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M8

LIVRE CINQUANTE-TROISIEl\IE.

rées, car autrement des ministres contraints de

présentcr et d'exécuter des lois qu'ils n'auraient

pas voulues, seraient les exécuteurs ou les plus

gauchcs ou les moins sinceres. On discutait done,

faute d'expérience, sur l'importance de l'initia–

tive. Faute, aussi d'expérience, ou pour mieux

dire, sous l'influence d'expériences trop r écentes

et trop douloureuses, on parlait d'óter au roi le

droit de paix et de guerre, oubliant encore que

toutes ces prérogatives qu'on revendiquait pour

les chambres sont renfermées bien plus conve–

nnblement dans une seule, celle d'éloigner ou

d'amener

a

volonté les ministres' qui' étant les

élus de la majorité, fontsuivant ses désirs la paix

ou la guerre. Enfin un autrc sujet, tout de

cir–

constance, celui qui concernait la composition

des deux chambres, était l'objet de nombreuses

discussio_ns. La seco11de, dite

chambre basse

par

les Anglais, qui sont assez fiers pour tenir non

pas aux mots mais aux choses, ne doonait ma–

t;ere

a

aucun dissentiment. Au lieu de Ja faire

nommer par le Sénat sur des candidats que pré–

senteraient les corps électoraux, ainsi que cela

se pratiquait sous l'Empire, on était d'accord de

la faire élire directement par les colléges électo–

raux, en renvoyant

a

la législation ordinaire le

soin d'organiscr ces colléges. Le conflit le plus

grave s'élevait au sujet de la

chambre

haute.

M. de Talleyrand et ses collaborateurs voulaient

que sous la monarchie restaurée des Bourbons,

toutc influence appartint au Sénat, composé des

illustrations de la Révolution et de I'Empirc.

C'eut été assurément la chose la plus désirable,

car les membres de ce Sénat avaient assez l'ha–

bitude de la soumission pour ne pas devenir ge–

nants envers la royauté , et étaient assez imbus

des sentiments de la révolution

fran~aise

pour

opposer

a

l'émigration un obstacle invincible.

Aussi l\L de Talleyrand les avait-il encouragés

a

s'éLablir solidement daos la constitution nou–

velle, en se déclarant pairs héréditaires. Il avait

en cela trouvé l'empereur Alexandre compléte–

ment de son avis, car ce prince généreux et en–

thousiaste, ayant aupres de lui son ancien insti–

tutcur,

1\1.

de Laharpe, et mis par celui-ci en

rapport avec les sénateurs libéraux, abondait

entiercment dans leurs idées, répugnait

a

placer

la France sous le joug de l'émigra lion apres

l'avoir arrachée au joug de l'Empire, et voulait

se servir exclusivemcnt du Sénat, soit pour dé–

tróner Napoléon, soit pour lier les Bourbons en

les rappelant.

Encouragés dans ces tendanees par

des

con–

(.

, victions sinceres, par leurs intérets, par de

hautes approbations, les sénateurs n'entendaient

pas faire les choses

a

demi. lls voulaient que le

Sénat tout entier composat la chambre haute

sous les Bourbons, et pour qu'il n'y füt pas noyé

daos une immense promotion de pairs apparte–

nant

a

l'émigration , ils prétendaient limiter le

nombre des

membr~s

de cette chambre au

nombre actuel des sénateurs, et accorder seule–

ment au roí la faculté de pourvoir aux vacances,

faculté singulierement restreinte, l'hérédité de

la pairie étant admise. A ces avantages poliliques

ils avaient le projet d'ajouter des avantages

pécuniaires, en s'attribuant la propriété dé Jeur

dotation, qui serait divisée par égale part entre

les sénatcurs vivants. Du reste pour ne pas pa–

raitre songer exclusivement

a

cux, les sénatcurs

voulaient cncore que le Corps législalif actuel,

jusqu'a son remplacement succcssif, composat la

chambre

basse

de la monarchie.

Enfin venaient les points sur lesquels il y avaít

unanimité : le vote de la dépense et de l'impót

par les chambres, régalité de la justice pour

tous, l'inamovibilité de la magistrature, la liberté

individuelle, la liberté des cultes, la liberté de

Ja presse sauf la répression des délits par les tri–

bunaux, l'égalc admissibilité des Frarn;ais

a

tous

les cmplois, le maintien des grades et dotations

de l'armée, la conservation de la Légion d'hon–

neur, la reconnaissance de la nouvelle noblesse

avec rétablissement de l'ancienne, le respect

absolu de la dette publique, l'irrévocabilité des

ventes des biens dits

nationaux,

et enfin l'oubli

des actes et opinions par lesquels chacun s'était

signalé depuis

1789.

Ainsi des cette époque on

était d'accord, sauf quelques points de circon–

stance, sur la forme de monarchie, qualifiée de

constitutionnelle,

eonsistant daos un roi

hé1~édi­

tairc, inviolable, représenté par des ministres

responsables devant deux chambres diverses d'o–

rigine et pourvues des moyens de plier les mi–

nistres

a

leur opinion, monarchie qui n'est ni

anglaise, ni

fran~aise,

ni allemande, mais de tous

les pays et de tous les temps, car elle est la seule

possible des qu'on

repouss~

la monarchie

sl:>-

solue.

)

En général Ja masse des royalistes, enivrée de

joic

a

l'idée de revoir les Bourbons, ne s'occupait

guere de qucstions constitutionqelles. Pourvu

qu'on lui rendit le roi d'autrefois, c'était assez

pour elle. A la vérité elle l'aimait micux maitre

de tout comme jadis, qu'cntouré de genes r évo–

lutionnaires; mais enfin, qu'on le lui rendit,