PRUMIERE ABDICATION. ·-
AVRIL
i814.
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• - l'\'Iarmont: n'cn <lit pas davantage, et ses sol–
dats expliquerent ses réticences par le voisinage
de l'ennemi qui les cntourait de toutes parts. Ils
se calmerent, reprirent leurs rangs, et parurcnt
disposés 3 attendre patiemment ce qu'il ferait
d'eux. Au surplus il suffisait de quelques instants
de soumission pour qu'on n'eut plus rien
a
craindre de leur mutinerie. Les coalisés naturel–
Iement allaient placer entre le 6° corps et Fontai –
nebleau une barriere impossible
a
franchir.
l\farmont retourna tout de suite
a
Paris pour
annoncer l'heureux résultat de sa courte mis–
sion, pour reccvoir les flatteries de cct hotel de
la ruc Saint-Florentin qui l'avaicnt perdu, et
dont il ne pouvait plus se pas er. On l'y entoura
de nouveau, oo le combla de plus de caresses
que jamais, et on lui promit cctte étcrnellc
reconnaissance, qui, de In part des peuples, des
partis et des rois, n'est pas toujours assurée aux
services meme les plus purs et les plus avoua–
bles
!
Ainsi s'accomplit cclte défection , qu'on a
appclée la trahison du maréchal l\larmont. Si
l'acte de ce maréchal avait consisté
a
préférer
les Bourbons 3 Napoléon, Ja paix
a
la gucrre,
l'espérance de la liberté au despoLisme, rien
n'eut été plus simple, plus légitime, plus
avouable. l\fais meme en ne lenant aucun
compte des devoirs de la reconnaissance, on ne
peut oublier que l\Iarmont était 1·evelu de la
confiancc personnelle de Napoléon, qu'il était
sous les armes, et qu'il occupait sur l'Essonne un
poste d'unc importancc capitale : or, quitter en
ce moment cette position avec tout son corps
d' arméc, par suite d'une convention secrete
avcc le prince de Schwarzenberg, ce n'était pas
optcr comme un citoyen libre de ses volontés,
entre un gouverncment et un autre, c'était tcnir
la conduite du soldat qui désertc
a
l'ennemi
!
Cet acte malheureux, l\farmont a prétendu
depuis n'cn avoir qu'uue part, et il est vrai
qu'aprcs e11 avoir voulu et accompli lui-meme
le comliencement,
il
s'arreta au milieu, effrayé
tle .ce qu'il avait fait
!
Ses génél'aux division–
naires, égarés par une fau ssc terreur, reprirent
l'acte interrompu et l'acheverent pour lcur
1
ll
csl aussi difficilc de savoir ce qui s'esl passé dans celle
dernitire entrevue que.dans la précédente, dont
no.usavo?s
parlé, pages 778 et suivanles. Le maréchal Ney n'a r1en écr1t,
el Napoléon, daos ses
~Jémoircs
de Sain le-Hélene, par respcct
pour l'inforlune et l'héroismc dn maréchal, a garrlé un com–
plet silence. Seulement il est facilc de reconoaitrc
a
quelques–
unes de ses expressions, qu'il avait senli vivemeol l'altilude
du maréchal Ney daos les dernie1·s jours de l'Empire. Le ma-
compte ; mais Marmont en venant s'en appro–
prier Ja fin par sa conduite
a
Versailles, con–
sentit.
a
l'assumcr tout éntier sur sa tete, et
a
en
porter le fardeau aux yeux de la postérité.!
Les agitations étaicnt tout aussi grandes mais
d'une autre nature
a
Fontainebleau. Les trois
plénipotentiaires y étaient rctournés vers la fin
de cctte journée du
D,
pour
y
transmeltre la
réponsc définitive des souverains alliés. Le
maréchal Ney, comblé des caresses du gouver–
nemcn t provisoirc, s'était fait fort d'obtenir et
de rapporler l'abdication pure et simple de
Napoléon. Aussi n'avait-il point attendu ses deux
collegues pour partir, soit désir d'etre seul, soi
exccs d'empresscment
a
tenir ses promesses. 11
avait trouvé Napoléon insLruit de la défection
du 6° corps, en appréciant mieux que personne
les conséquences militaires et politiques , calme
d'aillcurs, montrant d'autant plus de hauteur
que la fortunc montrait plus d'acharnement
contrc lui, et n'étant disposé
a
laisser voir ce
qu'il éprouvait qu'aux deux ou trois person–
nages qui avaient exclusivement sa confiancc.
Napoléon remercia polirnent le maréchal Ney
d'avoir accompli sa mission, muis ne le mit guere
sur la voie des épanchements et des conseils,
devinant
a
son attitude,
a
son cmpressement
·a
arriver le prcmier, qu'il avait un vif désir de
contribuer au dénoument, et peut-ctre de s'en
faire un mérite. Il écouta, presque sans répon–
dre, tout ce que voulut dire le maréchal, et en
cfict cclui-ci s'étendit longuement sur la réso–
lution ifrévocable des souvcrains, sur l'impos–
siuilité de les en faire changcr, sur l'especc
d'entrainement avec lequcl
011
se pronorn;ait
a
Paris pour la paix et pour les Bourbons, sur
l'état de délabrcment de l'armée, sur l'impossi–
bilité d'en obtenir de nou'vcaux c:fforls, et,
a
propos du sang si abondammcnt versé par elle,
il
parla des malhcurs présents avcc vérité, mais
sans ménagement, cur cette ame guerriere était
plus fortc que délicatc. Toutefois il ne s'éloigna
point du respect du
a
un maitrc so us lequel lui
et ses compagnons d'armes avaient contracté
l'habitudc de courber Ja tete
1
•
Napoléon
apres l'avoir écouté froidement et patiemment,
récbal eul le tort en enlranl
a
Paris de se vanlel', nolammenl
aupres du général Dupont , ministre de la guerre, qui en a
consigné le souvenir dans ses l\lémoircs, d'avoir forcé Napo–
léon
il
abdiqucr. Tou t prouve que le marécbai en cette occasion
s'accusa mal
a
propos, et qu'il s'élait borné, dans la scene de
Fonlaineblcau,
a
manc¡uer de ménagemen ls cnvers le malheur,
sans se permellre une violence de propos qui n'était guere
possible. Ce qui oous porte
a
le croire, c'est
que!\~.
de Cau lain-
*