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LIVRE CINQUANTE-TRO ISIEl\JE.

lui répondit qu'il aviserait, et qu'il lui ferait

connaitrc le lendcmain ses résolutions défini·

tives. Apres ccttc cntrevuc , le maréchal Ney,

pressé d'acquilter sa promessc, se hala d'adrcs–

scr nu prince de Bénévent une leltt'C, dans

laquelle r:icontant son rctour

a

Fontaineblcau a

la suite de l'insucecs des négociations du matin,

insucccs qui était

dú,

écrivait-il,

d

un

événe–

rnent

imprévu

(l'événemcnt d'Essonne), il ajou–

lait qu e.Tempereur Napoléon,

convaincu

ele

la

pos·ition c1·itique ot't

il

avait

]Jlacé

la

France,

et

de

l'impossibilité oi't il se trouvait

de

la sai1ver

lui-méme, pamissait clécidé

a

donncr son

abr.li

cation pttre et simple. A

pres cettc assertion, au

moins prématuréc, le maréchal disait qu'il cspé–

rail pouvoir porlcr lui-meme l'acte authentique

et forme! de cette abdication. La lettrc était

datée de Fontaincblcau, onzc hcurcs et demie

du soir.

l\I.

de Caulaincourt et le maréchal Macdonald

arrivcrcnt immédiatemcnt aprcs le maréchal

Ney. IJs t1·ouve1·cnt Nnpoléon déja profondémcnt

endormi, et, aprcs l'avofr révcillé, ils luí racon–

tercnt avcc les memes détails que le maréchal

Ncy, mais en termes différents, tout ce qui s'était

passé

a

París dcpuis la veille , e'e t-i1-dire leurs

négociations d'abord hcureuses , du moins en

apparence, et bicntót suivies d'un insucccs com–

plet aprcs la défcction du 6Q corps. Ils ne dissi–

mulercnt pas

3.

Napoléon que, dans leur convic–

tion profondc, quelque douloureux qu'il fUt pour

cux de se prononcer de la sorlc, il n'avait pas

au lrc chosc a fairc que de donner son abdicalion

purc et simple, s'il ne voulnit pas cmpirer sa

siluation personnelle, Ólcr asa femmc,

a

son fils,

a

ses frercs' toutc chance d'un établissement

convcnable , et a ttircr enfin sur

la

Francc de

nouvcaux et irrcmédiables malhcurs. Ce couscil

5C

rcproduisant coup sur coup ; quoiquc présenlé

ccllc fois dans les termes les plus respectueux,

importuna Nnpoléon. ll répondit avec une sorlc

coun en arrivanl vers minuiL, c'csl-a-dire quelques inslanls

ª!' res le m.aréchal Ney, Lrouva l'iapoléou parfoitemenl calme,

n uya ut 111 dan_ son attitudc ni tlan son langage l'animation

q11'une sccne v1olenle aurait dü lui lai er, n'ayant de plus

aneune résol ution arrcléc. M. de Caulaincou1·t, daos quelqucs

ouvenirs consignés par écrit, <lit posilirr men t qu'cu eompa–

ranl ce qu'i l avai l vu

ü

Fonlainclilea u avcc ce qu'il enlendit

raconler quelqucs jours plus tard de la conduite du maréchal

Ne!., il cul

rl~

la peine

a

s'expliquer le vcr>ions répandues, el

qu

ti

ne.

~ut.

cmpéclter de croire que le maréchal Ney s'élait

c~lomn:c 1 ~ 1- mclme.

an doulc il ne ful con lcnt ni du langage

111

~e.

1atl1tude dn marécbal Ney

a

l'ltólcl Saint-Florenlin,

llllllS

ti

~e

puL

~roire

U la réalilé des scencs de violcnce qu'on

raconta1l

a

Par1s, et que bcaucoup d'hislorieos ont rapportécs

d'impaticnce qu'il lui reslait beaucoup trop · de

ressources pour accepter sitót une proposition

aussi extreme. -

Et

Eugenc, s'écria -t -il, Augc–

rcau, Suchct, Soult, et les

~O

millo hommes que

j'ai cncore ici... croyez-vous que ce ne soit

ricn? ... Du reste, nous verrons !... A demain !...

- Puis, montrant qu'il était tard,

il

cnvoya ses

deux négociateurs prcndre du repos, en leur

lémoignant

a

que! point

il

appréciaiL leurS' pro–

cédés nobles et délicats.

A peine les avait-il congédiés qu'il

fi't

rappeler

M. de CauJaincourt, pour lequel il :ivai't non pas

plus d'cstime

qu~

pour le mnréchal l\facdonald,

mais plus d'habitu<lc de confiance. Touie trace

d'humeur avait dispa·ru. 11 dit

a

l\L

de Caulain–

court combien il était satisfait de la conduitc <lu ,

maréchal l\facdonald qui, loogtcmps son cnnemi,

se comportait en ce moment comme

i.m

ami

dévoué, parla avec indulgencc de la mobilité du

maréchal Ney, et s'cxprimant sur Je compte de

ses lieutcnants avec une douceur légcrement

dédaigncuse, dit

a

1'I.

de Cau1aincourt :

Ah.!

Caubincourt, les hommes, les hommcs !.•. Mes

matéchaux rougiraient de tenir Ja conduite de

l\formont, car ils ne parlent de lui qu'avce indi.:.

gnation, mais ils sont bien fachés de s'etre autant

laissés dcvanccr sur le chemin de la fortune

!...

Ils voudraicnt bien, sans se déshonorcr eomme

lui ' acquérir les memes titres a la faveur des

Bourbons. - Puis

il

pula de Marmont avcc

chagrin, muis sans amertume. - Je l'avais traité,

dit-il, comme mon enl'ant. J'avais cu souvent

a

le défendre conlre ses collegues qui, n'appré–

ciant pas ce qu'il a d'csprit, et ne le jugeant que

par ce qu'il cst sur le champ de bataille, ne fai–

saient aucun cas de ses tnlcnls militaircs. Je l'ai

créé maréchal et duc, par gout pour sa pcrsonne,

par condesccndance pour <les souvcn"irs d'en–

fance, et je dois dire que je comptais sur lui. 11

est le seul homme peut-etre dont je n'aie pas

soup~onné

l'abandon: mais la vanité, la faiblessc,

depuis. Quant au marécbal lllacdonald, !out en se montranl ,

<lans ses Mémoires maouscrils, peu satisfait tlu maréchal Ney,

il raconlc les sceoes auxqucllcs il a pris part d'une maniere

r¡ui exclut complétemeot l'idéc d'une violence excrcée su1·

apoléon. Nous ciloos ces deux personnagcs éminenls, lrs

seuls qui aicnt écrit, comme témoios oculaires, les sci:ncs de

Fontainelilcau en

i8i4,

el les plus dignes de Coi enlrc tous

ce11x qui auraicnt pu les écrire, pour ramcner toulcs choses

J

au vrai. Aussi nous flattons-nous d'avoir donné, ici comme

ail lcurs, la vérilé aussi cxactcment r¡uc po sible, et ne crai–

g nnns-nous pas d'affirmer que lous les récits qui s'écarlcnt de

la mesure dans laquellc nous nous renfermoos, soot ou enlié–

rcmcnl faux, oa au moins singulicrcmcot exagérés