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LIVRE CINQUANTE-TROISIEME.

du prince, des milliers de visages étaient-ils

fortement émus, et quelques-uns mouillés de

larmes. La sage bourgeoisie de Paris, expression

toujours juste du sentiment pu·blie, longtemps

aLtachée

a

Napoléon qui luí avait procuré le re–

pos avec la gloire, et détachée de luí uniquement

par ses fautes, avait bientót compris que, Napo–

léon renvcrsé, les Bourbons devenaient ses suc–

cesseurs nécessaires et désirables, que le respect

qui entourait leur titre au tróne, que la paix

dont ils appo.rtaient Ja certitude, que la liberté

qui pouvait se concilicr si bien avec leur antique

autorité, étaient pouu la France des gagas d'un

b0nheur paisible et durable. Cette bourgeoisie

était done animée des mcilleurs sentiments pour

les Bourbons, et prete

a

se jeter dans leurs bras,

s'ils lui montraient un peu de bonne volooté et

de bon sens. 1a figure si avenante de

l\J.

le

comte d'Artois était tout

a

fait propre

a

favoriser

ces dispositions, et

a

les convertir en un élan

universel.

Des onzc heures du matin, M. le comte

d'Artois, entouré d'un grand nombre de per–

sonnages

a

cheval appartenant

a

toutes les

classes, mais surtout

a

l'ancienne noblesse, se

dirigca vers la barriere de Bondy. A chaque

instant de nouveaux venus, des fonctionnaires

de haut rang, des officiers

fran~ais,

des officiers

étrangers, accouraient pour se joi ndre au cor–

tége, et quand ils étaient reconnus, les rangs

s'ouvraieut pour les lnisser parvcnir jusqu'au

prince. Les royalistes réunis autour de lui

étaient singulieremeot animé . Si, parmi les per–

sonnages qui survenaient, il y en avait quelques–

uns de l'ancienne noblesse dont la fidélité cut

chancelé un moment, des cris frénétiques de

Vitie le roi

!

éclataient

a

leur présence, et·prou–

vaient que l'oubli ne serait pas pratiqu.é par

les roya!istes, meme

a

l'égard les

UDS

des autres.

M. de l'tlontmorency, rattaché

a

l'Empire quand

tout le monde l'était en Franee, aide-major

général de la ga11de nationale, arrivant avec

son chef, le général Dcssoles, fut assailli de ces

cris affecLés de

Vive le roí!

comme si l'on avait

cu besoin d'enseigner aux l\iontmoreney l'amour

d~s

Bourbons. En avall(;ant vers la barriere, on

v1t parattre un groupe de cavaliers en grand

uniforme et en panache tricolore : c'étaient les

maréchaux Ney, l\'larmont,

0

l\foncey, Keller–

mann, Sérurier, n'ayant pas quitté des couleurs

qui étaient encore celles de l'armée. Les cris

recommencerent, mais sans violence car en

'

'

presence de ces hommes redoutables, un in-

stinct des plus prompts avait appris,

m~me

aux

plus fougueux amis du prince, qu'il fallait se con–

tenir. Le maréchal Ney se trouvait en tete du

groupe. Son énergique figure , violemment

conLraatée, déeelait un extreme mafaise, sa-ns

aucune crainte toutefois, cau peFsonne n'eut

osé lui manquer d'égards. Au cri :

Voila

les

maréchaux !

l'cntourage du prinee s'ouvrit avec

empressement. M. le. comte d'Artois, poussant

son cheval Viers eux, leur serra la main

a

tous.

- Messiellrs, leur dit-il, soyez les bienvenus,

vous qui avez poPté en tous lieux la gloire de la

France. Croyez-le, mon frere et moi n'a\ions pas

été les derniers

a

applaudir

a

vos exploits. -

Placé aupres du prince, touché de son accueil,

le maréchal Ney reprit bientot une attitude

plus aisée et plus naturelle. Pres de la barriere,

on trouva le gouvernement provisoire, son pré–

sident en tete, qui venait recevoir M. le comte

d'Artois aux portes de la capitale.

1\1.

de Talley–

r.and

pronon~a

quelques paroles courtoiscs ,

respectueuses et breves, auxquelles le prince

répondit par les mots heureux que lui inspirait

Ja situation. Puis on s'achemina vm1s Notre–

Dame, en suivant les grands quartiers de Paris.

Dans les faubourgs, le spectacle ne fut pas des

plus animés;

il

changea sur les boulevards. La

bourgeoisie, sensible

a

l'espérance de Ja paix et

du repos, fortement émue par les souvenirs qui

se pressaient dans tous les esprits, charmée de

la bonne mine du prince, lui

fit

l'accueil le plus

cordial. L'émotion alla croissant en approehant

de la cathédrale. A Ja po:rtc de l'église, M. le

comte d'Artois fut

re~u

par le chapitre. On·

s'était appliqué a é!oigner le cardinal Maury,

a11cheveque de Paris non institué, en l'accahlant

d'outrages pendant huit jours dans tous les jour–

naux de la capitale. Ainsi l'intrépide défenseur

de la cause royale da ns l'Assemblée constituante,

pour quelques actes de faiblesse envers l'Empire,

n'obtenait pas l'oubli promis

a

tous. Le prince,

conduit sous Je dais au fauteuil royal, y fut

daos l'église meme l'objet de démonstrations

bruyantes. Tous les grands fonetionnaires de

l'État, tous les états-majors étaient réunis dans la

basilique; le Sénat seul

y,

manquait. Revenu

a

la dignité d'attitude dont

11

n'aurait jamais du

s'écarter,

il

ne voulait assistera aucune cérémo–

nie qui put signifier, de sa part, la reconnais–

sance de l'autorité des Bourbons, taut qu'il n1y

aurait pas un engagement pris

a

l'égard de la

constitution. Les cris éclaterent de nouveau

lorsque le clergé

pronon~a

ces pa11oles sacra-