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PREMIERE
Al3DICATION. -
AVl\IL
1814.
52i
ceptant cet asile. lUais il n'y a plus d'autre base
possible de négociatÍon que son abdication.
Partez done, et revenez au plus tot avcc l'auto–
risation de traiter aux seulcs conditions que
nous puissions admettre.
M. de Caulaincourt chercha
a
savoir si, en ab–
diquant, Napoléoñ sauverait le trone de son fils.
Alexandre refusa de s'expliqucr, affirma toute–
fois que la question relative aux Bourbons n'était
pas résolue irrévocablernent, bien que tout scm–
l>Jat tendre vers eux , montra toujours la mcme
froideur
a
Jeur ógard, et insista de nou vea u
pour que l\f. de Caulaincour t s'oceupat le plus
promptement possible du sort personnel de
Napoléon. M. de Ca ulaincour t, voulant jeter Ja
sonde, demanda si en otant
a
Napoléon la Francc,
on lui donnerait la Toscane en indemnilé. - La
Toscane
!
repartit Alcxandre. Quoique ce soit
bien peu de chose en comparaison de l'Empire
fran<;ais , pouvez-vous croirc que les puissanccs
laissent Napoléon sur le contincnt, et que l'Au–
triche le souffre en ltalie? C'est impossible. -
l\fais Parme, Lucqucs, reprit M. .de Caulain–
court. -Non , non, rien sur le continent, r épéta
Alexandre; une ile, soit !... la Cor se, peut-etre !...
- Mais la Corse est a la F;;an ce, répliqua M. de
Caulaincourt, et Napoléon ne peut consentir
a
recevoir ufie de ses dépouillcs . - Eh bien, l'ile
d'Elhe, njouta Alexandre; mais partcz, amenez
votre maitre
a
une r ésignation nécessaire ' et
nous verrons. Tout ce qui sera convenable et
honoraL!e sera fait. Je n'ai pas oubli é ce qui est
du
a
un homrne si grand et si malheureux.
M. de Caulaincourt partil sur ces paroles,
convaincu que sans un prodige militair e ·il n'y
avait absolumen t rien a espérer pour Napoléon , et
presque rien pour son fils, et que le devoir était
de lui faire connaitre la vérité. Il se mi t en route
le 2 avril au soir, au
momc~1t
ou Ja déchéance
allait etre pronon céc, et certain q u'elle le serait
dans quelques heurcs. 11 arriva nu milieu de Ja
nuit a Fonlnineblcau.
• Tandisqu'a Paris M. de Caulaincourt s'efforvait
en vain deraífermir les fidélités ehnncelan tes , et
d'arreter les souve"rains dans lcurs résolutions
extremes, Napoléon
a
Fontainebleau n'avait pas
perdu le temps. ' Les doléances ne convenaient
pns plus
a
son grand caractere, que les illusions
a
son grand esprit. Si quelquefoi s il se livrait
aux illusioos, c'était comme une excuse ou un
encouragement qu'il se donnait
a
lui-meme dans
ses desseins téméraires, et sans en etrc tout
a
fait dupe. Dnns le malheur, il ne craignait pas
d'ouvrir entierement les yeux
a
la vérité, et
savait la voir sans palir . Quoiqu'il fUt hors de
Paris, il ava it presq ue deviné ce qui s'y passait;
il avait prév u que les souverains chercheraient
a
tir cr les dernieres conséquences de leur
triomphe, que le Sénat l'nbandonnerait, et que,
pour conj urer ce double danger, un grand évé–
nemcnt rnilitairc était la seule r essource. Aussi,
des son retour
a
Fon tainebleau , avait-il pris
ses car tes et ses états de troupes, et saisissant
d' un coup d'reil sur la belle mais terrible chance
que la fo rtune scmblait lui ménager encore,
avait-il résolu de ne pas la laisser échapper.
Lc..5 coalisés, aprcs avoir perdu en 111orts ou
hlessés environ
12
mi!le hommes sous les murs
de Paris, et apres avoir attiré
a
eux le corps de
Il ulow, comptaient encore
180
mille combal–
tants. Na poléon, en ajoutant
a
ce qu'il amenait
les corps des maréchaux l\forticr et l\farmont, et
quelques troupes des bords de l'Yonne et de
la
Scine, n'en avait pas moins de 70 mille. La dis–
proportion était énormc, mais la passion de
l'armée (nous parlons de la pnssion qui r égnait
dans les r angs inférieurs), le génie de Napoléon ,
les circonstanccs locales, pouvaient compenser
cette infériorité n umérique, et tout faisait pré–
sager une imrn ense catas trophe, pour la capitalc
ou pour la coalition. Quand on songe au p1
1
ix du
succes, si on avait triomphé ,
a
la France réta–
blie d'un seul coup dans sa grandeur (il s'agit
ici de sa grandeur désirable et non de sa gr an–
deur folle, de la ligne du Rhin et non de cellc
<le l'Elbe), nous n'hésitons pas
a
dire q ue le gain
possible justifiait l'enjeu, toules les splend eurs
de Paris eussent-elles succombé dans une jour–
née sanglnn te. La fronti ere du Rhin valai t bien
tout ce qui aurait pu périr dans la capitule, et
nous ne sa urions approuver ceux qui, ayant suivi
Napoléon jusqu'a Moscou, ne l'auraient pas suivi
cctLe fois
j
usqu'a París.
Quoi qu'il en soit, Napoléon
con~ut
un plan
dont le r ésultat ne lui paraissait pas douteux , et
dont la postérité jugera le succes au moins vrai–
semblable. Depuis qu'il s'était établi
a
Fontainc–
bleau pour y concentrer ses troupes, les alliés
s'étaient parlagés en trois masses, une de
80
mille
hommes sur la gauch e de la Seine, entre l'Es–
sonne et Paris (voir la carte nº 62) , une au tre
dans l'intérieur meme de Paris, une autre enfin
au dehors sur la droile de la Scine. Napoléon
considérait la situation qu'ils avaient prise comme
morlelle pour eux, si on savait en profiter.
ll
voulait franchir brusquement l'Essonne avcc
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