PREJUIERE ABDICATION. -
Avn1L
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n'importe comment, et . elle se croyait sure de
retrouver
s.onbonheur passé. Cependant quel–
ques personnages, plus avisés ou plus subtils,
ayant systématisé leurs préjugés, prétendaient'
recouvrer le roi
libre,
et a aucun prix ne le vou–
laient recevoir chargé d'entraves.
.M.
l'abbé de
Montesquiou était -des principaux. Pour luí,
comme pour ceux qui partageaicnt sa maniere
de voir, le roi était seul souverain, et la pré–
tendue souveraineté de
la
nation n'était qu'une
impertinence révolutionnaire. Sans doute le Roí,
qui n'avait pas lés yeux fermés a la lamiere,
pouvait de temps en temps, tous les siecles ou
demi-siecles, s'apercevoir qu'il y avait des abus,
et les réformer, mais de sa pleine autorité, en
octroyant une
ordonnance réformatrice,
laquelle
irait au besoin jusqu'a modifier les formes du
gouvernement, jamais jusqu'a aliéner le príncipe
absolu de l'autorité royale. Voila tout ce qu'ils
étaient capables de concéder ; mais imposer des
conditions
a
la souveraineté du roí , souveraineté
d'ordre divin, venant de Dieu non des hommes,
la soumettre a un serment, et ne rendre qu'a ce
prix la couronne a son possesseur légitime,
c'étaient, suivant eux, autant d'actes de révolte
et d'insurrection.
M. de Talleyrand, n'ayant guere le temps et
pas davantage le gotlt de s'occuper de questions
de ce genre, s'en fiant d'ailleurs au Sénat du
soin d'enchainer les Bourbons, avait laissé M. de
Montesquiou aux prises avec les sénateurs
chargés de rédiger
la
nouvelle constitution. Cet
abbé philosophe et politique ne se tenait pas de
colere, quand on
énon~ait
devant lui le príncipe
de la souveraineté nationale. Pourtant il n'était
pas assez aveugle pour oser soutenir ouvertement
le príncipe opposé, et pour espérer surtout de
le faire prévaloir, car on aurait fait tourner notre
planete en sens contraire plutot que d'amener
les hommes de la révolution a reconnaitre que
le roi seul était souverain, 1:1ue la nation était
sujctte, et n'avait que le droit d'étre par lui bien
traítée, comme les animaux par exemple ont le
droit de n'etre pas accablés par l'homme de souf·
.; frances inutiles. Aussi, tout en s'emportant, et
se récriant contre ceci, contre cela, M. de Mon–
tesquiou n'osa-t-il pas aborder de front la diffi–
culté, et contester le príncipe d'une sorte de
contrat entre la royauté et la nation. Mais
il
profita de ce que le Sénat avait donné prise, en
se faisant une trop_grande part dans la future
constitution, pour se montrer a son égard vio–
lent et presque injurieux. -Qu'etes-vous done,
dit-il aux sénateurs, pour vous imposer ainsi a
la nation et au roi? A la nation? mais que! autre
titre auriez-vous, qu'une constitution que vous
venez de renverser, ou une confiance que la na–
tion ne vous a pas témoignée, et qu'il est dou–
teux qu'elle éprouve? Au roi?... mais il ne vous
connait pas,
il
est mon souverain et le vótre, il
revient par des décrets providentiels dont ni
vous ni moi ne sommes les auteurs, et n'a au–
cune condition a subir de votre part. Limitcr le
nombre des pairs
!
Ne donner au roi que la
faculté de remplir les vacances!. .. Mais c'est
violer les príncipes de la monarchie constitu–
tionnclle, tels qu'on les entend dans le pays ou
on la connait le mieux, en Angleterre; c'est faire
de la pairie une oligarchie omnipotente, contre
laquelle le roi n'ayant pas la faculté de la disso·
lution comme a l'égard de Ja seconde chambre ,
et privé des promotions par la limitation du
nombre des pairs, resterait absolument impuis–
sant. La pairie serait tout simplement un
souverain absolu, et cette pairie ce serait
vous-memes
!
Vous auriez rappelé le roí seule–
ment pour servir de voile
a
votre omnipo–
tence
!
Sur ce dernier point, il faut le reconnaitre,
l\f.
l'abbé de Montesquiou avait raison, et limiter
le nombre des pairs c'était r endre la pairie
omnipotente. l\fais
il
fut blessant, impertinent
meme, et sembla dire aux sénateurs qu'on pour–
rait bien leur laisser a tous leurs pensions, a
quelques-uns leurs siéges, mais que c'était tout
ce qu'on pouvait faire pour une troupe de r-évo "
lutionnaires qui n'avaient plus la faveur popu–
laire , qui n'auraient jamais la faveur royale,
et qui avaient brisé leur seul appui en brisant
Napoléon.
Les sénateurs auraient pu répondre que s'ils
ne représentaient ni le roi ni la nation , per–
sonne dans le moment ne les représentait plus
qu'eux, mais qu'avec leurs fautes et leurs fai–
blesses ils représentaient quelque chose de fort
considérable , la Révolution
fran~aise
; qu'ils
étaient les dépositaires fideles de ses príncipes,
que c'était la une force morale immense, qu'ils
y
joignaient une force de fait toutaussi incontesta–
ble, celle d'etre la seule autoritéreconnue, notam–
ment par les étrangers tout-puissants
a
París;
qu'ils avaient la couronne dans les mains, qu'ils
la donneraient
a
condition,
sauf
a
ceux qui pré–
tendaient la recouvrer, a la refuser si les con–
ditions ne leur convenaient point. Malheureu–
sement parmi ces ho¡1mes, dont les opinions
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