LIVRE CINQUANTE-TROISIEME.
la couronne de son fils, pour son sort
a
ellc–
meme, et, faute de lumieres, ne sachant pas
mesurerccs différentes craintes
a
l'étendue réelle
du danger. Les nouvelles de la prise de Paris,
du retour de Napoléon vers cette capital.e, de
son abdication, et enfin de l'attrihution du duché
de Parme
a
elle et
a
son fils, lui étaicnt successi–
vcment parvenucs. Elle avait cruellement souf..
fert pendant ces diverses péripéties, car bien
qu'elle ne ftlt pas douée de la force qui produit
les grands dévouements, elle était douce, bonnc,
elle avait de l'attachement pour Napoléon, et une
véritable tendrcsse maternelle pour le roi de
Rome. Le beau duché de Parme, ou elle allait
régner seule, était sans doute un ccrtain dédom–
magement de ce qu'elle perdait; pourtant elle
y
songeait
a
peine dans le moment, et Ja vue de
son époux tombé du plus haut des tróncs dans
une sorte de prison, touchait son ame faible
mais nullement insensible. D'apres sa propre
impulsion, et sur les conscils de madarue de Lu–
~ay,
elle avait songé un instant
a
courir
a
Fon–
taineblcau pour se jcter dans les bras do Napo–
léon, et ne plus le quittcr. Mais le désir de voir
son pcre afin d'en ohtenir la Toscane, désir daos
lequcl Napoléon l'avait lui-meme cncouragée,
l'avait fait hésiter. De plus un incident qui, bien
qu'insignifiant,avait produit sur elle une pénible
impression, l'avait singulierement indisposée
contre les Bonapartc. Ses bcaux-frercs, voyant
l'cnnemi approchcr de la Loire, l'avaient enga–
géc
a
se rctirer au dela, ce qu'clle répugnait
a
fairo,ctcc qui avait amcné une scene tcllcment
vive, que ses scrviteurs, l'entendant, étaient pour
ainsi dirc accourus
a
son secours. Elle en avait
conservé une extreme irritation, et quand des
officiers d'Alcxandre et de l'empcreur
Fran~ois
étaicnt venus la prendre sous leur protection,
elle s'était livrée volontiers
a
eux, ne se doutant
pas qu'clle allait devenir avec son fils un gage
dont la coalition ne se dessaisirait jamais. II
avait été ensuite convenu qu'elle se rendrait
a
Rambouillet pour y rccevoir la visite de son
perc.
Avant son départ, la protection de la Russie
et de
l'
Autriche ne put lui épargner un genre
d'outrage qui n'est que trop ordinaire au milieu
de semblables catastrophes. En quittant Paris,
clic avait emporté le reste du trésor personnel
de Napoléon, consistant en 18 millions, or ou
argent, et en une riche vaisselle. A ce trésor
étaient joints les diarnants de la couronne. Les
18 millions étaient le <lcrnier débris des écono-
mies de Napoléon sur sa liste civile, et
la
vais–
selle d'or était sa propriété pcrsonnellc. Sur ces
18 millions,
il
avait été cnvoyé quclques millions
a
Fontaineblcau, soit pour Ja solde de l'armée,
soit pour la dépense du quartier général
1
et
d'apres l'ordre formcl de Napoléon lui-mcme,
l\farie-Louise avait mis environ 2 millions dans
ses voitures, pour son propre usage. Il restait a
peu pres 1
O
millions dans les fourgons de la
cour fugitivc. Legouvcrocment provisoire, man–
quant d'argent, imagina d'envoyer des agents
a
Ja suite de l\Iarie-Louise, pour saisir ce trésor,
sous prétexte qu'il se composait de sommcs
dérohées aux caisses de l'État. 11 n'en était rico,
mais on ne s'ínquiete guere d'etre vrai et juste
en de pareilles circonstances.
Suivant une autre coutume de ces temps de
crisc, on choisit pour agcnt un ennemi, et on le
prit en outl'e daos lesrangs inféríeurs de l'admi–
nistraLion. C'était
l\1.
Dudon, expulsé du conscil
d État par ordre de Napoléon. Cet agent, s'étant
rendu
a
Orléans, se saisit des 1
O
millions placés
dans les fourgons du Trésor, de la vaisselle per–
sonnelle de Napoléon, d'unc partic des diamants
de l\farie-Louise, malgré Ies réclamations de
cellc-ci et les
e.ll'orts des commissaires étrangers
pour lui épargner une telle avanie. On rapporta
a
París ces dépouilles impéríales, dont le nou–
veau gouvcrnement avait grand besoin.
D'Orléans, l\Iarie-Louise se rendit
a
Rambouil–
let pour y attendre son pere. L'empereur d'Au–
triche, entré le 15 avril
a
Paris, ou il avait été
re~u
en grande pompe par ses alliés, et avee
beaucoup de froideur par Je peuple parisien, qui
jugcait séverement la conduite du pere de l'im–
pératrice, se rendit
a
Rambouillet afin de voir
sa filie. Il la combla de témoignages de ten–
drcsse, et
s'cffor~a
de lui persuader que tous ses
malheurs éLaient imputables
a
son mari ; que
l'Autriche n'avait ríen négligé pour amener une
paix honorable, tantót
a
Prague, tantót
a
Franc–
fort, tantót enfin
a
Chatillon; que jamais Napo–
léon n'avait voulu
y
souscrire; que c'était un
homme de génie sans doute, mais absolument
dépourvu de raisQn, et avec lequel l'Europc
avait été réduitc
a
en venir aux dernieres cxtré–
mités; que lui, emperem 'Autrichc, n'avait pu
agir autrement qu'il n'avait fait; que ses devoirs
de souverain avaient dú passer avant sa- ten–
d!csse de pere ; que sa tcndresse de pere d'ail–
leurs n'était pas restéc inactivc, car il avait mé–
nagé
a
sa filie une belle principauté en ltalie;
qu'clle y scrait souvcraine, qu'elle pourrnit s'y