PREMIERE :ADDICATION. -
AVIUL
i8t4.
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Na·poléon suivait, ayan:t daos la sienne le ·gé–
néral ·Bertrand; les commissaires aes puissances
venaient ensuite. Pendant les premicrs relais,
des détachements
a
cheval de la garde accompa–
gnerent le co.rMge. Plus loiFl, les détachrements
manquan't on
marc~a
saos escorte. Dans la partie,
de la Fraaoe qu'eu .traversait, et jusqulal!l milieu
du Bourbonnais, Napoléon fut accueilli •par les
acclamatioms dl!l p.euple, qui, tout en maudissant
la conscríption et les d.roits ré1mis, voyait en lui
le héros malhenreux ·et le vaHJant défenSeuir du
sol national. Tandis
~·ue
la fouie entourait sa
voiture en criant :
Vive
l'
empereur
!
eHe faisait
entenBre autourde celle des cornmissaires lecri:
Á
bas les
élra;nger.s
!
Plusieurs
fois
NapoiJéon
s'excusa aupres d'cux de manHestations qu'il ne
dépendait pas de lui d'empecher, mais qui prou –
va·ient ccpendant qu'il n'était pas dans toute la
Franoe aussi impopulaire qu'on avait voulu le
diire. En général :il s'entretcnait librement et
doucement avcc les fonctionnaiircs qu'il rencon–
trait sur la reute, ·rocevait Jeurs ·adicux, et leur
faisait
les
siens, avec une ·parfaiite tranquillité
d'esprit.
llientot le voyage devint plus péníble. Aux en–
virons de Moulins, les eris de
'f/ive
l'em:pereur
!
cesserent, et ceu:x de
Vive le roi! Vivent les
Bourbons
!
se firent entendre. Entre Moulins et
Lyon, le peuple ne montra que de la curiosité,
saos
y
ajouter aucun témoignage significatif. A
Lyon, Napoléon avait toujours compté beaucoup
de partisans, sensibles
a
ce qu'il avait fait pour
leur ville et pour leur industrie; néanmoins
il
y
avait aussi une portion de la population qui pro–
fessai t des sentimcnls entierement contraires.
Afio d'éviter toute manifcstation , on traversa
Lyon pendant la nuit. Pourtant quelques cris de
Vive l'empereur
!
accueillirent le cortége im–
périal. Mais ce furent les dcrnjers. En traversant
Valence, Napoléon rencontra le maréchal Augc–
reau qui venait de puhlier une proclamation in–
digne, rédigée, dit-on, par le duc d'Otrante, et
se terminant par ces mots : " Soldats, vous eles
" déliés de vos serments; vous l'etes par la na–
«
tion en qui réside la souveraineté; vous l'etes
" encore, s'il était nécessairc, par l'abdication
" meme d'un homme qui, apres avoir immolé
u
des millions de victimes
a
sa cruelle ambitiori,
«
n'a pas su niourir
en
soldat.
,,
Le pauvre Au–
gereau l'avait su encore moins, et ne s'était pas
exposé
a
mourir sur la Saóne et le Rhone, ou il
avait contribué, par sa faiblesse et son ineptie,
a
ruiner les a:ffaires de la France. Napoléon qui ne
cenna•issait pas sa prociam ation, mais qui con–
naissa~'t
sa triste campagne, ne lui fit cependant
aucl!ln reproche, l'accueillit avec une familiarité
indulg-ente, et l'cmbrassa meme en le quittant.
En
a'Varn;ant vers le Midi , les cris de
Vive
le roi
!
se multi1p1ierent, et hientot s'y ajouterent ceax–
ci :
A
bas le
tyran
!
A rnort le tyran
!
-
A
Ora•nge,
1
notamment, ces cris furent proférés avec
·Violence. A Avignon, Ja population amcutée de–
mandait avec emportement qu'on lui livrat
le
Corse
pour le mettrc en pieoes et Ie précipiter
clans le Rhónc. Tanclis qu'on traitait de
la
sorte
J.e génie, coupablie •mais glorieux, dans lequel
s'étaient longbemps personnifiées la prospérirté et
l•a granaeur de la France, on criait :
Vivent les
af.liés
!
autoor de la
voi~ure
des commissaf.res.
Du reste
~ctte
faveur pour l'étranger était hcu–
reuse en ce moment, car saos la popularité ilont
jouissaient les représentants des puissances , Na–
poléon égorgé eet devaneé dans les eaux du
-Rhóne
~'infortuné
maréchal Brune. U fallut en
eífet tous tles efforls des commissaires, des auto–
rités, de
ia
gendarmerie, pour empccher un hor–
rible forfait. A Orgon, on annon<;ait un nom–
breux rassemblement de peuple, et des scenes
plus violentes encore. Ces populations ardentes,
exaspérées par
fa
conscription , par les droits
réunis, et par une longue privation de tout com–
merce, étaient royalistes en
1814,
comme elles
avaient été terroristes en
i
795, et n'avaient he–
soin que d'une occasion pour se montrer aussi
sanguinaires. Les commissaires, chargés d'une
immense responsahlité, ne virent d'autre moyen
d'échapper au péril que de faire prendre
a
Na–
µoléon un déguisement, et on l'obligea de re–
vetir un uniforme étrangcr, afio qu'il parut etre
un des officiers composant le cortége . Cette hu–
miliation, la plus douloureuse qu'il eut encore
subie , avait été, on s'en souvient, présente
a
son
esprit lorsqu'il avait avalé le poison préparé par
le docteur Yvan; et pourtant, toute douloureuse
qu'elle était, on put bientot reconnaitre
a
que!
point elle était nécessaire. Lorsqu'on eut atteint
la pctite ville d'Orgon, le peuple armé d'une
potence., se présenta en demandant le tyran, et
se jeta sur la voiture impériale pour l'ouvrir de
force. Elle ne contenait que le général Bertrand,
qui peut-etre eut payé de sa vie la fureur excitée
contre son maitre, si
l\f.
de Schouvaloíf se jetant
a
has de sa voiture, et comme tous les Russes
parlant tres-bien le fran<;ais, n'eut cherché
a
ré–
veiller chez ces furieux les sentiments que devait
inspirer un vaincu, un prisonnier. Au surplus