PUEl\UERE ABDIOATJON. -
AVRlL
18i4.
?>57
précise et résolue, les raisons déja énoncées
conlrc le maintien personnel de Napoléon sur le
Lróne de Frnnce, mnis d'une maniere hcaucoup
moins fcrmc celles qu'on pouvait alléguer contre
la
régence de Marie-Louise. Il se pronorn;a sur
cette derniere partie du sujet d'une foc;on qui
n'aYait
l'ÍCD
d'absofo
7
Ct qui }aissait meme OUVel'–
lure nu renouvellement de la discussion. Elle
rccommenc;a en effet; les maréchaux répéterent
avcc une extreme véhémence ce qu'ils avaient
dit conlre le rappel des Bourbons, et se montre–
rent presque menac;ants en parlan t des forces
qui restaient
a
Napoléon , et du dévouement
qu 'il trouverait de leur pnrt pour la défcnse des
droits du roi de Rome. Alexandre, vivemcnt per–
plexe, regardait Lllnlót les inte1·loculeurs, tantót
ses alliés, commc s'il eut songé
a
une solution
autre que cclle qu'il avait mission de notifier
1,
lorsque entra Lout
a
coup un nicle de carup qui lui
adressa en langue russe quelt¡ucs mots
a
voix
basse. l\f. de Cnulaincourt, comprcnant un pcu
cette langue , crut devincr qu'on annonc;ait au
czar la défection du G" corps, évidemment igno–
rée de ce monarque,
a
en juger par son étonnc–
ment. - Tout le corps? demanda Alexnndre eu
:.ivanc;nnt son oreille qui était un peu dure. -
Oui, tour. le corps, r épondit l'aide ele camp . -
Alexandre revint aux négocfatcurs, mais dis–
lrait , et paraissanl écouter
a
peine ce qu'on lui
disa it. 11 s'éloigna cnsuite un instant, pour s'en–
tretenir avec ses alliés. Pendant que les trois
négociateurs étaient seuls
(~Iarmont
n'avait pas
osé se joinrlre
a
cux ccttc fois),
:M.
de CaulaincOUI'.t
<lit aux dcux maréchaux que tout était perdu,
car il ne pouvait plus douter que la nom·elle
apporlée
a
l'empereur Alexnndre ne ftit cdle de
la défection du 6° co rps, et que cctle nouvelle
ne changcat toulcs les dispositions du czar.
Alexandrc reparut bicntót, mais cette fois ferme
daos son allitude, décidé <lans son langage, et
déclarant qu'il fallait renonccr soit
[1
Napoléon ,
soit
u
Maric-Louise, que les Bourbons seuls con–
vcnai~nt
a
la France comme
a
l'Europe, que du
reste l'armée au nom de Iaquelle on parlait était
au moins divisée, car il apprenait
a
l'inslan t
r1u'un corps entier avait passé sous la banniere
du gouvernement provisoire, que toute l'armée
suivrai t saos doute ce bon excmple, qu'elle ren–
drait ainsi
a
la Frnnce un service au moins égal
a
tous ceux qu'elle lui avait déja rendus, que sa
t
Je parle d'apl'c le lémoignage écril des hommes les plus
dignes de foi, et les moins ho tiles au maréchal nlarmont et
anx Boul'bons.
gloire et ses intérets seraient soigneusement res–
pectés, que les princcs rappelés au Lróne fonde–
raient sur elle, sur son appui, sur ses lumicres,
le no uveau regnc; que pour ce qui regardait
Napoléon, il n'avait qu'a s'en ficr
a
la loyauté des
so uverains alliés, et qu'il sernit traité, lui et sa
famille, d'une maniere conforme a sa grandeur
passée. Ces paroles dites, Alcxandre entretint les
maréchaux l'un apres l'autre, témoigna
a
l\fac–
donald !'estime qui lui était due, caressa Ney de
maniere
a
lroubler la tete malhcureusemcnt
faible de ce béros, et retint quelq ues instanls
l\I.
de Caulaincourt. La, dans un court entre–
tien, il laissa voir a celui-ci que les dernieres
indécisions des alliés avaient été terminées par
l'événcmcn t qui s'était passé la nuit sur l'Es–
sunne, car
a
partir de ce moment on nvait bien
compris que Napoléon ne pouvait plus l'ien ten–
ter, et qu'il ne lui r estait qu'a se résigner
a
sa
destinée. L'empereur Alexaudrc rcnouvela les
assurances qu'il avait déj1 donnécs du traitemenL
Je plus gé néreux
a
l'égar<l de Napoléon, ne dis–
simula pas qu'il s'était
peut-e~rc
bcaucoup avancé
en offrant l'ile d'Elbe, mais il ajouta qu'il tien–
drait son engagcmcnt, et promit d'une mani ere
formelle de faire accorder
a
l\'Iarie-Louise et au
roi de Rome une principauté en Italic. Puis il
congédia
l\I.
de Caulaincourt en le pressant de
revcni1· au plus tót avec les pouvoirs de son
mai.trc afin d'acbever cctte négociation , ca1·
d'heure en hcure la si tuation de Napoléon per–
dait ce que gag nait celle des Bourbons, et les
dédommagements qu'on était disposé
a
lui ac –
corder devaient en etre
fort
amoindris.
l\I.
deCaulaincourt, r esté scul avec Macdonald,
qui ne l'avait pas quiHé, s'appréta
a
retourncr
it
Fontai nebleau. Ney, cntouré par les membrcs
et les ministres du gouvernement provisofre,
rctenu au milieu d'eux, fut comblé de témoi–
gnages capablcs d'ébranler la tele la plus solide.
Le maréchal l\Iarmont, <le son cóté, était venu
chez l\L de Talleyrand, ou il allait Ctre exposé
1t
de nouvelles séductions.
Il
arrivait consterné de
ce qui s'était passé sur l'Essonnc, et ch crchant
dans les yeux des assistants un jugemcnt qu'il
craignai t de trouver séverc, surtout en se rappe–
lnnt ce que les maréchaux, ses collegues, luí
avaient dit le malin. Mais au licu d'expressions
improbativcs, ou au moins équivoques, il ne
rencontra partout que l'assentimcnt le
pion
flat–
teur, les serrements de main les plus expressifs.
On lui dit qu'apres avoir héroiquement fait son
devoir dans la derniere carnpagne, il venait de