PREl\IIERE ABDICATION. -
AVRIL
18!4.
!)29
que vous serez le plus solide défenseur des inté–
rels de mon fils. - En proférant ces mots, il lui
tendit la main, que Macdonald pressa vivement
dans les siennes, en promettaut de justificr la
confiance que l'empereur lui témoignait en celle
occasion , promesse que bientót
il
devait tenir
noblement. Napoléón, quoiqu'il eut renoncé
a
envoyer l\farmont
a
Paris, laissa cependant
a
ses
plénipotentiaircs la liberté de le prendre avcc
eux en passant
a
Essonne, s'ils croyaient sa pré–
scnce utile, se réservant dans cecas de le rempla–
ccr dans le poste qu'iJ occupait. Ces cxplications
tcrminées, Napoléon lut l'acte suivant, qu'il ve–
nait de rédiger:
" Les puissances alliées ayant proclamé que
l'Empereur Napoléon élait le scul obstacle au
rétablissement de la paix en Europe, l'Empcreur
Napoléon, fidele
a
son serment, déclare qu'il est
prct
a
descendre du treme,
a
quitter la France et
mcme
Ja
vie pour le bien de la patrie, insépa–
ra ble des droits de son fils, de.ceux de Ja régence
de l'Impératrice, et des lois dé l'Empire. Fait
en notre palais de Fontainebleau, . le 4 avril
181 4.
n
Cette rédaction ayant re<;u une approbation
unanime, Napoléon prit une ph.1me pour y ajou–
ter sa signature. Avant ·q'y apposer son nom,
sentant la gravité de cette démarche malgré les
projets sccrets qu'il nourrissait, il fut saisi d'un
regrct douloureux, non pour le trone, mais pour
les cJ-iances auxquelles on allait peut-étre renon–
cer, et songeaot encore
a
la position si impru–
dente prise par les alJiés, il s'écria : Et pour–
tant... pourtant nous les battrions si nous
voulions
!... -
Apres celte cxelamalion, ·qui
fit
baisser la téte aux assistants, il signa la piece, la
remit
a
·M.
.de Caulaincourt, et congédia ses trois
ambassadcurs, to ujours plus porté
a
combattre
qu'a négocier, et résoh1, si les moyens qu'il pré–
pa'l':Üt ne se brisaient pas dans ses mains, d'in–
terronwre
a
coups de canon Ja négociation nou–
velle qu'on allait enlamer
a
Paris.
Les maréehaux, accompngnés de
1\f.
de Cau–
Jaincourt, quittcrcnt immédiatcment Foplaine–
blcau, nfin de se rcndre aupres des monarqucs
alliés. Ils dev.aient passer
a
Essonne pour se con–
former aux intentions de Napoléon, e.t pour y
f:;iire demander au qtiartier général du prince de
ScJnvarzenbcrg J'aulorisalion de trnvcrser les
avant-postes. Arrivés
a
Essonne vcrs cinq heures
apl'es midi, ils y trouvercnt en eífet le rnaréchal
CONSULA.T.
5.
Marmont, lui firent part de Ja mission dont ils
étaient cbargés, et qu'il était autorisé
a
partager
avcc eux. A leur grande surprise, .le mai;échal se
montra froi d, embarrassé, et peu disposé
a
les·
accompagner. Le malheurcux, hélas
!
avait suc–
combé
a
tous les piéges qu'on Jui tendait depuis
quatre jours
!
L'ancien aide de camp qu'on Iui avait dépeché
la veille,
l\J.
de J.\fontessuy, l'avait joint, et, aprcs
lui avoir communiqué les Jettres du gouverne–
ment provisoire, y avait ajouté ses propres
exhortations. II était facile
a
cet envoyé de
parler avec effet, car il était convaincu, et
peo~
sait, avec tout le haut commercc de París dont
il
faisait partie, qu'il était temps de se séparer
d'un gouvernement arbitraire et désastreuse–
ment belliqueux, qui avait jeté
la
France dans
un abime de maux, et n'étai t'pas capable de l'en
lirer. L'agent du gouvernement provisoire s'y
était pris de plus d'une maniere pour pénétrer
daos une ame dont
il
connaissait toutes les
issucs. Apres avoir parlé au patriotisme de Mar–
mont,
il
avait passé asa vanité,
a
son ambition.
II n'avail pas manqué de dire, en effet, que dans
cette campagne Marmont s'était couvcrt de
. gloire, que la France, l'Europe avaient les yeux
sur lui; que, seul entre les maréchaux,
i1
avait
asscz d'inlel1igence politique pour comprendre
ce qu'exigeaient les circonstances; que les cir–
constanccs commandaicnt de se séparer de Na–
poléon, u'cntourer, de fortifier Je gouvernement
provisoire chargé de concJure la paix, de rap–
peler les Bourbons, et, en les rappefon t, de leur
imposer une sage constitution; qu'en secondant
l'accomplissement de cette reuvre excellente
il
joucrait dans l'armée le rólede M. de TaJieyrand
dans Ja politique, qu'il n'aurait sous Ies Bourbons
qu'a choisir sa situation, qu'aprcs le service qu'il
aurait rendu tout lui scrait du, et qu'il réunirait
le double avantage de sauver son pays et d'en
etre mag nifiquement récompensé.
11 y avait assurément beaucoup de vérité dans
ce qu'on disait la au mulheurcux Marmont, et de
la part de celui qui le disait une entiere sincérité.
Il était vrai que pourde simples citoycns exempts
de lout engagement personnel, ignorant la situa–
tion militaire, ne sacbant pas s'il y avait encore
des chances de battre la coalition, d'arracher de
ses mains la France vaincue, le mieux était de se
raltacher aux Bourbons, de tacher d'obtenir avec
eux une paix moins dure et un gouvcrnement
moins dcspotique. Mnis ces considérations de–
vaicnt demeurer étrangeres
a
un officier comblé
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