PREl\JIERE
ABDICATION. -
AVRIL
1814.
. p1·et·a adhérer aux actes rlu Sénat; et comme, de
• . plus, ils Iui avaient dit que la cocarde blanche
avaif été prise a Paris, le maréchal Jourdan
·n'attachant d'importance qu'a l'acte essentiel ,
celui du rappel des Bo11rbons avec une consti–
tution libérale, avait fait une adresse aux troupes
pour leur annoncer · la nouveUe révolution, les
inviter a s'y rallier, et leur prescrire la cocarde
blanche.
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leur avait meme donné l'exemple en
la prenant lui-meme. N'ayant affaire qu'a des
détachemcnts épars , a des dépots sans con–
sistance, le marécbal n'avait rencontré aucune
résistance. La cocarde blanche avait été ucceptée
par .les troupes, et on était venu en donner Ja
nouveUe
a
Paris comme une circonstance déter–
minantc, de maniere qu'on avait pris cettc co–
cardc a Rouen en eroyant sui vre l'cxemple de
París, et on allait la prendre
a
Paris en croyant
suivre l'exemple de Rouen. Considérant ainsi la
question comme résolue, on avait, par une déci–
sion du 9, ordonné
a
la garde nationale pari–
sienne d'arborer la cocardeblanche, bien qu'elle
y cut répugné d'abord. Sur ce point la difficulté
se trouvait
a
peu pres surmontée, du moins pour
la garde parisienne, et
1\1.
le comte d'Artois
~-
devant porter l'uniforme de cette garde, qui
était trfoolore, on se flattait d'avoir opéré une
sorte de transaction entre les deux drapeaux.
11
fut done admis que M. le cornte d'Artois entre–
rait ayant la cocarde blanche
a
son chapeau , et
sur sa personne !'uniforme tricolore de garde
national.
Quant a la constitution, l'arrangement était
plus difficile. MM. de Talleyrand, de Jaucourt,
de Dalberg, membres du gouvernement provi–
soire, discutaient la question avcc M. de Vi–
trolle~,
et ne savaient plus
a
qucl expédient
recourir pour résoudre Ja dHficulté. Sur ces cn–
trefaites, quelques allants et venants s'étant in–
troduits chez M. de Talleyrand, on les admit a
la consultation, et on chercha comment on pour–
rait saisir M. le comte d'Artoii. de la lieutenance
générale du royaume, sans violer les décisions
du Sénat, et sans faire contracter
a
l\f.
le comte
d'Artois un engagement dont il n'avait pas le
gout, et qu'il n'était pas :rntorjsé
a
prendre,
n'ayant pas cu le temps de consulter Louis XVIII.
Un cxpédient se présenta , c'étaitde faire donner
par M. de Talleyrand sa démission de président
du gouvernement provisoire, et de transmettre
cette présidence
a
M. le comte d'Artois. Mais,
meme dans ce cas, il fallait l'intervention du
Sénat, et, pour l'obtenir, on ne pouvait se dis-
CONSULAT.
ti.
pcnser de se lier de quelque maniere envers ce
corps. Importuné de pareilles difficultés,
1\1.
de
Talleyrand <lit
a
M. de Vitrolles: Entrez d'abord,
et nous verrons ensuite...- Ainsi, selon sa cou–
tumc, il s'en fiait aux choses da soin de s'arran–
ger elles-memes, si on ne savait pas les arranger .
de sa propre main.
M. de Vitrolles retourna, le
11
au soir, au
cl~a
teau de Livry, apres etre convenu que le lende–
main ,
12
avril, M. le comte d'Artois ferait son
entrée dans Paris. M. de Talleyrand qui avait
sous la main M. Ouvrard, sortant
a
peine des
prisons impériales et toujours renommé pour
son luxe, le chargea d'aller
a
Livry faire tous
les préparatifs de la réception . On envoya aussi
a
Livry la garde nationale
a
cheval, et six C<mts
hommes
a
pied de cette meme garde, pour ser–
vir d'escorte d'honneur au prince. Celui-ci ,
rayonnant de joie, les accueillit avec une cor–
dialité qui les toucha beaucoup, et comme s'il
eut voulu corriger l'effet de Ja cocarde blanche
plncéo
a
son chapeau,
il
leur dit qu'il s'était pro·
curé
a
Nancy un uniforme pareil au leur, et qu'il
entrerait le lendemain dans Paris avec le meme
habit qu'eux, eomme avec les memes sentiments.
Des acclamations répondirent
a
ces gracieuses
paroles, et pour le moment gens d'autrefois,
gens d'aujourd'hui, parurentdu meilleur accord.
Le lendemain
12,
une afiluence considérable
s'était formée des le matin sur la route et dans
les rucs aboutissant a la barriere de Bondy. Les
hommes qui étaient nés royalistes, ceux que la
révolution avait faits tels, et le nombre de ces
derniers était grand, avaient pris les devants
afin d'assister
a
un spectaclc bien irnprév u pour
eux, car apres l'échafaud de Louis XVI, apres
les victoires de Napoléon, qui aurait jamais cru
que Paris s'ouvrirait encore pour recevoir les
Bourbons en triomphe? Pourtant, avec un peu
de réflexion, on aurait pu le prédire, car il fauL
compter sur de brusques et violcnts retours, des
qu'on dépasse le but raisonnable et honnete des
révolutíons. Mais qui est-ce qui réfléchit, surtout
parmi les masses? A ceLte époque, tant de gens
avaient perd u leurs µeres, leurs f.reres , leurs
enfants sur l'échafaud ou sur les ehamps de ba–
taille; tant de gens avaient eu leur famille dis–
persée, leur patrimoine envahi, que Ieur émotion
était profonde
a
la'seule idée de revoir un prince
qui était pour eux la vivante image d'un temps
ou ils avaient été jeunes, ou ils croyaient avoir
été beureux, et dont ils avaient oublié les vices.
Aussi, dans l'attente de la prochaine apparition
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