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PREJUIERE ABDICATION. -

Avn1L

mu.

?S49

n'importe comment, et . elle se croyait sure de

retrouver

s.on

bonheur passé. Cependant quel–

ques personnages, plus avisés ou plus subtils,

ayant systématisé leurs préjugés, prétendaient'

recouvrer le roi

libre,

et a aucun prix ne le vou–

laient recevoir chargé d'entraves.

.M.

l'abbé de

Montesquiou était -des principaux. Pour luí,

comme pour ceux qui partageaicnt sa maniere

de voir, le roi était seul souverain, et la pré–

tendue souveraineté de

la

nation n'était qu'une

impertinence révolutionnaire. Sans doute le Roí,

qui n'avait pas lés yeux fermés a la lamiere,

pouvait de temps en temps, tous les siecles ou

demi-siecles, s'apercevoir qu'il y avait des abus,

et les réformer, mais de sa pleine autorité, en

octroyant une

ordonnance réformatrice,

laquelle

irait au besoin jusqu'a modifier les formes du

gouvernement, jamais jusqu'a aliéner le príncipe

absolu de l'autorité royale. Voila tout ce qu'ils

étaient capables de concéder ; mais imposer des

conditions

a

la souveraineté du roí , souveraineté

d'ordre divin, venant de Dieu non des hommes,

la soumettre a un serment, et ne rendre qu'a ce

prix la couronne a son possesseur légitime,

c'étaient, suivant eux, autant d'actes de révolte

et d'insurrection.

M. de Talleyrand, n'ayant guere le temps et

pas davantage le gotlt de s'occuper de questions

de ce genre, s'en fiant d'ailleurs au Sénat du

soin d'enchainer les Bourbons, avait laissé M. de

Montesquiou aux prises avec les sénateurs

chargés de rédiger

la

nouvelle constitution. Cet

abbé philosophe et politique ne se tenait pas de

colere, quand on

énon~ait

devant lui le príncipe

de la souveraineté nationale. Pourtant il n'était

pas assez aveugle pour oser soutenir ouvertement

le príncipe opposé, et pour espérer surtout de

le faire prévaloir, car on aurait fait tourner notre

planete en sens contraire plutot que d'amener

les hommes de la révolution a reconnaitre que

le roi seul était souverain, 1:1ue la nation était

sujctte, et n'avait que le droit d'étre par lui bien

traítée, comme les animaux par exemple ont le

droit de n'etre pas accablés par l'homme de souf·

.; frances inutiles. Aussi, tout en s'emportant, et

se récriant contre ceci, contre cela, M. de Mon–

tesquiou n'osa-t-il pas aborder de front la diffi–

culté, et contester le príncipe d'une sorte de

contrat entre la royauté et la nation. Mais

il

profita de ce que le Sénat avait donné prise, en

se faisant une trop_grande part dans la future

constitution, pour se montrer a son égard vio–

lent et presque injurieux. -Qu'etes-vous done,

dit-il aux sénateurs, pour vous imposer ainsi a

la nation et au roi? A la nation? mais que! autre

titre auriez-vous, qu'une constitution que vous

venez de renverser, ou une confiance que la na–

tion ne vous a pas témoignée, et qu'il est dou–

teux qu'elle éprouve? Au roi?... mais il ne vous

connait pas,

il

est mon souverain et le vótre, il

revient par des décrets providentiels dont ni

vous ni moi ne sommes les auteurs, et n'a au–

cune condition a subir de votre part. Limitcr le

nombre des pairs

!

Ne donner au roi que la

faculté de remplir les vacances!. .. Mais c'est

violer les príncipes de la monarchie constitu–

tionnclle, tels qu'on les entend dans le pays ou

on la connait le mieux, en Angleterre; c'est faire

de la pairie une oligarchie omnipotente, contre

laquelle le roi n'ayant pas la faculté de la disso·

lution comme a l'égard de Ja seconde chambre ,

et privé des promotions par la limitation du

nombre des pairs, resterait absolument impuis–

sant. La pairie serait tout simplement un

souverain absolu, et cette pairie ce serait

vous-memes

!

Vous auriez rappelé le roí seule–

ment pour servir de voile

a

votre omnipo–

tence

!

Sur ce dernier point, il faut le reconnaitre,

l\f.

l'abbé de Montesquiou avait raison, et limiter

le nombre des pairs c'était r endre la pairie

omnipotente. l\fais

il

fut blessant, impertinent

meme, et sembla dire aux sénateurs qu'on pour–

rait bien leur laisser a tous leurs pensions, a

quelques-uns leurs siéges, mais que c'était tout

ce qu'on pouvait faire pour une troupe de r-évo "

lutionnaires qui n'avaient plus la faveur popu–

laire , qui n'auraient jamais la faveur royale,

et qui avaient brisé leur seul appui en brisant

Napoléon.

Les sénateurs auraient pu répondre que s'ils

ne représentaient ni le roi ni la nation , per–

sonne dans le moment ne les représentait plus

qu'eux, mais qu'avec leurs fautes et leurs fai–

blesses ils représentaient quelque chose de fort

considérable , la Révolution

fran~aise

; qu'ils

étaient les dépositaires fideles de ses príncipes,

que c'était la une force morale immense, qu'ils

y

joignaient une force de fait toutaussi incontesta–

ble, celle d'etre la seule autoritéreconnue, notam–

ment par les étrangers tout-puissants

a

París;

qu'ils avaient la couronne dans les mains, qu'ils

la donneraient

a

condition,

sauf

a

ceux qui pré–

tendaient la recouvrer, a la refuser si les con–

ditions ne leur convenaient point. Malheureu–

sement parmi ces ho¡1mes, dont les opinions