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LIVRE crNQUANTE-TROISIEl'tJE.

Berthi9r, les ducs de Ilassano et de Viccncc, et

quclqucs nutres personnages éminents. Napoléon

venait de se débarrasscr de son chapenu, de son

épée, et marchait, parlait dans son cabinet avec

une véhémence plus qu'ordinaire. Les maré–

chaux étaient tristes, embarrassés, n'osant pas

proférer une parole. Devinant ce que cachait

leur silence et voulant les forcer

~

le

rompre,

Napoléon les questionna, leur demanda s'ils

avaicnt des nouyclles de París, a quoi ils répon–

dirent

qu~ils

en avaient, et de bien facheuses.

Puis il lcur demanda ce qu'ils peosa ient. - Tout

ce qui était arrivé, dil'ent-ils, était bien doulou–

rcux, bien déplorable, et ce qu'il y avait de plus

désolant, c'est qu'on ne voynit pas la fin de cetle

cruelle situation. - La fin , rcpartit Napoléon,

clic dépcnd de nous. Vous voyez ces braves

soldals ' qui n'ont ni grades ui dotations a

sauver,-ils ne songent qu'a marcher, qu'a mourir

pour arracher la France aux maíns de l'étranger.

11 faut les suivre. Les coalisés sont partagés entre

les dcux rivcs de la Scinc dont nous avons les

ponts principaux, et dispcrsés dans une ville

immensc. Vigoureusement abordés dans cctte

positíon, ils sont perdus. Le peuple parisien est

frémissant, il ne les Jníssera pas partir sans les

poursuivre, et les paystrns les acheveront. Sans

doule, ils peuvent revenir· : mais Eugcne cst de

retour d'Italie avcc t.r cnte-six mille hommcs;

Augereau en a trente, Suchet vingt, Soult qua–

rante. Je vais attircr

a

moi la plus grande parlie

de ces forces; j'ai soixante-dix mille hommes ici,

et avec cctte masse, je jellerai dans Je Rhin tout

ce qui sera sorti de Pnris et voudra y rentrer.

Nous sauverons la_France, nous vengerons notre

honneur , et alors j'acceplerai une paix modéréo.

Que faut-il pour tout cela? Un dernier eífort,

qui vous permcltra de jouir en repos de vingt–

cinq années de travaux.

Ces raisons, quoique frap panles, ne parurent

pas etre du gout des assistants. Ils objecterent

a

Napoléon que, s'il était légitime de vouloir

livrcr une derniere bataillc, dans Je cas toulefois

ou elle pourrait etrc utile et ne serait pas l'occa–

sion d'une irremédiable ca tas tropbe,

il

était

affreux de la Ji vrer dans Paris, et de faire de

notre capitale une autre .l\foscou. Napoléon

répondit a cctte ohjcction qu'on le calomniail

quand on prétcndnit qu'il rnulait se venger des

Parisiens, qu'il ne chcrchait µas

a

faire de París

un champ de baf,aille, mais qu'il prenait l'eonemi

la ot\ la Providcnce le lui livrait, et que dans la

position ou étaient les coalisés, ils seraicnt néces-

sairemcnt <létruits. S'adressant alors

a

Lefebvre,

a

Oudinot, a Ney, il leur demand-b si leur désir

était de vivre sous les Bourbons? A cetre ques–

tion, ils pousserent de vives exclamations.

Lefebv1·e, avee la violence d'un vieux jacobin,

affirma qu'il ne le voulait point,, et

il

était sin–

cere. Ney s'en exprima avcc une incroyable

véhémence, et dit que jamais ses enfants ne

pourraient trouver sous les Bourbons ni bien–

etre ni meme sureté, et que Je seul souverain

<lésirable pour eux était le roi de Romc. - Eh

bien, reprít Napoléon, croyez-vous qu'en abdi–

quant je vous assurcrais

a

vous et

a

vos enfants

l'avantage de vivre sous mon fils? Ne voyez-vous

pas lout ce qu'il y a de

r~

et de mensonge

dans eette idée d'une régcnce au profit 'du roi de

Rome, imaginée pour vous séparer de moi, et

pour nous pcrdre en nous divsant?

1\fa

femme,

mon fils, ne se souliendraient pas une heure;

vous auriez une anarchie qui apres quinze jours

aboutirait aux Bourbons... P'ailleurs, njouta-t-il ,

il

y a des secrets de famille que je ne puis divul–

guer! .. Le gouvcrnemcnt de iha femme est impos–

sible

!. . -

Napoléon faisai t ainsi nllusion aux

motifs qui l'avaient port.S

a

ordonner que sa

femme sortit de París, et le principal de ces

motifs, c'était la faiblesse de Marie-Louise qu'il

connaissait bien. Mais tandis que les maréchaux

avaient éclaté en dénégations violentes lorsque

Napoléon leur avait parlé de vivre sóus les Bour–

bons, ils s'élaient tus

lor~qu'il

avait parlé de son

abdication et des conséqucnces qu'clle pourrait

avoir, n'osant pas dire, mais laissant devincr que

l'abdícation était véritahlement ce qu'ils dési–

raient. Napoléon le comprit sans paraitrc s'en

apcrccvoir. En ce momcnt survint Macdonald,

ému, troublé de tout ce qu'il avnit appris,

tenant la Iettre de Ilenrnonville

r1

la main. -

Quellcs nouvelles nous apportez-vous? lui dit

Napoléon. - De bien mauvaises, répondit le

maréehal. On assure qu'il y a dcux cent mille

enncmis dans Paris et que nous allons

y

livrer

hfl taillc. Cette idée csl affreuse! .. N'est-il pas

tcmps de finir? •.. - 11 ne s'agit pas, répliqua

Na poléon, de livrer bataille daos Pllris;

il

s'agit

de profiter des fautes de l'ennemi. - Ui-dessus

on discuta, et Napoléon demandant ce qu'était

la lettre qu'il avait

a

la rnain, Macdonaffl--lui dit:

Sire, je n'ai ríen de cáché pour vous, lisez-la. -–

Ni moi pour vous tous, repartit Napoléon; qu'on

la lisc

a

haute voix. - .l\f. de Bassano prit la

lettrc, la lut avec )'embarras, avec

~a

souffrance

d'un sujet resté aussi respectueux que fidele