Table of Contents Table of Contents
Previous Page  552 / 616 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 552 / 616 Next Page
Page Background

tí42

LIVHE CINQUANTE-TROISIEME.

épée, ayant encore tant de moyens de m'en ser–

vir, n'ai-je pas le droit de prétendre a quelquc.

compensation? Ne pourrait-on pas arnéliorer la

frontiere franc;aise, puisque la force qui en résul–

tcra pour la France ne sera pas dans mes mains,

mais dans celles des Bourbons? Ne pourrait-on

pas stipuler pour l'armée le maintien de ses

avantages, tels que grades, titres, dotations? ne

pourrait-on pas, ce qui lui serait si sensible,

conserver ces trois couleurs qu'elle a portées

avec tant de gloire dans toutes les parties du

monde? Puisque, enfin; nous nous rendons sans

combattre, lorsqu'il nous serait si facile de verser

tant de sang eneore, ne nous doit-on pas quclque.

chose, moi, moi seul, l'objet de toutes les haines

et de toutes les craintes, n'en devant pas profi–

ter?... - Et s'étendant fonguement sur ce

theme qui luí tenait

a

creur, Napoléon voulait

qu'on stipulat quelque chose pour la France et

pour l'armée.

1'1.

de Caulaincourt essaya de le

désabuscr a cet égard, en lui montrant que ces

intérets si grands, si respectables, il ne luí serait

plus donné de les traiter; que d'apres Je prin–

cipe posé, celui de sa déchéance, la facullé de

représenter la France , de négocicr pour elle,

avait passé au gouvernement provisoire, et qu'on ·

n'écouterait ricn de ce qui serait <lit par luí sur

ce sujet. - Mais, repartit Napoléon, ce gouver–

nement provisoire, quelle force a-t-il autrc que

la micnne, autre que celle que je lui prete en me

tenant ici

a

.Fontainebleau avec les débris de

l'armée? Lorsque je me serai soumis, e.t l'.armée

avec moi, il sera réduit a la plus complete im–

puissance; on l'écoutera encore moins que nous,

et il sera contraint de se rendre

a

discrétion.

Telle était en effet la situation, et on ne pou–

vait mieux la décrire, mais celui qui la déplorait

ainsi en était le principal auteur, et

il

devait s'y

résigner comme a tout le reste.

l\f.

de Caulain–

court s'appliqua de son mieux a le luí faire com–

prendre, et ce grave personnage mettant une

sorte d'insistance

a

ramener Napoléon au seul

sujet qui le regardat désormais, c'est-a-dire a sa

personne et a sa famille, l'ancicn maitre du

monde impatienté s'écria : On veut done me r é–

duire

a

discuter de misérables intérets d'ar–

gcnt

!...

C'est indigne de moi

!. ..

Occupez-vous

de ma famille, vous, Caulaincourt

!..•

Quant

a

moi,je n'ai besoin de rien!. .. Qu'on me donnela

pension d'un invalide, et ce sera bien assez

!

Apres ces cn tretiens qui remplirent la nuit et

la matinée du 6 avril, apres la r édaction de J'acte

qui contenait son abdication définitive,

a

laquelle

il apporta beaucoup de soin, Napoléon rappela

les maréchaux pour leur faire connaitre ses der–

nieres 1·ésolutions. Admis aupres de lui, et ne

sachant pas ce qu'il avait décidé, ils renouve–

Ierent leurs doléanccs; ils recommcncerent

a

dire que l'armée était épuisée, qu'elle n'avait

plus de sang a répandre, tant elle en avait ré–

pandu, et ils étaient si pressés d'obtcnir lf\,

fa–

culté de courir aupres du nouvcau gouvernement.,

qu'ils en seraient venus peut-etre, s'ils avaient

trouvé de la résistance,

a

manquer pour la pre–

miere fois de respect a Napoléon. Mais apres

avoir mis une sorte de malice

a

les laisser quel–

ques instants dans cette anxiété, Napoléon leur

dit : .Messieurs, tranquillisez-vous. Ni vous, ni

l'armée, n'a:urez plus de sang

a

verser. Je con–

sens a abdiquerpuremeot et simplement. J'aurais

voulu pour vous, autant que pour ma famille,

assurer la succession du tróne

a

mon fils. Je

crois que ce dénoument vous eut été encore

plus profilable qu'a moi, car vous auriez vécu

sous un gouvernement conforme a votre origine,

a

vos sentiments,

a

vos intérets. C'était possible,

mais un indigne abandon vous a privés d'une

sitíí'ation que j'espérais vous ménager. Sans la

défection d u

6e

corps, nous aurions pu cela et

autre chose, nous aurions pu relcver la France

!...

JI

en a été autremen

t. ..

Je me soumets a mon

sort, soumettez-vous au vótre... Résignez-vous

a vivre sous les Bourbons, et

a

les servir fidele–

ment. Vous avez souhaité du repos, vous en au -

rez. l\'Iais, hélas

!

Dieu veuille que mes presscnti–

ments me trompent !... Nous n'étions pas une

génération faite pour le repos. La paix que vous

désirez moissonnera plus d'entre vous sur vos

lits de duvet, que n'eut fait la gucrre dans nos

bivacs. -Apres ces paroles prononcées d'un ton

triste et solennel, Napoléon leur lut l'acte de son

abdication, con<;u dans les termes suivants :

e<

Les puissances alliées ayant proclamé que

" l'Empereur Napoléon était le seul obstacle au

ce

r établissement de la paix en Europe, l'Empe–

" reur Napoléon, fidele a ses serments, déclare

te

qu'il renonce, pour luí et ses béritiers, aux

ce

trónes de France et d'

Ital.ie

, parce quºil n'est

«

aucun sacrifice personnel, meme cclui de la

(( vic, qu'il ne soit pret a faire

a

l'intéret de

la

1c

France. ,,

En entendaot cette lecture, les lientenants de

Napoléon se précipiterent sur ses mains pour le

remercier du sacrifice qu'il faisait , et lui répé-