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PREMJ.ERE ABDICATION.

~

AYRIL

'1814.

tH7

nement apres tout,

e~

n'étaicnt ni les étrangers

ni les Bourbons, bien que les étrangcrs pussent

etre son appui et les Bourbons sa fin, c'était la

réunion des hommcs les plus eonsidérables du

régime impérial, qui, au milieu de Paris déserté

par la femme et

l~s

frcrcs de Napoléon, déeou–

vert par une fausse manoouvre de sa part, et

cnvabi par l'ennemi, s'étaient conecrlés pour

sauver le pays, le réconcilier avec l'Europe: et

fairc cesser une lutte désastreusc et désormais

inutile. Tant que Napoléon avait rcprésenté le

sol et l'avait défendu , quclque coupable qu'il

put etre, on devait s'attacher opiniatrément

a

lui; mais maintenant qu'a la suite d'une fatale

eomplication de fautcs et de revers, il était

vaincu, et ne pouvait plus rico pour la France,

que la ruiner peut-etre par la prolongaLion

d'une gucrre calamiteuse, n'était-il pas légitime

de se séparer d'nn bomme en qui ne se pcrson–

nifiai t plus le salut du pays, bien qu'en lui se

personnifiat encore la gloire de nos armes , et de

se rallier autour d'un gouvernement qui, sans

partí pris d'imposer telles ou telles institutions,

telle ou lelle dynastie, faisait appel aux bons ci–

toyens pour qu'ils l'aidassent

a

tirer le pays

d'une crise épouvantable, sauf a voir ensuite

(son titre provisoire l'indiquait assez) sous quelles

lois, sous quelle famille souvcraine, on placerait

définitivement la France affrancbie et sauvée.

Des idées si sages devaicnt avoir aeces aupres

de tous les hommes sensés, et

a

plus forte raison

au pres d'hommes dégoutés, épuisés, soucieux

pour leurs intérets, comme l'étaient les chefs de

l'armée, ayant pour la plupart, outre les griefs

généraux, des griefs particuliers, car Napoléon

avait cu plus d'un de ses lieutenants

a

redresser,

notamment pendant la derniere campagne, et

il

l'avait fait avec la brusquerie d'un caracter e

impétueux et absolu. Pourtant, il faut dire

a

leur

honneur que devant l'ennemi aucun d'eux n'avait

fléchi, et que les plus fatigués, les plus mécon–

tents avaient été souvent les plus braves. Mais

il

~

terme

a

tout, meme au dévouement, surtout

quand on n'en voit plus la cause Iégitime, et

qu'on se eroit sacrifié aux passions d'un maitre

iosensé. Or, Napoléon ne devait plus paraitre

(

autre chose

a

des hommes qui étaient persuadés

qu'il ava it toujours pu faire la paix, et qu'il ne

l'avait jamais voulu. Il lui arrivait ce qui arrive

a

eeux qui ne disent pas constamment la vérité,

c'est qu'on ne les croit plus, alors meme qu'ils la

disent. Napoléon avait été coupable de ne pas

conclure la paix

a

Prague, imprudent de ne pas

la conclure

a

Francfort, nu

i

a

CLatillon

il

était

honorable á lui de ne l'avoir pas acceptée'

a

Fontainebleau il était héro'ique de vouloir pro–

longer la guerre pour tirer Paris des mains de

l'ennemi. Mais on ne croyait rien de tout cela,

et le chagrin, le noble chagrin de M. de Caulain-.

court était presque devenu pour Napoléon une

calomnie. Les regrels que M. de Caulaincourt

expr imait d'avoir vu la paix tant de fois repous–

sée, faisaient supposer que récemment encore,

notammen t

a

Chatillon, la paix avait été honora–

blcmen t possible, et follement refusée. On ne

voyait plus daos Napoléon qu'un fou furieux, des

mains duquel il fallait tout de suite et

a

tout prix

tirer la Franee et soi-meme.

Dans les rangs inférieurs de l'armée,

il

exis–

tait quelquefois le sentiment violent de la fatigue

physique, mais un jour de soleil, un 'bon repas,

une heure de repos, la vue de Napoléon, suffi–

saient pour le faire disparaitre. C'était parmi les

chefs que se manifestait la plus dangereuse des

fa tigues, la fatigue morale, et elle était propor–

tionnée au grade, e'est-a-dire

a

la prévoyance.

Grande chez les généraux, elle était extreme ehez

ies maréchaux.

Il y en avait un , entre tous, celui peut-etre

qu'on en aurait le moins soup<¡onné, que M. de

Talleyrand, avec son aptitude

a

démeler le coté

faible des coours, avait d'avance dásigné du doigt

comme l'homme qui céderait le plus tot aux

bonnes et aux mauvaises raisons qu'on pouvait em–

ployer pour détacher de Napoléon ses Iieutenants

les plus intimes, et celui-la n'était autre que le

maréchal l\farmont. Cet officier, que Napoléon

avait eréé maréchal et duc, par complaisance

d'ancien condisciple bien plus que par estime

pour ses talents, ne se croyait pas, sous le régime

impérial, apprécié

a

sa juste valeur, porté

a

sa

véritable place, ¡et

il

est vrai qu'en goútant sa per–

sonne, en estimant son brillant courage, Napoléon

ne faisait aueun cas de sa capacité. Cet esprit

présomptueux et incomplet,

a

demi ouvert,

a

demi appliqué, croyant approfondir ce qu'il péné–

trait

a

peine, voulant partout le premier rüle, et

tout au plus capable du second, n'ayant pas assez

de supériorité pour diriger, pas assez de modestie

pour obéir, était antipathique

a

Napoléon, qui

lui préférait de beaucoup !'esprit simple, solide,

meme un peu borné, mais ponctuel et énergique

dans l'obéissance, de plusieurs de ses maréchaux.

Aussi avait-il placé au-dessus de Marmont bien

des hommes au-dessus desquels Marmont croyait

ctre. Marmont, en outre, avait commis

a

Craonne

.

.