Table of Contents Table of Contents
Previous Page  546 / 616 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 546 / 616 Next Page
Page Background

?S36

LIVRE

CINQUANTE-'fROISJEME.

qu'on Ieur faisait commettre, les unes supposant

que e'était la suite de l'abdication dont la nou–

velle s'était répandue dans la soirée, les autres

que c'était un mouvement concerté pour sur- .

prcndre l'enncmi. Pourtant en voyant les soldats

alliés border paisiblement les routes, et les lais–

ser passer sans faire feu, eJles commence1·ent

a

conccvoir des soupvons. Bientót meme elles mur–

murerent. Quelqucs officiers complices de la dé .

fection chercherent

a

les apaiscr, en alléguant

divers prétextes, et firent eontinuer la marche

sur Versailles. l\'Iais les murmures allaient crois–

sant a chaque pas, et tout présageait un soule–

vement en arrivant

a

Ve1

1

sailles meme. Ainsi

passa

a

l'ennemi le 6° corps,

i1

une scule division

pres, celle du général Lucottc,

a

qui l'ordre pa–

rut suspect et qui rufll sa de l'exécuter. La ligne

de l'Essonne res la done découverte, et le 6° corps,

si nécessaire

a

l'exécution des ,projets de Napo–

léou,

fut

complétement pcrdu pour luí.

Le bravc colonel Fabvier, n'ayant aucun moycn

d'empecber cette triste résolution, 11'avait vu

d'auLrc rcssourcc, pour en prévenir les cfl'els,

que de se transporter en toute bate

a

París au–

pres du maréchal Marmont. l\'Iais dépourvu

d'autorisation,

il

eut bcaucoup de peine

a

fran–

chir les avant-postes cnnemis, n'y réu ssit qu'a

force deS-ollicitations et de faux prétextes, arriva

en.fin

a

1')1ótel Talleyrand, n'y rcncontra plus le

chef qu'il cherchait, courut chcz le maréchal Ney,

y trouva les Lrois maréchaux asrnmblés, et fit a

Marmont le récit qu'on vient delire.

En apprcnant celle terrible nouvelle, Marmont

éprouva u ne violente én10tion. - Je suis perdu,

s'écria-t-il, déshonoré a jamais

! -

Le malheu–

rcux, hélas

!

ne crut pas assez ce qu'il disait, car

il aurait fait les dernicrs eíforts pour écarter de

lui toute µart de responsabilité daos cctte dé–

fection . .Mais il se con tenta <le gémir, de se

plaindrc, et de denrnud cr des consolations

a

ses

collcgues (forL peu <lisposés

a

lui en offrir), au

lic~

d'aller lui-meme

a

Vcrsailles afin de ramener ses

troupes a leur poste

a

lravers tous les périls.

Tandis qu'il consumaiL le temps en doléances

inutiles, un message de l'cmpereur de Russic

vint annoncer aux représenlants de Napoléon

qu'ils étaient attendus rue Saint-Florcntin. lis

partirent, suivis de :Marmont qui ne ccssaí·t de

se lamcnter sans agir, et dépourvus d'cspérancc

<lepuis la fatale nouvellc qui étaít venue les sur–

pl'endrc.

Pendant que cette scene se passait sur la route

de Versailles, les auteurs de la restauration des

Bourbons s'étaient donné eux aussi beaucoup de

mouvemenL. L'empereur Alexandre avait pam si

ému du langage tenu par les maréchaux, et ses

alliés cux-memes, bien que naturellcment por–

tés pour les Bourbons, avaient paru si touchés

de l'arnnLage de terminer immédiatement la

guerre par un accord avcc Napoléon, que les

royalistes réunis chez l\'I. de Talleyrand

con~u­

rent de véritables alarmes. lis redirent

a

l'em–

pereur Alexandre tout ce qu'ils lui avaicnt déja

<lit bien des fois depuis cinq jours; ils dépeche–

rent le géuéral Beurnonville aupres du roi de

Prusse, pour luí répétcr les memes choses; ils

n'avaient rien

a

faire pour persuader le p"rincc

de Schwarzenberg, mais ils le suppliercnt de ne

pas faiblir. En un mot ils ne négligerent aucun

soin pour prévenir un retour de fortunc qui

dépendait surtout de la mobilc volonté d'A–

lexandre. Ces efforts du reste étaient

a

peu pres

superflus, car on n'avait rien

a

dire aux cours

alliées pour lcur

dé~outrer

que les Bourbons

valaient mieux ·que Na\poléon caché derriere la

régence de sa femmc,\mais elles craignaient de

pousser Napoléon au désespoir, et ce motif était

le seul qui put les faire hésiter. Pourtant, apres

s'ctre réunis

a

l'hótel Saint-Florentin, et avoir

délibéré, les représcntants de la coalition furent

d'avis de persévércr, prernierement parce qu'ils

s'étaient déja fort nvancés en faisant prononcer

la d·échéance de Napoléon et de ses héritiers, se–

condcment parce que les Ilourbons étaient bien

nutrement rassurants pour eux qu'une régence

qui laisserait

a

Napoléon la tentation et le moyen

de reprendre le sceptre, avec le sceptre l'épée;

enfin parce que l'reuvre de se débarrasser de

l'oppresseur commun étant si avancée, il valait

mieux la pousser

a

terme, meme a.u prix d'une der–

nicre effusion de sang, que de l'abandonner pres–

que accomplie. Ils avaient done chargé Alcxandre

de déolarer qu'on persistait dans ce qui avait été

primitivement décidé, mais sans lui communi–

quer une résolution énergique qu'ils n'avaicnt

pas eux-memes, et sans lui do.nncr pour les

Bourbons une ardeur de zele qui leur manquait.

Alexandrc, entol!lré du roi de Prusse et des

ministres de la coalition,

:ce~ut

les maréchaux

prósentés par

1\1.

<le Caulaincourt, avec la memc

bienveillance que la vcillc.

11

exprima encore une

fois

cette idéc, reproduite depuis quelques jours

jusqu'a satiété, que les souverains alliés étaient

venus a París pour

y.

cherchcr Ja paix, et nulle–

ment pour humilier la Francc on Iui imposcr un

gouvernement; puis il répéta , d'une maniere