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058

LIVRE' CJNQUANTE-TH.OISI

EME.

metlre Je comble a sa belle conduite en sauvant

Ja France par la détermination qu'il avait prise,

r1u'il n'était aucun prix trop grand pour un te!

service, et que les Bourbons se hatcraient d'ac–

quitter ce prix, que! qu'il put e tre. L'infortuné

~farmont

était pret d'abord

a

protester contrc

les faux mérites qu'on luí attribuait. Mais, as–

snilli de félicitations, il n'eut pas la force de re–

pousser tant d'honneur, tan t d'espérances bril–

lan tes, et saos s'en douter, saos le vouloir,

accep tant les compliments,

il

accepta la réproba–

tion qui depuis est restée si cruellement attachée

a sa mémoire.

Dans les révolu tions, les péripéties sont promp–

tes et brusques. Tandis que les allants et venants

de l'hótel Talleyrand, ravis d'apprendre la dé–

fcction du

Ge

corps et la r-ésolution définitive des

alliés, comblaient Marmont de compliments,

cherchaient ainsi

a

I'associer

a

leur joie et

a

leurs

espérances , une nouvelle soudaine vint altérer

un instant leur félicité. Tout

a

coup, on répandit

le bruit qu'une sédition militaire avait éclaté

a

Versaillcs parmi les soldats du 6° corps; que ces

soldats, se disant Í.rompés par leurs généraux,

voulaient les fusiller, et qu'on n'était pas bien

sur des conséquences de eet accident imprévu .

Av.ec

plus de calme qu'on n'en conserve en pa–

reille circonstance, on aurait compris qu'un corps

de

15

mille hommes, séparé du gros de l'armée

fran<;ais e, complétement entouré par les troupes

alliées, serait anéanti ou désarmé s'il essayait de

revenir sur ce qu'il avait fait. Mais on ne rai–

sonne pas aussí juste dans le tumulte des jour–

nées de révolution. On craignit que ce co1·ps,

revenant en arriere par un coup de désespoir

héro'ique, ne rallumat les passions des troupes

restées

a

Fontainebleau ainsi que l'ardeur belli–

queuse de Napoléon, ne donnat meme une forte

émotion au peuple de Paris, tranquille en appa–

r ence, mais frémissant

a

la vue des étrangers, et

ne fót en quelque sorte la cause d'un changement

complet de scene. On fut ému et profondément

troublé.

Un homme seul pouvait empecher que I'heu–

r eux événement de la nuit ne devint si promp–

tement malheureux, et cet homme, c'était le

maréchal 1\1armont. Ce maréchal e.ffectivement

devait avoir sur les troupes du 6• corps une

grande inlluence , et plus qu e personne il était

capable ele les maioteoir dans

la

voie ou elles

avaieot été engagées. On l'entoura done , et on

Je up plia d'aller achever l'reuvre commcocée.

On lui répéta pour la centieme fois que le réta-

blissement de Napoléon contre l'Europe entiere

était impossible; que l'Europe, fút-elle vaincue

sous les murs de París, ne se tiendraít point

pour battue, recommencerait la guerre avec un

nouvel acharnement; que la France serait ainsi

exposée

a

une a.ffreuse prolongation de maux ;

que la pJix avec les frontieres de ·1790, que les

Bourbons avec des garanties légales , étaient bien

préférabks

a

des chances pareilles' qu'au sur–

plus, lui :Marmont, était entré daos cette voie,

qu'il y avait poussé son corps d'armée, que re–

culer maintenant serait hors de son pouvoir,

r esterait inexplicable, et que, déja perdu avec

Napoléon,

il

le serait

a

jamais avec les Bourbons.

-1\Iarmont qui ne voulait pas etre ainsi perdu

avec tout le monde, et qui, d'ailleurs, apres

avoir eu la faiblesse d'accepter des félicitations

imméritées, désirait acquérir des titres incontes–

tables

a

Ja faveur royale, se décida

a

partir pOUl'

Versailles, afin de ramener

a

l'obéissance les

troupes mutinées du 6° corps. Il s'y rendit sur–

le-champ, et, arrivé sur les lieux, trouva ses

soldats en pleine insurrection, réunis hors de Ja

ville,

~t

refusant de r eprendre leurs rangs mal–

gré les efforts du général Bordessoulle auquel ils

reprochaient vivement la conduite qu'on leur

avait fait tenir. L'arrivée imprévue du maréchal

l\farmont leur causa une véritable satisfaction.

Comme

il

était absent au moment ou la défec–

tion s'était accomplie, ils supposaient qu'il l'avait

ignorée, et en le voyant accourir, ils furent per–

suadés qu'il venait les tirer du mauvaís pas ou on

les avait engagés. En outre, Marmont s'était

acquis leurs sympathies par sa brilllante bra–

voure dans la derniere campagne. 11 se présenta

done

a

eux,

fit

appel

a

leurs souvenirs, retra<;a les

circonstances pé1·illeuses ou il les avait comman–

dés, et ou il avait toujours été le premier au.dan·

ger, réussit ainsi

a

leur arracher desacclamations,

et, apres avoir établi ses droits

a

leur confiance,

leur dit que les ayant toujours conduits dans le

chcmin de l'honneur, il ne les en ferait pas sortir

maintenant, qu'il les y conduirait encore lorsque

ce chemin s'ouvrirait devant eux; mais que (ians

l'état de trouble ou il les voyait, ils ne pouvaient

elre que des instruments de désordre, destinés

a

etre vaincus par le premier enncmi qu'ils ren–

contre1·aient sur leurs pas, qu'il les suppliait

done de rentrer dans le devoir, de se replacer

sous leurs chefs, promettant, des qu'ils seraient

redevenus une véritable armée, de revenir parmi

eux, et d'y demeurer jusqu'a ce que Ja France

füt sortie de la crise affreuse ou eJle se trouvait.