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574

LIVRE

CIN~UANTE-TROISIEME .

ennemi bondit sur un' autre, courut en q1uel'ques

jours de Boulogne

a

Ulm, d'Ulm

a

Ansferlitiz,

accabla l'Autri'che et

fa

Russie, puis·vi·t la Prusse,

qui allait se joindre

a

l'Europe,. tcnn;ber trem–

blante

a

ses pieds, et <lemander· grace au vain–

queur de la coafüion

!

A partir de ce moment,

fa

guerre

al'

Angleterre

s'était convertie en guerre au continent, et ce

n'était certainement pas un malheur, si on savait

se conduire politiquement aussi bien que mili–

tairement. Les 1missances du contioént, en pre–

nan

t

les a·rmes pour

l'

Angleterre, nous fournis–

saient un champ de bataille qui nous manquait,

un champ de bataille ou nous trouvions Ulm et

Austerlitz au lieu de Trafalgar. Il n'y avait done

pas

¡l

se plaindre. Mais apres les avoir biea bat–

tues et convaincues de l'inanité de leurs efforts,

il follait se comporter a leur égard de maniere

qu'elles ne fussent pas tentées de recommencer;

il

fallait punir l'Autriche sans la désespérer, la

consoler meme de ses grands ma1heurs, si on

pouvait lui procurer un dédommagement; i1l

follait laisser la Russie a sa confusion,

a

l'im–

puissance résultant des distances, sans luí rien

demandcr ni lui rien accorder, et quant

a

la

Prusse enfin, il fallait ne pas trop abuser de ses

fautes, ne pas trop se raillcr de sa médiation

manquée;

il

fallait lui montrer le dangcr de cé–

der aux passions des coteries, se l'attacher dé–

finitivement en luí donnant quelques-unes des

dépouilles opimes de la victoirc, et puis revenir

avec nos forces victorieuses vcrs l'Angleterre,

privée désormais d'alliés, effrayée de son isole–

ment, assaillie de nos corsaires, menacée d'une

expédition formidable. La raison dit, et les faits

prouvent qu'elle n'eut pas attendu qu'on eut

traité avec ses alliés battus, pour traiter elle–

meme. On aurait eu la paix d'A:miens, agrandie.

Apres Ulm et Austerlitz, Napoléon se trouvait

daos une position unique pour réaliser en Eu–

rope cette sage et profonde politique qui aurait

eonsisté a séparer le continent de l'Angleterre,

et

a

foreer ainsi cette derniere

a

la paix. L'Au–

triche, habituée

a

lutter einq ans, trois ans au

moins contre nous, se voyant en dcux mois en–

valiie jusqu'a Vienne et jusqu'a Brunn, perdant

en un jour des armées entieres, réduites a poser

les armes comme celle de Mack, n'avait plus au–

cune idée de nous résister, a rnoins toutefois

qu'on ne la poussat au dernier degré du déses–

poir. Le jeune cmpereur de Russie qui, a la tete

des soldats de Souvarof, avait cru pouvoir jouer

un role important et n'en avait joué qu'un fort

humiliaint, était tombé dans un ába,fltement ex–

t11eme. La Prusse qui, avec les

200

mille solda

1

ts

du grand Frédéríc, était venúe

a

Vienne pour

di·cter la loi, et n0us trouvait en mesure de la

dicter a tout le mon'de, était a la fois tremblante

et presq\Je ridicule. Qu'il eut été facile, séant,

habile, d'etve généreux envers de tels ennemis

!

Sans doute on ne pouvait pas faire une amie

de l'Aut11iche, et nous a-v.ons dit pourquoi; mais

en renorn;ant

a

en faire

ª'

cette époque l'alliée

de la France,

il

ne fallait pas ajouter inutilement

a ses ehagrins, et les conveutir en haine impla..

cable. En dédommagement des Pays-Bas, de la

Souabe, du Milanais, dre la clientele des États

ecclésiastiques qu'elle avait perdus, on luí avait

donné les États vénitiens. Les lui retirer était

dur. Pourtant comme la guerre ne peut ctre un

jeu qui ne coute rien

a

ccux qui la suseitent, on

con<;oit qu'on lui reprit les États vénitiens, bien

que le m:otif d'affranchir l'Italie ne pút etre lil–

légué décemment, depuis que nous avions pris

le Piémont, et converti la Lombardie en apa–

nage de la famiU'e Bonaparte. Mais en ótant Ve–

nise

a

l'

Autriche, lui óter encore Trieste, lui

óter l'IUyFie, comme le

fit

alors Napoléon, l'ui

enlever tout débouché vers lamer, la réduire

ainsi

a

étouff~r

au sein de son territ0ire conti–

nental, était une rigueur saos profit véritable

pour nous, et qu1i ne pouvait que la désespérer.

Ne pas meme s'cn teni,r la, lui ravir de plus le

Tyrol, le Vorarlberg, les restes de la Souabé,

pour enrichir la Baviere, le Wurtemberg, Ba–

dea, petits et faux alliés qlUi devaient nous ex–

ploiter pour nous trahir, c'était la rendre impla–

cable. A traiter les gens ai.nsi, il faut les tuer, et

quand on ne peut pas les tuer, c'est se préparer

des ennemis, qui', a· la· premicre occasion, vous

égorgent par derrie1•e, et qui en ont le droit.

Oter a l'Autriche les Etats vénitiens, seule

consolation de toutes ses pcrtes, était dur, d1i–

soris-nous, et cependant résultait présque inévi–

tablement de Ja t11oisiemc coalition. La bonne

politique eut eonsisté a lui trouver un dédom–

magement de cette inévitiable rigueur.

11

y

en

avait un facile alors,

a

la maniere dont on trai–

tait le monde, c'était de la pousser a l'orient et'

de Jui donner le,s..provinces du Danube. Le sort

de l'Europe dans cecas eut été changé, car l'Au–

triche assise sur le Danube, son véritable siége,

eut acquis plus qu

1

elle n'avait perdu, eut

a

ja–

mais couvert Constantinople, ellt a jamais été

brouillée avec la Russie. Le procédé eut été

die~

tatorial sans doute, mais puisqu'on devait un peu