer l'Alle–
magne, en la confédérant autour de la Prusse et
de l'Autriche, habilement balancées l'une par
l'autre, et,.
a
défautde ce grand effort de raison, il
aurait pu, en conservant la ridicule Confédération
du Rhin, ne pas faire de nouvelles victimes parmi
les princés allemands, pardonner, par exemple,
a l'électeur de Hesse, et permettre
a
la Prusse de
confédérer l'Allemagne du Nord autour d'elle. A
cette condition Napoléon eut été le vrai maitre du
continent, et l'Angleterre, définitivement isolée,
luí eut demandé Ja paix
a
tout prix. l\Iais, nous le
reconnaissons, c'est la un reve
!
On ne s'arrete pas
au milieu de tels entrainements
!
Napoléon em–
porté au gré des événements et de ses passions,
renversant un État apres l'aut!'e, prenant, reje–
tant successivement les alliances , alla jusqu'au
bord du Niémen ramasser l'alliance russe dans
les boues de la Pologne, et revint la tete ivre
d'orgueil, d'ambition, de gloire, laissant derriere
lui la Prusse, l'Allemagne, l'Autriche désespé–
rées1 et croyant leur imposcr par l'alliance de la
Russie
a
laquelle il préparait une Pologne, et
a
Iaquelle
il
ne voulait donncr ni Constantinople,
ni meme Bucharest et Yassi
!
Si on nous demande
comment, avec un si grand génie gucrrier et
meme politique, on arrive
a
commettre de telles
J
erreurs, nous demanderons comment, avec tant
de talents et de sentiments généreux, la Révolu–
tion francaise en arriva aux folies sanguinaires
de
1795,
·et nous dirons que c'est en mcttant la
raison de coté pour se livrcr aux passions. Seu–
Jement il y aura pour Napoléon une excuse de
rnoins, car un homrncdevrait etrc plus facilea con–
tenir que la multitude. lUalbeureusement, l'exem–
ple le prouve, un homrne enlrainé par l'orgueiJ,
l'ambition, lescntimcntde la victoire, nesaitguerc
plus se dominer que la multitude elle-meme.
Au rctour de Tilsit, on joua une comédie dont
on était convenu. La Russie, la Prusse et l'Au–
triche, contraintes, s'unirent a la France pour dé–
cl11rcr
a
l'Angleterre que si elle n'écoutait pas la
voix de ses anciens alliés, et refusait la paix, on
lui ferait une guerre générale et acharnée, et
surlout une guerre commerciale par la clóturc
des porls du continent.
Et
certainement, si on
lui avait adressé une telle déclaration au nom de
la Prusse rétablie par la générosité de Napoléon,
de l'Autriche consolée par sa politique, et de la
Russie dégofttée, par des défaites répétées, de
guerroyer pour autrui,
l'
Angleterre se serait
rendue. Mais elle se rit d'une déclara tion arra–
chée aux uns par la force, aux autres par une
comhinaison éphémere, et brava fierement les
menaces de cette prétendue coalition euro–
péenne. Toutefois le blocus continental com–
men~a.
L'Angleterre avait frappé le continent
d'interdit; Napoléon a son tour frappa la mer
d'interdit, en fcrmant tous
les
porls européens,
soit
a
l'Angleterre, soit. a ceux qui se seraient
soumis a ses lois maritimes. De tout ce qu'il
avait imaginé dans cette campagne, c'était ce
qu'il y avait de plus sérieux et de plus cffieace.
Cet interdit maintenu quelques années, l'An–
gleterre aurait été probablement amenée
a
céder. Malheureusement le blocas continental
devait ajouter a l'exaspération des peuples obli–
gés de se plier aux exigences de notre politique ,
et Napoléon allait lui-meme préparer
a
l'An–
gleterre un immmense dédommagement en lui
livrant les colonies espagnoles.
L'une des causes qui avaient précipité la réso–
lution de Napoléon
a
Tilsit, c'était l'Espagne. Le
tróne de Philippe V était resté aux Bourbons.
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était naturel que, dans l'élan de son ambition,
Napoléon songeat
a
se l'approprier. C'était le
plus beau des lrones, apres cclui de France, a
faire entrer dans les mains des Bonaparte, et le
complément le plus indiqué de l'empire d'Occi–
dent. Ce grand empire, suzerain de Naples, de
l'Italie, de la Suisse, de l'Allemagne, <le la Hol–
lande, devenant encore suzerain de l'Espagne,
n'avait plus rien a désircr que la soumission des
peuples
a
ce gigantesque édifice. Mais le prétexte
pour une tclle annexion n'était pas facile
a
trou–
ver. Au nombre des bassesses qui déshonoraient
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