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PRE!\UERE ABDICATION. -

A.VRIL

18t4.

l'ambition l'ont perdu. Le malheureux ne sait

pas ce qui l'attend; son ·nom sera :llétri. Je ne

songe plus

a

moi, croyez-le, ma carriere est

fini c, ou bien pres de l'ctre. D'ailleurs, qucl gout

pu is-je uvoi r

a

régner aujourd'ln\i sur des crours

las de moi' et pressés de se donner

a

d'autres?...

Je

songe

a

la France qu'il cst aifreux de laisser

daos. cet état, sans frontieres, quand elle en avaiL

de si belles

!

C'est la, Caulaincourt, ce qu'il y a

de plus poignant dans les humiliations qui s'ac-

. eumulcnt· sur ma téle. Cctte Francc que je vou–

lnis faire si grande, la laisscr si pclitc

!...

Ah! si

ces imbéciles ne m'eusscnt pns tlélaissé, en quatre

heures je rcfa isais su grandcur, car, <'royez-lc

bien, les alliés en conservant leur position ae–

tuclle, ayant París

a

dos et nioi en facc , éLaicnt

peruus. Fusscnt-ils sortis de Pads pour écbappcr

á

ce danger, ils n'y seraient plus r cntrés. Leur

sortie scule dcvant moi cut été déjii une immcnsc

défaitc. Ce malheurcux l\Iarmont a cmpéché ce

bcau résultat. Ah! éaulaincourt, quellc joie

c'eut été de relevcr la Franco en quelques heu–

i-cs

!...

Maintcnaot, que fairc? Il me resteraiL

cnviron

HSO

.mille hommes, avec ce que j'ai ici

et avec ce que m'ameneraicnt Eugcnc , Auge–

r ca u, Suchet , Soult, muis il fuudrait me portcr

derricrc la Loirc, attircr l'ennemi apres moi,

étendre indéfiniment les ravages auxqucls la

France n'est déja que trop exposée, mettre en–

corc bien des fidélités a l'éprcuve, qui peut-étrc

ne s'cn tireraient pas mieux que celle de Mar–

mont, et tout cela pour contüiuer un regnc qui,

je le vois, tire a sa fin! Je ne m'en sens pas la

force. Sans doute, il y aurait moyen de nous

relevcr en prolongeant Ja gucrrc. II me revient

que de tous cótés les paysans de la Lorraine, de

Jo

Cliampagnc, de la Bourgognc, égorgent les

détachements isolés. Avant peu le pcuple prcn–

dra l'ennemi en horreur; on sera fatigué

a

Pa,ris

ele

Ja

générosité d'Alexandre. Ce princc a de la

séduction , il plait aux femmes, mais tan t de

grace dans un vninqueur révoltera bicntót Je

scntim~nt

national. De plus, les Bourbons arri–

vcnt, et Dieu sait ce qui les suiL l Aujourd'hui

ils vont pacifier la France avec l'Europe ,. mais

demain, dans quel état ils la mcttront avcc cllc–

meme

!

lis sont la paix cxtéricure, mais la gucrrc

intérieure. D'ici

h

un an, vous verrez ce qu'ils

auront fait du pays. Jls ne garderont pas Talley–

rand six mois. 11

y

aurait done bien des chances

de sueces dans une Iutte prolongéc , chances

politiqucs et militaires, mais au prix de maux

affrcux . .. D'ailleurs, pour le ruoment, il faut

autre chose que moi. l\lo.n nom, mon image,

rnon épéc, tout cela fait peur... Il fa ut se ren–

dre... J e vais rappcJer les maréchaux , et vous

verrcz leur joie, quand ils scront par

010.i

til'és

d'embarras, et autorisés

a

faire comme l\Iarmont.,

sans qu'il lcur

Cll

eoutc l'honueur

! -

Ce complet détachement des ehoses, cette

indulgcncc envers les pcrsonnes, tcnaient ohez

Napoléon

a

Ja grandeur de l'esprit ot au senti–

meot de

ses

immcnses fautes. Si, en cffet

2

ses

infatigables licutenants étaicnt aujourd'hui si

fatigués, e'est qu'il avait ·atteint en cux Je termc

des forces humaincs, et qu'il n'avait su s'arreter

a

la mesure ni des hommcs ni des choses . Ce

n'étaient pas eux seulement qui étaicnt fatigués,

e'était l'univers, et leur défection n'avait pas

d'aulrc cause . l\Iais, apres de tclles fautes,

iI

sied

au génie do les sen tir, de puiscr dans ce senli–

mcnL une noble justice et de s'élevcr ainsi

a

cetlc

hautcur de

langag~

qui donoe tan t de digo ité au

malheur.

Napoléon parla ensuitc du sort qu'on luí réser–

vait. Il aecepta I'ile d'Elbe, et pour ce qui Je eon–

eernait, se montra extrémement faeilc. - Vous

le savcz, dit-il

a

M. de Caulaincourt, je n'ai be–

soi·n de ricn. J'avais 150 millions éeonomisés sur

ma liste eivile, qui m'appartenaient eommc ap–

parlicnnent

a

un employé les écouomies q¡u'il a

foites sur son traitemen.t. J'ai tout donné

a

l'ar–

méc, et je oc le regrette pas. Qu'on four.nisse die

quoi vivrc

a

ma famille, c'cst tout ce qu'il me

faut. Quan t

a

mon fils, il sena archidue, cela vaut

peut-étrc micux pour lui que le t.11óoc de Frunce.

S'il y montait, scrait-il capabJe de s'y tenir ?

Mais je voudrais pour lui et pour sa mere la

Toscanc. Cct établissement les pfacerait dans le

voisinagc de l'ile d'Elbe, et j.'am:ais aiusi Je

moycn de les voir.

l\L

de Caulaincourt répondit que le roí de

Romc n'obtiendrait jamais une tel!e dotation, et

que, gracc

a

Alcxandre,

il

aurait Parme tout au

plus. - Quoi ! reprit Napoléon, en échangc de

I'empirc <le Francc, pas mcmc la Toscane !... -

EL il se soumitaux affirmationsréitéréesde M. de

Caulaiocourt. Apres son fils,

il

s'oceupa de l'im–

péraLrice Joséphinc, du prince Eugene, <le la

reine Hortense, et insista pour que leuu

sovh

(.fü

assuré. - Du rest.e, dit-il

a

l\'I.

de Caulaincourt,

toutes ces

cboses.se

fcront

san~

peine, car en ne·

sera pas asscz mcsquin pour les eontester. l'\fais

l'arméc, mais la Francc, e'cst

a

elles su:rtout

qu'il fouurait songer. Puisque j!abandoune le

tróne'. et que je fais plus, que je rcmets mon