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PREl\IIERE ABDICATJON. -

AVRIL

:l8U.

!S47

gration; que sans avoir la prétention de luí im–

poser un gouvernement, ils suivraient l'avis de

l'aulorité actuellement la seule admise et admis–

sible, celle du Sénat; que s'étant servís de cette

autorité pour détroner Napoléon, ils ne la paye–

raient pas d'ingratitude en la détronant elle–

meme; que l'autorfté du Sénat d'ailleurs était

a leurs yeux la seule sage, la seule éclairée, et

qu'il n'y avait qu'elle qui put imprimer

a

!out ce

qu'on fcrait un caractere

a

la fois régulier et na–

tional ; qu'apres tout ' la puissance qui avait en–

foncé les portes de París était la, que cette puis–

sance était celle de l'Europe, qu'il fallait la

subir, et surtout ne pas lui inspirer le regret

de s'etre déja si fort engagée en faveur des

Bourbons.

M. de Vitrolles aurait été bien tenté de con–

tredire, car il trouvait maintenant odieusc l'in–

fluence étrangere qu'il n'avait pas craint d'aller

chcrcher a Troyes, et la regardait comme insup–

portable dcpuis qu'clle donnait de bons conseils.

Pourtant il n'y avait pas

a

répliquer , et il se mit

en route porteur des conditions du gouverne–

rnent provisoire, se promettant bien avec ses

amis d'cn rabattre dans l'exécution le plus qu'ils

pourraient.

La plus pressante des mesures

a

prendre,

c'était de rédiger la constitution. 11 importait de

se ha.ter, premierement pour rendre définitive la

déchéance de Napoléon en lui donnant les Bour–

bons pour successeurs, secondement pour lier

les Bourbons eux-memes en les rappelant, et les

astreindre aux príncipes de 1789. Cetlc double

idée de rappeler les Bourbons et de leur imposer

de sages lois, propagéc par M. de Talleyrand,

avait pénétré dans toutes les tetes. D'aprcs le

plan primitif, c'était le gouverncmcnt provisoire

lui-meme qui devait arretcr le projet de consti–

tution. Afin d'accomplir cette tache il avait voulu

s'aider des membrcs les plus éclairés et les plus

accrédités du Sénat, et les avait réunis aupres de

lui. Aux premiers mots proférés sur ce grave

sujet,

~n

avaH vu surgir les idécs les plus con–

tradictoires, toutes celles qui en 1791 domi–

naicnt les esprits et les cntrainaient en sens di–

vers. En effet l'instruction poli tique de la France,

successivcment interrompue par la Terreur et

par l'Empire , avait en quelque sorte été suspen–

due et on en était aux idées de l'Asscmblée con–

stit~ante,

modérées toutefois par le temps. M. de

Talleyrand, qui hai'ssait la dispute, avait .alors

résolu de laisser faire les sénateurs eux-memes,

en lcur rccommandant trois choses: d'aller vite,

de lier les Bourbons en les rappelant, et pour les

mieux licr d'établir le Sénat dans la nouvelle

constitution

a

titre de chambre haute de la mo–

narchie reslauréc. Il cherchait ainsi

a

contenter

le Sénat dont oo avait besoin, et

a

en faire un

obslaclc conlre l'émigration. Apres ce conseil,

M_ de Talleyrand avait abandonné l'reuvre, et

des membres du gouvernemcnt provisoire

il

n'était resté sur le terrain que

1\1.

l'abbé de l\fon–

tcsquiou, disputeur opiniatre et hautain, tenant

Leaucoup

a

savoir quelles conditions on impose–

raiL aux Bourbons, dont

il

était l'agent secret et

trcs-fidele.

Les discussions furent vives entre ce person–

nage et les sénateurs chai'gés de rédiger la con–

stitution. Voici sur quoi porterent ces discus–

sions. Le Sénat voulait d'abord que Louis XVIII,

frere et héritier de l'infortuné Louis XVI, de–

puis la mort de l'auguste orphclin resté prison–

nier au Temple, fUt considéré comme

libremeut

rappelé par la nation, et saisi de la royauté scu

lement apres qu'il aurait preté serment

a

la con

stitution nouvclle. On s'adressait

a

ce prince,

saos doute

a

cause de son origine royale dont on

reconnaissait ainsi la nleur héréditaire, mais on

allait le chercher

lib1·ement,

et on le prcnait

d

condition,

en vertu du droit qu'avait la nation

de disposer d'elle-meme. Le Sénat prétendait

concilicr ainsi l'un et l'autre droit, celui de l'an–

cienne royauté , et celui de la nation , en les ad–

mettant tous les deux, et en les liant par un con–

trat réciproque. Ce point, vivement contesté,

une fois établi, venait la question de la forme du

gouvcrnement, sur laquelle heureusement

il

n'y

avait pas de contestation méme entre les esprits

les plus opposés. Ainsi un roi inviolable, déposi–

taire unique du pouvoir exécutif, l'excri;ant par

des ministres responsables, partageant le pouvoir

législatif avec deux chambres, !'une aristocra–

tique, l'autre dérnocratique, était admis univer–

sellemcnt. Sur certains détails seulement, tenant

a

la pratique de ce systeme, il y avait des diver–

gen ces. Les esprits irn bus des préjugés de la Con–

stituante souhaitaient que les deux chambres

jouissent de l'initiative en fait de présentation

de Iois, le roi conservant toujours la faculté de

les sanctionncr, faculté que personne du reste ne

songeait a lui contesler. On n'avait pas alors ap–

pris par cxpérience que sous cetle forme de gou–

vernemcnt, l'essentiel pour les chambres c'est

d'arriver par le mécanisme de la constitution a

obtenir des ministres de leur choix. Ces ministres

obtenus font ensuite les lois généralement dési-