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PRE!\fll\:!:tE ABDICATION. -··

AVRlL

1.814.

les travers dont ils sont le plus atteinls. Aussi

provoqun-t-on contre le Sénat un rire de mépris

universel. Le public se.laissa prendre au piége,

et ne

s'aper~ut

pas qu'en riant de ce corps il se

faisait le complice de l'émigration , dont les vices

étaicnt en ce moment bien plus

a

craindre que

ceux du Sénat. C'était un malheur, que les

hommes calmes et éclairés, toujours si pcu nom–

breux daos les révolutions, pouvaient sculs ap–

précier. l\fais le public tout enticr, unissant sa

voix

a

cc!Je des royalistcs, scmbla dire aux séna–

teurs : Disparnissez avec le maitre que vous

n'avez su ni contenir, ni défendre

! -

Les royalistcs, quoique peu habiles encore,

car ils sortaient d'une longue inaction, cssayerent

<le tirer quelquc partí du Corps Jégislatif conlre

le Sénat, mais sans beaucoup de succes. Le Corps

législatif, prorogé par N:aµoléon pour sa manifes–

tation r éeenle, n'était pas légalement réuni.

l\Iais la légalité n'est pas une difficulté daos un

momcnt ou l'on détrone les souverains, et ce

corps s'était assemblé en aussi grand nombre

qu'il avait pu, pour joucr son role dans Ja nou–

velle révolution. 'frouvant

le

premier role pris

par le Sénat, qui scu l avait prononcé Ja dé–

chéance, qui seul rappelait les Bourbons, et que

les souverains étraogcrs r cconnaissaient comme

la seule autorité existante, il devait se borner

a

suivre, et il était visiblement jaloux. Quoique

n'ayant pas élé plus ferme que le Sénat, et pos–

sédant moins de lumieres,

il

avait acquis une

certaine popularité pour Ja conduite qu'il avait

tenue au mois de déccmbrc précédent, et les

royalisles, devioant sa jalousie, se mirent

a

le

flatter, dans l'espérance de s'en servir. Pourtant

ces menées ne pouvaient pas etrc de grande

conséquencc. Le Corps législatif, réduit a pro–

fércr queJqucs parolcs d'adhésion aux impor–

tantes résolutions qui venaient d'ctre adoptécs,

pouvait bien tcnir un langage un peu diiférent

de celui du Sénat, mais

il

était incapable d'é–

mettre des résolutions véritaulement diver–

gentes, et les Bourbons allaieot reotrer liés

pa~'

la constitution du 6 avril, ou par une autre a

peu pres semblahle : c'était la le résultat es-

sentiel.

l\J.

de Caulaincourt, particulierement chargé de

stipuler les intérets de Napoléon et de

sa,f~mille,

voyait avec douleur le torrent des adhes10ns se

précipítcr vers París, depuis la nouvellc répan–

due de l'abdication pure et simple. Les maré–

chaux Oudinot, Víctor, Lefebvre, et une foule

de généraux, s'étaient batés d'envoyer leur sou-

mission au gouvernement provisoire. Les minis–

tres de l'Empire, réunis autour de l\forie-Louise

a

Blois, avaien t fait de rneme pour la plupart,

et,

a

leur tete , le prince archichancclier Camba–

cércs. 11 n'y avait que les chefs d'armée éloignés,

le maréchal Soult, cornrnandant I'arméc d'Espa–

gne, le maréchal Suchet cclle de Calalogne, le

maréchal Augereau celle de Lyon, le maréch a'l

Da.vou t ceHe de Westphalie, le général Maison

cellc de Flandre, qui n'eussent point parlé, car

ils n'en avaient pas eu le tcmps. l\fais le go uvern c–

ment provisoireleur avait dépcché des émissaires

pour les sommer officiellemcnt, et les prier offi–

cieusement de se rallier au nouvcl ordre de

choses, en leur monlrant J'inutilité et le danger

de la résistaoce, et sauf un peut-etre, le maréchal

Davoust, dont le caractere opiniatre était connu,

on espérait des réponses conformes aux circon –

stances, et, il faut le dire,

a

la raison, car, apres

I'abdication de Napoléon, on ne comprend pas

quel intéret, soit public, soit privé, on aur-ait

pu allégucr en faveur d'une résistance prolongée.

Chaque jour qui s'écoulait, en rendant le nou–

veau gouvern ement plus fort, rendait Napoléon

plus faible, et ses représcntants plus dépendanls

des négociateurs avec lcsquels ils avaient a trai–

ter. Alexandre en avait averti loyalement l\I. de

Caulaincourt, et luí avait conseillé de se ha.ter,

car c'est tout au plus, avait-il dit, si je pourrai,

en

y

employant toute mon aulorité, faire accor–

der ce que je vous ai promis. -- En e.fiet, on se

récriait daos le camp des souverains, et dans les

salons du gouvcrnement provisoire, contre la

faiblesse que ce monarque avait eue d'accorder

l'ile d'Elbe, et de placer ainsi Napoléon si pres

dn continent curopécn. 11 y avait surtout un per–

sonnage, récemment arrivé, le duc d'Otrante,

qui, envoyé en mission aupres de l\1urat pendant

Ja derniere campagne, était désespéré de s'etre

trouvé absent tandis qu'une révolution s'accom–

plissait

a

Paris, et d'avoir par la laissé le premicr

role

a

l\L de Talleyrand. Moins propre que cc–

lui-ci

a

traiter avec les cabinets europécns,

il

était bien plus apte a diriger les intrigues daos

les grands corps de l'État, et présent

a

Paris,

il

aurait acquis une importance presque égale

a

celle de l\'l,deTalleyrand. Condamné

a

n'ctre que

le seeond personnage, il allait, venait, l>Iamait,

approuvait, conseillait, et jetait les hauts cris

contre l'idée d'accorder l'ile d'Elbe

a

Napoléon,

pour lequel

il

avait autant de haine que de

crainte. 11 qualifiait de folie la généreuse irnpru–

denee d'Alexandre, et

a

force de se donner du