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LIVR.E CINQUANTE-THOISIElUE.

continental avec persévérance, de terminer la

guerre d'Espagne en s'occupant exclusivcment

de cetle

~u

erre, de réduire par ce double moyen

l'Angleterre a la paix, de se reposer alors, de

laisser reposer le monde, et de se marier pour

donner un héritier

a

Ja monarchie universelle.

Avec ces vucs pacifiques, Napoléon en quinze

mois avait réuni

a

l'Empire, la Hollandc, Breme,

Hambourg, Lubeck, Oldenbourg, la Toscane,

Rome, avaitfait enlever le Pape, défenduaux com–

merc;ants du continent de communiquer avec

les Anghws, tout en aeeordant aux commerc;ants

f'rarn;ais la faculté d'allcl'

a

Londres et d'cn reve–

nir au moycn des licences, épousé cnfin une

archiduchesse aulrichienne, saos daigner

se

dégager avec Ja sreur d'Alexandrc, parce qu'on

la lui avait fait attcndre, et terminé ainsi

ce

men.songe de l'alliance russe, qui avait valu

a

la Russie la Finlande, la Bessarabie, et

a

nous

la faculté de nous Prcrdrc en Espagne

!

Néamoins le contincnt, quoique plein de

hainc, se soumctlait sous l'impression de la

balaille

Wagram. La Russie seule avait pré–

senté quelques observations sur le lerritoire

d'Oldcnbourg enlevé

a

un princc de sa famillc,

sur la maniere d'cntcndre le blocus continen–

tal, sur le grand-duché de Varsovie succcssive–

ment augmcnté jusqu'a devenir bientót une

Pologne. La-dessus Napoléon trouvant trop

longue Ja guerre d'Espagne, trop long le hlocus

continental, voulut s'enfoncer en Russic, s'ima–

ginant que lorsqu'il aurait puni a cette distance

une puissance qui avait osé élcvcr Ja voix, il

aurait terminé la terrible lutle cnlreprise avec

le monde civilisé. Ce

fut

la cinquierue de ses

grandes fautes, et nous ne saurions dire a qucl

<legré elle est plus ou moins grande que les pré–

cédentcs, car on est emharrassé de prononcer

en lrc elles, et de décider quelle est la plus grave,

d'avoir rompu hors de propos Ja paix d'Amicns,

d'avoir revé

Ja

monarchic universclle apres

Auslerlitz, d'avoir apres Fricdland fondé sa po–

litique sur J'nlliancc inexpliquéc de la Russie,

de s'etre engagé en Espagne, ou d'etre alié se

précipitee sur la route de i\foscou. Quoi qu'il en

- soit, il se fit suivre de six cent millc soldats, et

en treprit cette fois de luttcr contre les hommes

et contre la nature. Mais la naturc se défend

micux que les hommes, et elle r ésista en oppo–

sant tour a tour au vainqueur des Alpes la dis–

tance, les chaleurs, le froid , Ja disette. Et pour–

tant elle-memc aurait pu etre vaincue avec le

temps

!

l\Iais du tcmps, Napoléon n'cn avait pas.

Le monde sourdement conjuré ne lui en laissait

point, et il fallait qu'il ftlt vainqueur en une

campagne. Il succomha alors dans une catastro–

phe qui sera la plus tragique des siecles.

La France désolée lui donna généreusement

de quoi refaire sa granc{eur et la nótre, et

il

était

pres de la refaire apres Lutzen et Bautzen, au

dela meme de ce qui était désirable, Jorsque le

fol espoir de Ja refaire tout cntiere et d'un seul

eoup, lui fitcommettre Ja sixieme de ses grandes

faules, et la derniere parce qu'elle consomrna sa

ruine, eelle de refuscr les conditions de Prague,

et d'élendre le rayon de ses opérations de Dresde

it

Berlín, tandis qu'en concentrant ses forces

dcrriere l'Elbc,

il

aurait pu se rendre in·expu–

gnable. Cont.raint d'ahandonner l'Allemagne,

il

rec;ut une derniere offre, celle de la frontie1•e

du Rhin,

a

quoi

il

cut le tort de faire une ré –

ponse aml>igue, par crainte de se montrcr trpp

pressé de traiter, et tandis qu'il perdait un mois

a

s'cxpliquer, l'Europe usant de ce mois pour

s'éclairer sur la situatiou de la France, retira son

offre, et passa le Rhin. Napoléon alors employant

a

résister

a

des conditions humiliantes les ta–

lcnts, le caracterc qu'il avait cmployés a se per–

drc, finit en grand bomme un regne commcncé

en grand homme, mais vicié

a

son milieu par

une amhition a la fa<;on des conquérants d'Asie,

regne étrangc duque! on peut dfre qu'il n'y a

ríen de plus parfait que le début, de plus extra–

vagant que le milieu, de plus héroiquc que

la fin.

Ainsi cet homme grand et fatal, apres avoir

attcint la perfection pendant le Consulat, sort

de la politique forte et modérée de

1805

a

la

premiere hlessurc faite

a

son orgueil, veut se

j etcr sur l'Angleterre, en est détourné par le

continent qu'il a lui-meme provoqué, le chatie

cruellement; pourrait alors par un effort de gé–

nérosité et de sagesse rentrer dans la vraie poli–

tique, une premiere fois

a

Austerlitz, une se–

conde fois

a

Friedland; mais tout-puissant sur

le monde, profondément faible sur lui-meme,

il

se lance dans le champ des chimeres, revc un

vaste empire d'Occident qui doit embrasser

l'Europe civilisée depuis la Pologne jusqu'a l'Es–

pagne, pour s'aider

a

réaliser son reve, flalle le

rcv(} rosse, rettoit cependant a Essling,

a

Wa–

gram , un premier avertissement de l'Europe

exaspérée, songe

a

en profiter; pourrait., avcc de

la modération, de la patience, consolider peut–

etre son chimérique empire, mais, incapahle de

pat.ience autant que de modération, vcut préci-