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LIVRE CINQUANTE-'rROISIEME.

chargea de surmonte1' la difficulté physique qui

nous sépare de notre éLernelle rivale. Le jeune

Bonaparte, nommé général de l'armée de l'Océan,

ne trouvant pas suffisants les apprels qu'on avait

faits pour franchir le Pas-de-Calais, et dominé

par sa puissante irnagination, voulut altaquer

l'Anglelerre en Orient. ll

fit

décider l'expédition

d'Égypte,franchit, sous les ycux memes deNclson,

la Méditerranée avec cinq cents voiles, prit .Malte,

en passant, desccndit au pied de la colonne de

Pompée, vainquit les mameluks aux Pyramides,

les janissaires a Aboukir, ·et devenu maitre de

l'Égypte, se livra pendant quelques mois

a

des

reves merveilleux qui embrassaient a la fois

l'Orient et l'Occident. Tout

a

coup, en apprenant

que, par sa nature anarchique, le Direcboire s'était

attiré de nouveau la guerre, et que, grace

a

son

incapacité, il la faisait mal, le général Bonaparte

abandonna l'Égyptc, traversa la mer une seconde

fois, et, pae sa subite apparition, surprit, ravit

la Francc désolée.

JI

n'avait pas été plus prompt

a

désirer Je pouvoir que la France

a

le luí offrir,

car

a

le voir dirigcr la guerre, administrcr les

provinces conquises, manier en un mot toutes

choses, elle avait reconnu en lui un chef d'cm–

pire autant qu'un grand capitaine. Devcnu Pre–

micr Consul, il signa dans l'cspace de deux ans

la paix du conLinent

a

Lunéville, la paix des mers

a

Amiens, pacifia la Vendée, réconcilia l'Église

avec la Révolution frarn;aisc, releva les autels,

rétablit le calme en France et en Europe, et

fit

rcspirer le monde fabigué de douze ans d'agita–

tions sanglantes. En récompcnse de tant de pro–

diges, revetu en

1802

du pouvoir pour la duréc

de sa vie,

il

travaillait, au milieu de l'admiration

universelle,

a

r econstituer la France et l'Europe

!

Qui pouvait empechcr un tel homme de de–

meurer en repos, et de jouÍI' paisiblement du

bonheur qu'il avait procuré aux autres et

a

Iui–

méme? Quelques esprits pénétrants, en voyant

son activité dévorante, éprouvaient une sorte de

terreur involontaire, mais la .génération de cette

époque se livrait

a

luí en toute confiance, et,

en eífet,

a

entendre ce jeune homme,

i1

était

difficile de.mettre en doute sa profonde sagessc.

11 ne rcssortait pas des événements de cette ter–

rible Révolution fran<;aise un seul enseignemcnt

qui n'eut profondément pénétré dans son esprit,

et n'y eut jeté une abondante lumiere. Il ne

parlait du régicide et de l'efiusion du sang hu–

main qu'avec hori:'eur. Il jugeait extravagantes

et odieuses les fureurs des partís, et avait voulu

y mettre un terme en pa :fiant la Vendée et en

rappelant les émigrés. Il trouvait la prétention

de la llévolution 'fran<;aise, de réglcr

a

elle seule

les affaircs de religion sans tenir aucun compte

de I'autorité pontificale, tyranniquc pour les

conscienees, dangereuse pour l'État, et apres

s'etre entendu avee le Pape,

il

avait rouvert les

églises, et assisté

a

la messe en présence des

révolutionnaires courroucés. Il avait horreur du

désordre financier, du papier-monnaie, de la

banqueroute, et traitait avee mépris ces flatteurs

de la populace qui avaient abolí les impóts indi–

rects. En outre, la guerre qui était son art, sa

gloire, sa puissancc, il s'était attaché

a

la decrier

dans des diatribes éloquentes contre M. Pitt,

insérées au

Mom'teur,

et disait qu'il voudrait

biea qu'on envoyat .M. Pitt et ses adhérents

bivaquer sur des champs de bataille ensan–

glantés, ou croiser jour et nuit au milieu des

tempetes de l'Océan, pour leur enseignerce que

c'était que la guerre. Enfin,

il

n'avait pas assez

de raillerie pour les invenleurs de la République

universelle, qui voulaient somnettre l'Europe

a

une seule puissance, et prétendaient de plus la

constituer sur un type imaginaire tiré de leur

cerveau

!

Qui done avait quelque chose

a

ensei–

gner

a

ce jeune homme que la Révolution fran–

<;aise avait si bien instruit? Hélas

!

il était si

sage, si bien pensant, quand il s'agissait de

juger les passions des autres; mais quand il s'agi–

rait de résister aux siennes, qu'aviendrait-il?

Pour le moment le jeune Gousul n'avait ricn

a

désirer, et ne laissait rien

a

désirer au monde.

Son pouvoir était sans limites, en vertu non–

seulement des lois, mais de l'adhésion univer–

selle. Ce pouvoir, il l'avait pour la vie, ce qui

était bien suffisant pour un mari sans enfants,

et il avait la faculté de choisir son suecesseur,

ce qui lui permettait de rég·ler l'avenir selon

l'intéret .public et selon ses propres aíiections.

Quant

a

la France, elle avait, grace

a

la Révolu–

tion et

a

lui, une position qu'elle n'avait jamais

eue dans le monde, qu'elle ne devait point

avoir, meme quand elle cominanderait de Cadix

a

Lubeck. Elle avait pour frontieres les Alpes,

le Rhin, l'Escaut, c'est-a-dire tout ce qu'elle

pouvait souhaiter pour sa sureté et pour sa puis–

sance, car au dela

il

n'y avait que des acquisi–

tions conlre la nature et contre la vraie politique.

Elle avait affranchi l'Italie jusqu'a l'Adige, en

ayant soin de donner aux princes autrichiens,

autrefois apanagés dans ce pays, des dédomma–

gements en Allemagne. Reconnaissant la néces–

sité de l'autorité pontificale d'apres le dosme, sa