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LIVRE CINQUANTE-TROISIEME.
nislas-Xavier, destiné aujourd'hui
a
lui succéder
sous Je nom de Louis XVIII, lequel était un
savant, un Iettré et un sage; qu'il avait laissé
un autre frere, le comte d'Artois, modele de
bonté et de grace frarn;aises, enfin des neveux,
le du c d'Angouleme, le duc de Berry, types
de l'antique honneur chevaleresque. Sous ces
princes, doux, justes , ayant conservé les vertus
qu'une affrcuse révolution avait presque empor–
tées de Ja ferre, la France, aimée , estimée de
l'Europe, trouverait le repos et le Jaisserait au
monde. Elle trouvcrait meme la liberté, qu'elle
n'avait pas r encont.rée au milieu des orgies san–
guinaircs de la démagogie, et que Iui apporte–
raient des princes formés vingt ans
a
l'école de
l'Angleterre.
II
y avait une incontestable por–
tion de vérité dans ce langagc <le la flatterie im–
paticn ~_,
et tout cela pouvait devenir vrai, si
les passions des partis ne venaient corrompre
tant d'heureux · éléments de prospérité et de
repos.
Quoi qu'il en soit, les Bourbons, outre leur
mérite, avaient pour eux la puissance de la né–
cessité. En efl'et, la République, toute souillée
encore du sang versé en 1795, n'élant pas pro–
posable
a
la France épouvantée, la royauté seule
étant possible, et des deux royautés alors pré–
sentes aux esprits, celle du génie, celle de la
t.radition, la premiere s'étant perdue par ses
égarements, que restait-il , sinon la seconde,
consacrée par les siecles, et rajeunie par le
malheur?
II
élait done- bien naturel qu'apres
avoir employé quclques jours
a
se remettre les
Bourbons en mémoire , on se ralliat
a
eux
avec un
entrainem~nt
qui croissait d'heure en
heure.
II
fallait done se hater de faire deux choses :
rédiger la constitution qui lierait les Bourbons
en les rappelant, et en meme temps recevoir
M. le comte d'Artois
a
Paris. M. le comte d'Ar–
tois étai t dcmeuré caché
a
Nancy , comme on l'a
vu, atlcndant le retour de M. de Vitrolles, qui
était vcnu se concerter avec le gouvernement
provisoire, et qui n'avait pas voulu retourner
aupres du prince avant que la question de la
régcnce de l\farie-Louisc füt vidée. Cette ré–
gence étant définitivemeut repoussée, le rappel
des Ilourbons restant la seule solution imagina–
ble, il fallait r envoyer M. de Vitrolles
a
Nancy
pour qu'il y allat chercher le prince. M. de Tal–
leyrand et les membres du gouverncmeut pro–
visoire, malgré les exigences de M. de Vitrolles,
lui donnerent pour instruction de dire
a
M. le
comte d'Artois qu'il serait re<; u aux portes -de
Paris avcc tous les honneurs das
a
son rang;
qu'il serait conduit
a
Notre-Dame pour y en–
tendre un
Te Dettm,
et de Notre-Dame aux Tui–
leries; qu'il devrait cntrer avec !'uniforme de
garde national; qu'il était mcme
a
désircr qu'il
prit la cocarde tricolore, car ce scrait un moycn
ccrtain de s'attacher l'armée; que tel était l'avis
des hommes éelairés dont le concours était ac–
tuellement indispensable; que le pouvoir qu'on
luí attribuerait serait eclui de représentant de
Louis XVIII , dont il avait les lettres patentes;
que ces lettres scraicnt soumises au Sénat, qui,
s'appuyant sur elles, décernerait au prínce le
litre de lieutenant-général du royaume, aux
conditions, bien entendu, de la constitution
nouvelle.
l\I. de Vitrolles , sous l'inspiration des senti–
ments qui animaient le vieux partí royaliste, se
récria fort contre Ja cocarde tricolore, les cou–
leurs blancbes étant, sclon lui, celles de l'antique
royauté, et l'embleme de son droit inaliénable ;
contre la prétention du Sénat d'investir lui-meme
l\L le comte d'Artois du pouvoir royal, et par–
dessus tout contre I'idée d'imposer une constitu–
tion au souverain légitime. l\L de Talleyrand
n'aimant point
a
lutter, et comptant sur le
temps pour arranger toutes choses, dit assez lé–
gercment
a
M. de Vitrolles qu'il fallait partir
sans délai pour aller chercher le prince, qu'on
verrait au moment meme de l'entrée de M. le
comte d'Artois comment on pourrait résoudre la
difficulté de la cocarde; que, reJativement
a
Ja
constilution, il était indispensable d'en faire une,
mais qu'on la rendrait la moins genante possible,
et qu'on tacherait surlout de lui óter l'apparence
d'une loi imposée.
JI
lui répéta, en un mot, qu'il
fallait partir, et ne pas retarder par des diffi–
cultés puériles la marche des événements.
Il
le
chargea en meme temps de porter au prinee
l'assurance de son dévouemcnt personnel le plus
absolu.
Afin de convaincre davantage
1\'1.
de Vitrolles
qu'il n'y avait pas mieux
a
faire que de s'en
aller avec ces conditions, on lui procura une au-,,......_
dience de l'empcreur Alexandre. Pendant cette
audience M. de Vitrolles ayant voulu, avec l'ar–
rogance des partís victoricux, plaider pour les
anciennes couleurs et pour la pleine liberté du
roi de Francc, l'empereur Alexandre, sortant de
sa douceur habituelle, lui <lit que les monarqucs
alliés n'avaient pas franchi le Rhin avec 400 mille
hommes pour rendre la France esclave de l'émi-