PREMIERE ABDICATION. -
AVRIL
-1814.
occuper de son fils, et lui préparer un doux et
paisible avenir; que les plus favorisées des bran–
ches de la maison impériale élaient rarement
traitées aussi bien; que, lorsque ce terrible
orage serait passé, si elle voulait visiter son
époux, et meme vivre avec luí, elle en aurait la
liberté, mais
qu'actuell~ment,
le plus sage était
d'aller se reposer
a
Vienne des émotions qui
l'avaient si profondémen't agitée; qu'elle y serait
entourée des soins de sa famille
j
usqu'a ce qu'elle
put se rendre soit a Parme, soit meme a l'ile
d'Elbe; mais qu'actuellement,
il
serait pénible,
inconvenantde chercher
a
se réuuir
a
Napoléon,
pour traverser la France en prisonniere; qu'elle
serait pour lui un embarras plutót qu'un secours;
que la vie'
la
sureté de l'empereur vaincu . et
désarmé étaient un dépót confié
a
l'honneur des
monarques alliés ; qu'elle devait done etre tran–
quille
a
ce sujet, et suivre le conseil de venir
passer les premiers instants de cette séparation
au milieu des embrassements de sa famille et
des souvenirs de son enfance.
l\1arie-Loqise, trouvant commode pour sa fai–
blesse ce qu'on lui proposait du reste avcc les
formes les plus affectueuses, adhéra aux désirs
de son pere, et consentit
a
se diriger sur Vienne,
tandis que Napoléon s'acheminerait vers l'ile
d'Elbe. Elle chargea M. de Caulaincourt d'assu–
rer Napoléon de son affection, de sa constance,
de son désir de le rejoindre le plus tót possible,
et de sa résolution de luí amener son fils, dont
elle promettait de prendre, et dont elle prenait
en e.ffet le plus grand soin.
Quant aux freres de Napoléon,
a
ses sreurs,
a
sa mere, ils se dispe1·serent tous apres le départ
de Maric-Louise,et chercherent
a
gagner au plus
vite les frontieres de Suisse et d'ltalie, pour s'y
soustraire aux avanies dont ils étaient·menacés.
Quant au:x: divers ministres et agents du gouver·
nement impérial qui avaient accompagné la ré–
genle
a
Blois, ils se dispersérent également, et
la plupart pour venir a París adhérer aux acles
du Sénat.
Tel fut le sort de tout ce qui appartenait
a
Napoléon durant ces derniers jours. En atten–
dant il était
a
Fontainebleau, parfaitement rési–
gné aux rigueurs du destin, impatient de voir
les préparatifs de·son voyage terminés, et d'etre
cnfin rendu dans le lieu ou
il
allait gouter un
genrc de repos dont
i1
ne pouvait pressentir
encore ni la nature, ni la durée . Chaquc jour il
voyait la solitude s'accroitre aulour de lui. Il
trouvait tout simple qu'on le quittat, car ces
militaires qui l'avaient suivi parlout, le dernier
jour excepté, devaient etre pressés de se rallier
aux Bourbons, pour conserver des positions qui
étaient le juste prix des travaux de leur vie. 11
aurait voulu seulement qu'ils y missent u.n peu
plus de franchise, et, pour les y encourager, il
leur adressait le plus noble langage.-Servez les
Bourbons, leur disait-il, servez-les bien ;
il
ne
vous reste pas d'autre conduite
a
tenir. S'ils se
comportcnt avec sagesse, la France sous leur
autorité peut etre heureuse et rcspectée. J'ai
résisté
a
M.
de Caulaincourt dans ses vives
instances pour me faire accepter la paix de Cba–
tillon. J'avais raison. Pour moi ces conditions
étaient humiliantes; el!es ne le sont pas pour
les Bourbons. Ils retrouvent la France qu'ils
avaient laissée, et peuvent l'accepter avec dignité.
Telle quelle, la France sera encore bien puis–
sante, et quoique géographiquement un peu
moindre , elle demeurera moralement aussi
grande par son courage, son génie, ses arts,
l'influence de son esprit sur le monde. Si son
territoire est amoindri, sa gloire ne l'est pas.
Le souvenir de nos vietoires luí restera comme
une grandeur impérissable, et :qui pesera d'un
poids immense dans les conseils de l'Europe.
Servez-la done sous les princes que ramene en
ce moment la fortune variable des révolutions,
servez-la sous eux comme vous avez fait sous moi.
Ne leur rendez pas la tache trop difficile,
et
quittez-moi, en me gardant seulement un sou–
venir. -
Tel est le résumé du langage qu'il tenait tous
les jours dans la solitude croissante de Fontai–
nebleau. On a vu comment Ney et l\facdonald
s'étaient séparés de lui. Oudinot, Lcfebvre,
Moncey l'avaient quitté, chacun
a
sa maniere.
Berthier s'était retiré aussi, mais en quelque
sorte par un ordre de son maitre. Napoléon lui
avait confié le commandement de l'armée pour
qu'il le transmit au gouvernement provisoire, et
qua pendant cette transmission
il
put confirmer
les grades qui étaient le prix du sang versé dans
la derniere campagne. Berthier avait promis de
revenir; Napoléon l'attendait, et cu voyant les
heu1;es,les jours s'écouler sans qu'il reparut, dés–
espérait de le voir, et en souffrait sansse plaindre.
Au lieu de l'arrivée de .Bert1ier, c'était chaque
jour un nouveau départdequelqueofficierdehaut
grade. L'un quittait Fontainebleau pour raison
de santé, l'autre pour raison de famille ou d'af–
fáires ; tous promcttaient de reparaitre bienlót,
aucun n'y songeait. apoléon feignait d'entrer