LlVflE CINQUANTE-TflOISIEI'tIE.
lettre pour le prince a M. de Vitrolles, lorsqu'on
avait annoncé les marédJ,aux. Frappé de lcm;–
apparition inaLtendue ,
il
avait retenu cette
letLre, et engagé M. de Vitrolles
a
rcster jusqu'a
ce que les derniers doutes fussent Icvés, ce que
celui-ci avait acc?pté, voulant, lorsqu'il irait
rejoindre le prince, n'avoir a luí annoncer que
des résolut\ons certaines et dófinitives.
:M.
de Caulaincourt et les maréchaux eurent
avcc les m..emhres du gouverncment provisoire
un premier entretien court et froid, et qui serait
devenu orageux, si
la
question n'avait pfls du se
vider ailleurs. La nuit était avancée, et le roi de
Prusse s'était retiré dans l'hOtcl qui lui servait
de r ésidence. L'empereur Alexandre, établi
a
l'hótel Talleyrand, rel(ut tout de suite les cn–
voyés de Napoléon. Avant de livrer ce prince
a
l'influenc~e
des nouveaux venus,
l\'I.
de Talley–
rand, qui craignait sa--mobilité, s'efforl(a de fixer
daos son esprit les idées qu'il avait déja essayé
d'y faire entrer, en lui répétant que Napoléon
était impossihle, parce qu'il était la guerrc; que
Marie-Louise é tait également impossible, parce
qu'elle était Napoléon
a
peine dissimulé; que
Bernadotte élait ridicule; qu'il n'y avait d'admis–
sible que les Bourbons; que d'ailleurs depuis cinq
jours on avait marché constamment dans celtc
voic, et que la raison comme la loyauté voulaient
qu'on n'ahandonnat point des gens qui s'étaient
compromis sur la foi des souverains alliés,
a
la
puissance et
a
la parole desquels ils avaient du
er oire. 1\L de Talleyrand ne s'en tint poipt
a
cette
précaution, et il donna a l'empereur Alexandre
une espece de gardien, le général Dessoles, es–
prit forme, avons-nous dit, cngagé dans la ca1,1se
des Bourhons, non par intéret, mais par con–
viction , et capable de soutenir son opinion con–
lrc toute sortc de contradicteurs. Bien que
n'ayant pas les memes titres que les maréchaux
Ney et Macdonald pour parler au nom de l'ar–
mée,
il
avait cependant quelque droit de ré–
pondre
a
ceux qui , en parlant pour elle, ne
se renferrneraient pas daos l'exacte vérité des
cl10ses.
Alexandre accueill it
l\f.
de Caulaincourt et les
maréchaux avec la courtoisie qui lui était natu–
relle, et dont il ne faisait jamais plus volon.tiers
éLalage qu'cn présence des militaires franeais.
Apres les avoir complimentés sur leurs expÍoits
dans la derniere eampagne, et
SUl'
le dévoue–
ment héro'ique avec lequcl ils avaien t rempli
leurs devoirs militaires, apres avoir ajouté que,
ce devoirs accomplis, il était temps pour eux de
·choisir entre un h.omme et leur pays, et
d~
ne
plus sacrifier leur pays par
Q.délit~-pour
<;et
hoq¡me,
il
s'appliqua, ce qu'i l faisait souvent,
ii
rctracer !'origine de la préscnte guerre, el
a
montrer, en remontant jusqu'a 1812, q11¡e c'
óla.itNapoléon seul qui l'avait provoquéc. Il dit que
la Russie avait supporté patiemment. en
1809,
en ·1810, en '181'1, loutes les chargcs de l'al–
Iiancc, avait privé
se~
sujcts de tout commeree
pour se preler aux eombinaisons politiqu·cs de
la Fran ce contre l'Angleterre, lorsque Napoléon ,
mobile autant qu'absolu, avait soudain,ement in–
venté ur\e législatiol;l commerciale nouv.clle., et
prétendu l'imposer
a
ses aUiés; qu'a eette cpo–
que, lui Alexandre, avait fait les ''eprésentations
les plus amicales et les plus irréfutables; que
néanmoins,. malgré l'injustice de ce qu'on lu.i
demandait, il était
dispos~
a
un dernier sacri–
fice, quand NapoJ:éon avait brusqucment envahi
son terriloire et l'avait mis dans la nécessité de
se défcndre ;. qu'alors, secondé par le co.urage de
son armée et par son climat,
il
avait repo,ussé
l'en,vahisseu.11 ; qu'ai:rivé S4;_r la Vistule il se serail.
:.uTcté, si I'El}.rope opprimée l;l'avait implo11é son
secours; qu'apres Lutzen et Bautzen, les souve–
rain,s alliés avaient voulu s'cntendre avec Napo–
Iéon , lui laisser
ses
immenses conquctes, et aJlé–
ger seulcment le joug qui pesait sur eux, mnis
qu'il s'y était ohstinément refusé; que sull le
Hhjn on s'était arrelé de nouveau pour luí off.rir
ce beau fleuve comme frontiere, et qu'il i;i'avait
pas répondu; qu'a
Chat~llon
on lui
~vait
offert la
France d.e Louis XIV et de
J ...
ouis.XV, q¡u'il <waít
refusé encare, et q.u'alors
il
avai~
bien faJlu vcn,ir
ehercher
a
Paris la
pa.ixqu'on n'avait pu trou –
ver nulle part; qu'entrés daos Paris, les souve–
rains alliés ne voulaient ni humiliel.' la France,
ni lui imposcr un
gouvcrnem~:q.t;,
qu'ils étaient
occupés de bonne foi a découvrir celui qu'elle
désirait véritablement, celui qui, en lui donnant
le bonheur, assurerait
a
l'Europe Je repos; qu'ils
n'avaient aueun pacte avec
l.esBourbons, et que
s'ils inelinaient ver.s eux, e'était
pl~tót
par né.–
cessité que par choix; qu'ils étaient prets, tant
lcur déférence pour l'opinion de
la
France était
grande,
a
adopter le gouvernement que les dé–
putés de l'armée, ici
préscnts~ésigneraient,
a
conditjon seulemei;it que ce gouvernement n'eut
rien d'alarmant pour l'Europe. Redouhlant alors
de flatteries
a
l'égard de ses inter]ocuteurs'
Alexandre ajouta : Entendez-vous, messieurs ,
entre vous ; adoptez la constitution qui vous
plaira ; choisissez Je chef qui conviendra le mieux