PREMIERE ABDICATION. -
A.VRIL
1814.
!S65
menteUes :
Domine, salvum
f
aG
regem Ludo–
vicum,
et le comte d'Artois·, qui Jie les aváit pas
entendues depuis que son auguste
frer-e
avait
porté la tete sur l'échafaud, ne put retenir ses
pleurs.
La cérémonie terminée, M. le comte d'Art0is
fut conduit aux"Tuileries, au milieu de la meme
afiluence et d'acclamations toujours plus signi–
ficatives. A la porte du palais de ses peres, il
fallut le soutenir, tant était forte son ém 1otion ,
et les assistants, les larmes au'X yeux, firent
ret.entir l'air des cris de
Vive le roi
!
Monté au
premier étage du palais,
il
remercia ceux qai
l'avaient accompagné, et les maréchaux en par–
ticulier, qui durent alors se retirer. Ces derniers,
en quittant les Tuileries et en laissant le prince
au milieu des grands personnages de l'émigra–
tion, sentirent déja qu'ils seraient étrangers
d·ans cette cour, au rétablissement de laqu'elle
ils venaient de participer, et un regard de dé–
fiance et de regret indiqua ce pénible sentiment
sur leur visage
1 •
L'impression causée par cette journée dans la
capitale avait été des plus vives. Le prince, par
sa bonne grace, son émotion sincere, l'a-propos
de son langage,
y
avait contriDué sans doute ;
mais elle était due surtout aux grands souvenirs
du passé, si puissamrnent réveillés en cette occa–
sion.
11
semblait que la nation et l'ancienBc
royauté s'a·dressassent ces paroles
=
Nous avons
cherché le bonheur les uns sans les autres, nous
n'avons marché qu'a travers le sang et les ruines,
réconcilions-nous, et soyons heureux en nous
faisant des concessions réciproques. - Certai–
nement on ne se le disait pas avec cette clarté,
mais on le sentait confusément et profondément,
et si les souvenirs qui en ce moment remuaient
fortement les ames et les rapprochaient, ne
venaient pas bientót les éloigner apres les avoir
réunies, la France pouvait etre heureuse en
jouissant, &ous ses anciens rois, d'une paisible
liberté. Mais que de sagesse ii eut fallu
a
ttms
pour qu'il en füt ainsi
!
Cependant il était per–
mis de l'espérer, et l'on était fonM
a
croire que
Ja grande victime de Fontainebleau, immolée
par sa faute au bonheur public, suffirait pour
l'assurer.
Les Tuileries resterent ouvertes le lendemain,,
et quiconque se présentait avec un nom, peu
ou point qualifié, s'il pouvait rappeler qu'en
telle ou telle circonstance
il
avait vu les· princes,
' C'est le propre récit tle
·~1.
de Vitrolles.
avait souffert avec eux: ou pour eux, était ac–
cueilli', et sentait sa mafü affectueuscment serrée
pa11
l\'I.
le c0mte d'Artois. En un instant on ré–
pétait' dans t.out Paris les paroles sorties de la
bouche du prínce, et la flatterie, prompte
a
aide11 le sentiment, comparait sa personne
~ra
cieuse etí affable
a
la personne brusque et dúre
de l'asurpa1teur déchu. On n'entendait, on ne
lisait que de pe:vpétuelles compa1
1
aisons entre
la
tyrannie ombrage1lse, défiante, souvent cruelle
du soh!lat EJa·rvcnu, et I'autorité·paternelle, doucc
et confiMrte des anciens princes légitimes. On
faisait sur ce theme millc jeux. d'csprit plus ou
moins justes. - Nous avons eu assez de gloire,
d·isaü
l\f.
de Talleyrand
a
M. le comte d'Artois,
apportez-nous l'honneur. - Le génie était
autant en discrédit que la gloi1re. Ces mots de
génie et de gloire, si fastidieusement répétés
depuis qufozc ans, avaient fait place
a
d'autres
dans le voeabulaire des flatte1:1rs, et on n'enten–
dait parler que du droit, de la légitimité, de l'an–
tíque sagesse. Ainsí, chaque époque a son lan–
gage en vogue qu'il faut lui concéder, sans
y
attacher plus d'importance qu'il ne convient.
Les Bourbons étánt rentrés aux Tnileries,
il
ne restait plus q,u'a emporter hors de France, et
dans la retraite qui lui étaít destinée, le !ion
vaincu et enfermé
a
Fontainebleau. M. de
Caú–
laincourt aYait reitu míssion de régler avec les
souve1·ains étrangers les détai1ls du yoyage de
Napoléon a travers la France, voyage difficile
a
cause des provinces méridionales par lesquelles
il
fallait passer.
11
avait été convenu que chacune
des grandes puissances belligérantes, la Russie,
la Prusse, l'Autriche, l'Angleterre, enverrait un
commissaire chargé de la représenter aupres d·e
Napoléon, et d'assu11er l'e respect de s::t personne
et l'exécution du traité du
t t
avril. En désignant
M. de Schou1valoff comme son commissaire,
A1lexandre luí avait dit en présence de l\L de
Caulaineourt
=
Votre tete me répond de celle de
Napoléon, car il
y
va de notre honneur, et c'est
le premier de nos devoirs de le faire respecter
et arriver sain et sauf
a
1'ile d'Elbe. - Ce mo–
narque nvait en meme temps expédié un de ses
officiers aupres de Marie-Louise, pour qu'elle ne
füt inquiétée ni par les Cosaques, ni par les
fu–
rieux du partiroyaliste, naturellement plusnom–
breux sur les bord's de la Loire qu'ailleurs.
Marie-Louise, que nous avons laissée sur la
route de B10is apres la bataille de París, avait
voyagé
a
peLites journées, le désespoir dans
!'Ame, craignant pour la vie de son épou:x, pour