PREMIERE ABDICATlON. -
AVRIJ.
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terent ce qu'ils lui avajent déja dit
a
propos de
son abdication conditionnelle, c'est qu'en des–
cendant ainsi du troó.e il se montrait plus grand
que
j~mais.
11 permit
a
leur joie secrete ces der–
nieres flatteries, et les laissa dire, car
il
ne vou–
lait pas plus les abaisser que s'abaisser lui-meme
par de misérables r écriminations. D'ailleurs, qui
les avait faits tels? Lui seul, par le despotisme
qui avait brisé leur caractere, par les guerres
interminables
qui
avaient épuisé leurs forces :
il
n'avait done pas droit de se plaindre, et il agis–
sait noblement en reconnaissant les conséquences
inévitables de ses erreurs, et en s'y soumettant
sans éclat humiliant ni pour lui ni pour les
au tres.
11 fut ensuite eonvenu que
1\1.
de Caulaincourt,
suivi comme auparavant des maréchaux Maedo–
nald et Ney, se rendrait
a
Paris, pour porter a
Alexandre l'acte définitif de l'abdication, acte
dont il resterait l'unique dépositaire, et qu'il de–
vait échanger contre le traité qui assurerait a la
famille impériale un traitement convenab!e. Na–
poléon insista encore une fois pour qu'il ne füt
fait d'efforts, s'il en fallait pour réussir, qu'en ce
qui concernait son fils et ses proches. 11 congédia
les maréchaux et serra affectueuscment la main
a
M. de Caulaincourt, toujours le dépositaire
principal de sa confiance.
A peine cette nouvelle fut-elle connue dans
Fontainebleau, que la tristesse se répandit dans
les rangs des vieux soldats. Au contraire, parmi
les officiers de hautgrade, on éprouva un immense
soulagement. On pouvait, en effet, quitter- saos
trop d'embarras l'ancien maitre pour lenouveau.
La plupart des maréchaux chercherent comment
ils feraient arriver leur adhésion au gouverne–
ment provisoire. lis auraient volontiers chargé
M. de Caulaincourt de ce soin , si sa hauteur
n'eut écarté ce genre de confiance. Mais leur
supplice touchait a son terme, et vingt-quatre
heures allaient suffire pour que les modeles
d'adhésion abondassent, avec des signatures ca–
pables de mettre les plus scrupuleux d'entre
eux
a
leur aise.
M. de Caulaincourt et les deux maréchaux re–
partirent immédiatemcnt pour Paris, ou ils arri–
vererrt a uneheure fortavancée delajournéedu6.
A minuit ils étaient chez l'empereur de Russie,
qui les attendait avec une extreme impatience,
impatience partagée par le gouvernement pro–
visoire et par ses nombreux adhérents. Bien
quc la défection du
6e
corps eut fort díminué les
craintes qu'inspirait encore Napoléon, bien que
les assurances données par le maréchal Ney et
par la plupart des personnages militaires avec
lcsquels on s'était mis en correspoudance, eussent
laissé peu de doute sur la prochaine adhésion de
l'armée, on était toujours saisi d'un sentiment de
terreur en songeant
a
tout ce que pouvait tenter
le génie infernal, comme on l'appelait, qui s'était
retiré
a
Fontainebleau, et qu'on honorait par la
peur qu'on éprouvait, tout en cherchant
a
le
déshonorer par un débordement d'injures inoul.
Ce fut une sorte de joie universelle, quand le
maréc}lal Ney cut dit aux plus pressés de l'hótel
Saint-F!orentin, qu'ils pouvaient ctre tranquilles,
et qu'on apportait l'abdication pure et simple.
Lorsque les envoyés de .Napoléon entrerent chez
l'empereur Alexandre, ce prince, qui réservait
toujours a M. de Caulaincourt son premier ser–
rement de main , courut cette fois au maréchal
Ney pour le remercier de ce qu'il avait fait, et
lui dire qu'entre tous les se!'Vices qu'il avait
rendus
a
sa patrie, le dernicr ne serait pas le
moins grand. Le monarque russe faisait allusion
a
Ja lettre de la vcille, dans laquelle le maréchal
Ney s'était vanté d'avoir décidé l'abdication, et
avait promis d'en apporter !'acle formel. M. de
Caulaincourt et le marécha 1 l\facdonald, ignorant
l'existence de cette lettre, et n'ayant rien vu qui
put leur faire considérer le maréchal Ney comme
l'auteur des dernieres r ésolutions de Napoléon,
furent singulierement surpris, et laisserent aper–
cevoir leur surprise au marécbal Ney qui en
parut embarrassé. Alexandre se hata de rendre
communs aux deux autres négociateurs les re–
merciments qu'il avait d'abord adressés au maré–
chal Ney, et s'étant enquis des conditions aux –
quelles ils livreraient l'acte essentiel dont ils
étaient dépositaires,
il
n'y trouva rien
a
objecter.
Quant
a
l'ile d'Elbe pourtant, il déclara qu'il tien–
drait sa parole, parce qu'il se regardait commc
engagé par les quelques mots qu'il avait dits a
M. de Caulaincourt, mais que ses alliés jugeaicnt
cette concession imprudente, et la blamaient
ouvertement, qu'il en serait néanmoins comme
il
l'avait promis ; que, relativement au roi de
Rome, a l\farie-Louise, une principauté en Italie
était le moins qu'on put faire , et que l'Autriche
allai t recou vrcr assez de terri toire dans cette
contrée pour ne pas marchander avec sa proprc
fille; que; quant aux freres de Napoléon, asa
premiere femme,
a
ses enfants adoptifs, au prince
Eugene,
a
la reine Hortense, on accorderait tout
ce qui serait dú, qu'il s'y engageait personnelle–
ment, que son ministre M. de Nesselrode serait